HIGH-TECH
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 26 JUIN 2025
Intelligence artificielle Amie ou ennemie de notre cerveau ?
L’étude du MIT montre que l’activité cérébrale est la plus forte chez ceux qui écrivent sans IA, moyenne avec Google, et la plus faible chez les utilisateurs de ChatGPT.
Paradoxalement, plus nous déléguons nos idées à ChatGPT, moins nous semblons capables de penser. C’est l’une des conclusions saisissantes d’une étude menée par le MIT Media Lab, qui alerte sur un phénomène inquiétant : la réduction mesurable de l’activité cérébrale chez les utilisateurs réguliers d’assistants IA comme ChatGPT.
celui de l’amnésie cognitive. Au fil des expériences, une autre réalité a émergé : la dépendance cognitive. Ceux qui avaient débuté avec ChatGPT éprou- vaient de grandes difficultés à se remettre dans une logique de réflexion personnelle. Leur performance déclinait dès qu’ils étaient privés de l’outil, signe que l'IA n'était plus un simple assistant, mais un substitut de pensée. Le phénomène est particu- lièrement préoccupant chez les jeunes, souligne Dr Ethan Mollick, professeur à Wharton et observateur attentif des usages éducatifs de l’IA : «L’IA est en train de redéfinir les compé- tences scolaires de base. Les étudiants perdent en rigueur, en autonomie, et en persévérance. Le danger, ce n’est pas l’IA en elle-même, mais ce qu’elle rem- place». Un outil à double tranchant Il serait toutefois simpliste de jeter l’opprobre sur l’IA sans nuance. D’autres études montrent que, bien utilisée, elle peut stimuler la créativité, aider à structurer une pensée ou offrir un cadre réflexif pour les étudiants en difficulté. Le tout est de savoir doser. Pour Guillaume Vergnaud, enseignant en sciences cognitives à l’Uni- versité de Genève, « tout dépend de l’intention derrière l’usage : utiliser ChatGPT pour reformu- ler ou débloquer une idée peut
être productif; le laisser rédiger à notre place est un raccour- ci intellectuel dont on paiera le prix.» Face à ces constats, la solu- tion n’est ni la diabolisation ni le laxisme, mais une pédago- gie du bon usage. L’intelligence artificielle doit être enseignée au même titre qu’un langage informatique ou qu’un outil de recherche documentaire. Il ne s’agit pas de l’interdire, mais d’apprendre à en faire un levier de pensée plutôt qu’un sédatif mental. « Il faut préserver une part d’effort, de friction intellectuelle. Sinon, nous risquons de créer des générations d’analphabètes cognitifs, hyper-dépendants et déconnectés de leur propre pensée» , alerte Kosmyna. Le MIT poursuit ses recherches sur les effets de l’IA dans d’autres domaines cognitifs, comme le codage ou la prise de décision. Les premiers résultats laissent entrevoir les mêmes tendances: facilité immédiate, mais perte d’autonomie à moyen terme. Loin des fantasmes dystopiques, cette étude pose une question éminemment contemporaine: voulons-nous une société où l’on pense vite, ou une socié- té où l’on pense encore ? Le confort de l’IA ne doit pas nous faire oublier la vertu de l’effort, ni la richesse du doute. Car c’est dans cette tension que l’intelli- gence humaine trouve tout son sens. ◆
Par K. A. D
errière la promesse d’efficacité et de gain de temps, une ques- tion émerge désormais avec acuité : que sacrifions-nous de nos capacités mentales sur l’autel de la technologie ? Pour répondre à cette interrogation, les chercheurs du MIT ont sou- mis un groupe de 54 partici- pants (âgés de 18 à 39 ans) à une série de tâches d’écriture comparables aux épreuves du SAT. Trois configurations ont été testées : rédaction assistée par ChatGPT, recherche classique via Google, ou travail autonome sans aide. Pendant l’exercice, un électroencéphalogramme (EEG) enregistrait l’activité de 32 zones cérébrales. Le résultat est sans appel : le groupe ayant utilisé ChatGPT présentait la plus faible activité cérébrale. Non seulement l’en- gagement cognitif s’effondrait,
mais les participants adoptaient rapidement une posture pas- sive, multipliant les copier-col- ler et perdant toute capacité de réflexion autonome. À l’inverse, les cerveaux de ceux travail- lant sans IA ou avec un moteur de recherche affichaient une connectivité plus dense et une satisfaction accrue vis-à-vis de leur travail. Une mémoire court-circuitée Mais l’effet ne s’arrête pas à la simple passivité. Lorsqu’on a demandé aux mêmes utilisateurs de réécrire leurs essais sans aide, ils ne se souvenaient même plus de ce qu’ils avaient rédigé. Les ondes alpha et thêta – asso- ciées à la mémoire profonde et à la consolidation des savoirs – étaient significativement amoin- dries. Selon Nataliya Kosmyna, auteure principale de l’étude, «les informations générées par ChatGPT ne s’intègrent pas dans le système mnésique des utilisa- teurs, car l'effort de traitement cognitif est quasi nul.» En clair, l’IA pense à notre place, mais ce confort intellectuel a un prix :
Les informations générées par ChatGPT ne s’intègrent pas dans le système mnésique des utilisateurs, car l'effort de traitement cognitif est quasi nul.
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