FNH N° 1061

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CULTURE

JEUDI 7 AVRIL 2022 FINANCES NEWS HEBDO

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les usines avec leurs cheminées, ou encore avant cela les châteaux-forts

du pouvoir politique hérissé de tours crénelées... Quant à ce qui reste de la spiritualité majo- ritairement chrétienne, ce sont les cathédrales qui érigent de manière ascendante un clergé très hiérarchisé... Soit une géo- métrie de la ligne qui aspire à l’infini... Et l’immobilité des villes qui sont ainsi constituées. Ailleurs comme chez nous par exemple, c’est la terre qui compte,

«Grande Odalisque», une peinture à l'huile

réalisée en 1814 par Jean Auguste

Dominique Ingres, sur injonction de la sœur de Napoléon, la Reine Caroline Murat de Naples.

les habitations occupent des surfaces qui s’élargissent plutôt qu’elles ne s’élancent vers le vide atmosphérique des airs. Le monumental procède du sacré, comme dans ces pyramides aux bases bien ancrées et qui s’al- lègent au fur et à mesure qu’elles quittent le sol. Le principe de circulation dans ces bâtiments célébrant la spiritualité est labyrinthique et multiplie les couloirs de distribution planes, tandis que l’escalier et même désormais l’ascen- seur privilégient des déplacements ascensionnels et donc à la verticale, là encore... A cette aune, le sol extra-occidental est bien plus important et fait l’ob- jet d’efforts décoratifs ainsi que les mosaïques par exemple, alors que la toiture plus au nord est l’objet attentif des décorateurs qui l’embellissent de vitraux par exemple, ou encore de frises et de statues. Et encore une fois d’autres considé- rations dérivées de la verticalité et de l’horizontalité peuvent être déduites quant aux modalités de construction qui permettent à l’homme d’habiter diversement les espaces à sa dis- position. De manière conceptuelle : en considérant l’horizontalité de la poutre faitière qui supporte un ensemble où disparaissent les spé- cificités, alors que l’architecture gré- co-romaine par exemple, qui fonde les cultures dites judéo-chrétiennes, privilégient le principe de colonnade, soit l’individualisme dont l’utilité est évacuée et qui ne sert que de décor pour une esthétique du Beau plutôt que du Bon pour les hommes en com- munauté. Les matériaux également manifestent de cette dichotomie hori- zontal/vertical : avec une mobilisation ici de la terre et de la pierre à dispo-

Le Occident préfère la division pour mieux régner

veau territoire à explorer, sans doute pour l’exploiter à une échéance qu’il espère aussi rapide que lui permet- tront ses outils conçus pour maximiser la vitesse... Celle du transport et des déplacements, mais aussi celle de la production de plus en plus industrielle qui doit en permanence proposer des nouveautés. Le goût occidental est celui de la mode, de l’immédiateté et de l’éphémère, puisque la nouveauté prime sur la pérennité, l’antiquité, et les traditions qui pérennisent par transmis- sion cet universel ancien de l’humain qui permet à la culture de s’inscrire dans la durée, en nous rappelant l’uni- cité originelle de notre genre qui, en se multipliant, lui a assuré la sécurité et la survie. Mais à ces temps anciens, l’Occident préfère la division pour mieux régner du haut de sa solitude élitiste et élitaire sur des espaces confisqués et morce- lés en propriétés. Le modèle même dont il habite l’es- pace renforce cette impression d’une exacerbation de la verticalité... Avec le gratte-ciel, ou les immeubles verticaux et de plus en plus hauts qui servent d’habitations profanes aux individus ou aux nouveaux symboles du sacré :

Espèces d’espaces... Il y a le temps et il y a aussi l’es- pace... Les Nazis appelaient cela le Lebensraum ou Espace vital, sur le modèle impérialiste et colonial des pays qu’ils visaient à occuper par cette guerre dite mondiale... Et là encore, des considérations sur la verticalité et l’horizontalité peuvent former une grille explicative pertinente... On le voit aujourd’hui : le modèle belliqueux occi- dental est celui de l’aviation qui bom- barde verticalement en investissant les airs pour se déplacer plus rapidement et disposer aussi d’une force maximi- sée par la vitesse croissante des chutes d’obus ou de bombes nucléaires. Un modèle réactualisé et exacerbé par l’invention du drone notamment. Quant au modèle extra-occidental, chez les Arabes par exemple ou les popula- tions polynésiennes, il est plutôt de l’ordre du maritime, soit un déplace- ment horizontal par la navigation sur l’eau, quand l’occidental s’élève dans les cieux à la verticale... L’Arabe par exemple est un corsaire, alors que l’Américain par exemple est plutôt un aviateur, et même désormais un cosmonaute qui explore toujours plus en hauteur l’espace comme nou-

du haut de sa solitude élitiste et

élitaire sur des espaces confisqués et morcelés en propriétés.

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