FNH N° 1061

40

CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 7 AVRIL 2022

www.fnh.ma

et les équipements communautaires investissent le sol avec une certaine circularité. La ruralité en labourant des sols à proximité permet la subsistance à partir du naturel très peu transfor- mé. Les paysages parfois désertiques encouragent au nomadisme et son horizontalité. HochKultur et culture populaire Enfin, puisqu’il s’agit finalement de par- ler d’art et de culture dans ce contexte où nous nous trouvons ensemble, je vais maintenant vous livrer quelques considérations partielles et partiales et

mode, qui fait de l’image fixe ou en mouvement l’ultime et septième art dont je ne suis plus qu’un objet soumis à la sujétion de ces nouveaux sujets d’un protectorat dont ils sont les seuls citoyens à commander et à régir la masse informe et anonyme des indi- génats barbares et rustiques de leur apparence à leur spiritualité. Je suis devenue un particularisme au service d’un universel venu éclairer les ténèbres obscures de mon Histoire et de ma géographie. Tout mon patrimoine précieusement conservé devient l’objet d’accumu- lations souvent exportées pour meu- bler des expositions universelles et des musées. Je suis un divertisse- ment pour Occidentaux désenchantés depuis que leur déracinement leur a fait oublier de quelle histoire commune à l’humanité ils ont préféré s’élever en perdant tout sens du sacré et de la réalité. A ces visiteurs accueillis avec hospita- lité, nos peuples ne peuvent être que des sous-hommes et une sous-caste discriminés, écartés dans les péri- phéries des ghettos et des quartiers réservés... Ou alors servir de chair à canon, puis d’usine pour reconstruire des pas dont nous serons toujours les étrangers et les immigrés... Exilés plutôt qu’expatriés ! Ma culture devient un spectacle popu- laire et exotique inapte à rejoindre le cénacle toujours hissé à une plus haute verticalité qui forme cette Hochkultur des arts qui sont beaux là-bas et folk- loriques par ici. Je ne suis qu’un animal au service de leurs machines...Et si le soleil a quitté mon Orient pour l’Occident, c’est seu- lement pour y disparaître au couchant d’un ciel qui s’en fiche bien, puisque les lumières artificielles ont supplanté la poétique nécessité du naturel qui continue à rythmer chez nous de ses prières nos nuits et nos jours de bar- bares incultes et ignares à civiliser. Bien sûr, je n’entrerais jamais dans leur Histoire, mais ma géographie a pour ligne l’horizon dont je préfère contempler les mystères sans aspirer à le définir et à l’atteindre par l’expli- cation verticale de cette ligne de fuite aussi triviale et banale, que tout ce que l’Homme de l’Occident aura construit après nous avoir tant détruit. ◆

pleines de subjectivité, puisque je suis Orientale et Africaine, bien que très gravement accul- turée par la culture occidentale pour des raisons aussi person- nelles que générales à notre continent et nos pays, qui furent pendant très longtemps l’objet des prédations coloniales aussi racistes que dominatrices et instrumentales. Car, oui, je suis la descendante de ces odalisques couchées à l’horizontale dont on ne consi- dère que le corps encore ani-

Pour représenter la conduite et l’attitude de l’Occident vis-à-vis du corps de l’Autre, Simohammed Fettaka revisite à sa façon l’un des artistes majeurs de la peinture orien- taliste au Maroc : Jacques Majorelle. Celui-ci faisait poser des femmes dans des postures tellement lascives qu’elles en deviennent improbables : affa- lées, tête penchée en arrière, mains dans tous les sens.

mal et tout juste bon à satisfaire les fantasmes de ces esprits dits des Lumières venus conquérir ici la chair et la matière qui leur manquait à domi- cile et par différentes justifications dites philosophiques (civilisation, etc.), pour essayer de masquer un peu du cynisme de leurs manipulations éco- nomiques et politiques. Ce patriarcat capitaliste dont le dogme prolonge, puis remplace peu à peu le religieux et ses prosélytismes. Les terres de mes ancêtres ne me reviendront plus par hérédité, puisqu’il en sera décidé qu’elles ne sont que des Terra Nullius dont la descendance des colons pourra hériter... Je suis une primitive, tout juste bonne à inspirer et nourrir le moderne puis le contemporain. Mes arabesques et mes volutes transformées par des cubismes qui ont oublié ce qu’ils doivent aux mathématiques pour me renvoyer seulement à mon zéro à l’infini... Le 1 er art, celui de l’architecture et qui est central dans ma culture ne fait plus le poids, puisque la modernité lui préfère sa récente invention à la

sition horizontalement à la surface de la terre et utilisées notamment dans nos architectures dites vernaculaires, tandis que la ville européenne privilé- gie l’acier, le verre, extraits des mines pour être remontés verticalement à la surface puis de plus en plus haut sur ces fameux buildings qui tutoient les cieux. Là encore les minerais sont transformés par combustion puis dis- paraissent par oxydation en utilisant les airs, tandis que la pierre et la terre reviennent nourrir le sol en cas de des- truction des habitations. On le voit ainsi encore que la gestion des espaces en Occident procède d’une certaine verticalité... Les habi- tations hors-sol privilégient la solitude et l’individualité. Les bâtiments sont réfléchis pour renforcer l’immobilité des villes et l’efficacité de l’urbanité. Même les paysages et les climats semblent procéder et renforcer (peut- être même expliquer) cette appétence pour la verticalité : le paysage type est sylvestre et s’élève en forêt, tan- dis que le climat plus froid tient plus de l’atmosphérique que du terrestre. Ailleurs, le nomadisme, les agoras

Je suis une primitive, tout juste bonne à inspirer et nourrir le

moderne puis le contempo- rain.

Made with FlippingBook flipbook maker