FNH N° 1163-1

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JEUDI 5 SEPTEMBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO

SANTÉ

Un système de santé solide et équilibré requiert une harmonie entre les secteurs public et privé. Toutefois, au cours de ces dernières années, le secteur de la santé privé au Maroc a connu un essor considérable au moment où le public peine à suivre le rythme. Entretien avec Abdelmadjid Belaïche, expert en industrie pharmaceutique, analyste des marchés pharmaceutiques et membre de la société marocaine de l’économie des produits de santé. «Ce déséquilibre entre le public et le privé creuse les inégalités d’accès aux soins» Privatisation du secteur de la santé

ser davantage et d'entraîner un sous- financement et un sous-équipement des hôpitaux publics, si ces derniers ne suivent pas le rythme et si la confiance dans le secteur public n’est pas restau- rée auprès de la population. Enfin, le coût des soins sera encore plus élevé. L’idéal est que les deux secteurs se développent de manière équilibrée et harmonieuse afin de créer une concur- rence profitable aussi bien aux patients qu’aux caisses d’assurance maladie. Et ce, non seulement au niveau écono- mique, mais également en termes de qualité de soins et de montée en puis- sance en intégrant les technologies de santé les plus innovantes. F.N.H. : Outre la montée en puis- sance des infrastructures privées, le domaine de la santé connaît une fuite prononcée des cadres médicaux et paramédicaux du public vers le privé. Quelles poli- tiques faut-il envisager pour atti- rer les compétences médicales vers le secteur public ? A. B. : Malheureusement, le secteur public connaît une hémorragie de cadres médicaux et paramédicaux dont tire avantage le secteur de santé privé. Les raisons de ces fuites sont par- ticulièrement liées à la rémunération, mais également aux conditions de tra- vail dans les hôpitaux, souvent difficiles, suite à la forte pression de la population malade sur ces structures. Il existe aussi un autre facteur que nous ne pouvons occulter : celui des départs à la retraite des médecins et d’infirmiers qui ne sont pas, tout le temps, remplacés, en rai- son des pénuries en ces ressources humaines. Ceci augmente la pression sur le restant des cadres qui doivent faire le travail des partants à la retraite ou vers le secteur privé. Il est donc important de revoir la poli- tique des ressources humaines de la santé publique et d’instaurer un dia- logue permanent avec leurs syndicats. Seul un dialogue permettra une identifi- cation précise des causes du malaise du personnel de la santé et d’y répondre. Par ailleurs, la modernisation des infras- tructures hospitalières et des centres de santé et la réduction de la charge du tra- vail à travers le renforcement des effec- tifs médicaux et paramédicaux permet- tront d’améliorer les conditions de travail et de retenir ce précieux personnel dans la santé publique. Sur le plan salarial,

Propos recueillis par M. Ait Ouaanna

Finances News Hebdo : Quelles sont les potentielles répercus- sions de la privatisation du sec- teur de la santé sur le fonc- tionnement des hôpitaux du Royaume ? Abdelmadjid Belaïche : Le nouveau système de santé doit reposer solide- ment sur deux jambes, l’une représen- tée par le secteur public et l’autre par le secteur privé. A défaut, notre système de santé sera boiteux. Tous ceux qui pensent que l’avenir de la santé est dans une privatisation sans limites se trompent autant que ceux qui pensent que c’est la santé publique, à elle seule, qui sauvera l’avenir de notre système de santé. Dans ce domaine, ces deux secteurs doivent travailler non pas en opposition, mais en synergie et en collaboration et se développer, autant que possible, de manière équilibrée. Malheureusement, le constat est que le secteur privé a connu un développement extraordinaire, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir, alors que les hôpitaux publics n’ont pas suivi le rythme mal- gré quelques réalisations notables. Ce déséquilibre est de nature à creuser l’écart en termes d'accès aux soins et en termes de qualité, notamment pour les populations les plus démunies

ou celles se trouvant dans des zones rurales lointaines ou enclavées. De plus, cette disparité entraîne une migration des médecins et du personnel para- médical vers un secteur privé bien plus attractif, aussi bien en termes de rému-

nération qu’en termes de conditions de travail. Par ailleurs, pratiquement 90% des rem- boursements de l’assurance maladie vont aux soins du secteur privé et 10% au public. Un tel écart risque de se creu-

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