FNH N° 1061

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CULTURE

JEUDI 7 AVRIL 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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Un effort situé, pour

exprimer les difficultés à œuvrer dans le champ des représenta- tions sans s’aliéner aux injonctions d’un regard néo-orienta- liste.

tion contemporaine au Maroc. Une autre scène marocaine où l’on trouve une diversité de pratiques qui, entre elles, abordent des questionnements de l’époque. En donnant à voir des pièces qui dialoguent silencieusement entre elles, dans la mesure du possible, « H ORIE ZO NTALISME» se voudrait effort, écrivent les curateurs, un effort d’auto- analyse dont il est loisible de décliner : « quelles injonctions, plus ou moins conscientes, plus ou moins formulées, à se conformer à des représentations plus ou moins convenues, plus ou moins accréditées, influent-elles les travaux artistiques et intellectuels sur la région Moyen-Orient Afrique du Nord ? Comment ces forces s’exercent-elles, et tout d’abord en nous, artistes et intellectuels ? Quel jeu (au sens ludique comme au sens d’intervalle entre des pièces) est-il possible de mettre en œuvre pour (in)adapter les travaux aux attentes, réelles ou supposées, des institutions intellectuelles et cultu- relles, publiques ou privées, arabes et occidentales, et peut-être, tout autant, aux attentes des consciences indivi- duelles ? (2) » Avec « H ORIE ZO NTALISME», Salim Bayri, Amina Benbouchta, Youssef Ouchra, Mohammed Elbaz, Simohammed

Fettaka, Hanne Van Dyck et Youness Atbane secouent le cocotier des valeurs désuètes, sonnent la charge contre la mièvrerie, la fadeur ainsi que l'orientalisme auxquels l’art marocain est enclin, selon le bon vouloir des consécrateurs. « Nous nous rassemblons non pas dans un esprit de réconciliation molle (qui nierait les dominations persistantes), mais dans un effort, un effort situé, pour exprimer les difficultés à œuvrer

dans le champ des représentations sans s’aliéner aux injonctions d’un regard néo-orientaliste (3) ». « H ORIE ZO NTALISME» est un refus; celui de se contenter de répondre aux représentations dominantes, d’accepter de forcément faire sens ou d’être lisible. Il en résulte un ensemble jouissif d’œuvres joyeuses, ambiguës, légères, piquantes et complexes. ◆

(1)(2) (3) propos tirés du manifeste.

Certains pensèrent que « H ORIE ZO NTALISME» s’agissait d’une provocation. Un visiteur armé d’un parapluie en contempla d’un air professionnel que quelques œuvres et conclut bruyamment afin, sans doute, d’être entendu des deux femmes élégantes qui n’avaient même pas daigné entrer dans l’espace : «C’est horrible, mais c’est bien». La phrase trotta quelque temps dans la tête de ceux qui l’avaient entendue, qui se demandèrent ce qu’il pouvait y avoir d’horrible dans une recherche aussi poussée…D’autres évitent de s’y arrêter de peur de ne pas comprendre et de ne pas pouvoir enparler. Or, rien n’est plus difficile que d’accepter et de ne pas comprendre (et de se taire), humilité parado- xalement nécessaire à toute connaissance et dont l’absence induit souvent la tentation de détruire, comme le ferait un enfant écrasant un insecte, l’objet incompris – ici, l’art contemporain. Soit. Ceci nécessite du temps, aurait dit le bon sens; l’art ne se livre pas illico; il résiste aux discours intellec- tuels préfabriqués, aussi éphémères que les modes vestimentaires – rappelons qu’autres fois Sartre et Foucault écrivaient sur la peinture de Rebeyrolle, mais que leurs œuvres possédaient aussi une dimension artistique. Or, non seulement nous voulons comprendre, mais nous voulons comprendre vite (et c’est peut-être l’unedes raisons du succès actuel de laphotographie) afindeparler encoreplus vite et d’exprimer, suprême vanité, le pouvoir de la pensée sur l’art. L’oreille en coin

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