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FOCUS AGRICOLE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 4 MARS 2021

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Cannabis «La légalisation mettra un terme au calvaire des petits exploitants du kif»

◆ Le processus a démarré depuis des années par le lancement d’études sur l’usage licite de la plante. ◆ La région du Rif a beaucoup souffert de la marginalisation et de la pauvreté. ◆ Le point avec Chakib El Khyari, coordinateur du Collectif national pour la légalisation du cannabis.

légalisation du cannabis.

C. E. K. : Plusieurs rapports étrangers d’organismes indé- pendants confirment que le produit marocain représente 40% du total du cannabis écoulé dans le monde. En Europe, la part passe à 80%. La légalisation pour usage thérapeutique ou industriel permettra de canaliser et de mieux contrôler la production et avoir des effets en matière de création d’emploi. F.N.H. : Pensez-vous que la légalisation résou- dra les problèmes liés à cette filière ? C. E. K. : Comme je l’ai dit, la légalisation n’est qu’une étape qui peut être suivie par d’autres. Le kif est un sujet très complexe qu’il ne faut pas aborder uniquement sous le volet agricole ou sécuritaire. Il s’agit de tout un système installé depuis des siècles. La collaboration de la com- munauté internationale et des scientifiques est primordiale, et ce pour l’intérêt de toutes les parties. Il faut dès lors s’inspirer des expériences réussies des autres pays, qui ont permis de réduire le crime organisé lié à ce trafic. Une partie des marges générées par cette activité peut être réinvestie dans des opérations

Propos recueillis par C. Jaidani

F.N.H. : Le projet de loi répond-il à vos doléances ? C. E. K. : Notre objectif n’est pas la légalisation du cannabis en elle-même, mais de mettre un terme aux calvaires des exploitants et autres paysans qui vivent directement ou dis- crètement de cette filière. Au lieu de vendre leur produit aux barons de la drogue, ils auront la possibilité d’écouler leurs récoltes tranquillement sans chantage, sans harcèlement et sans tracas dans un circuit bien organisé. C’est une nou- velle étape et de nouvelles opportunités qui s’ouvrent pour ces pauvres paysans du Rif, qui en ont assez de vivre dans la clandestinité et d’être à la merci de parties occultes. La légalisation devrait ouvrir de nouvelles perspectives d’avenir pour cette région, qui a beaucoup souffert de la mar- ginalisation et de la pauvreté. F.N.H. : Vous avez tou- jours avancé le volet social pour défendre la légalisation du cannabis. N’est-il pas opportun de saisir les opportunités qu’il peut créer sur le plan économique ?

Finances News Hebdo: Vous avez longtemps milité pour la légalisa- tion du cannabis. Le gou- vernement a lancé der- nièrement un projet de loi dans ce sens. Quelle est votre réaction ? Chakib El Khyari : Le Maroc vient de s’aligner sur les orien- tations des Nations unies et les conventions internatio- nales qu’il a ratifiées. Il s’agit là d’une étape d’un long pro- cessus. Dans le cadre de la commission des stupéfiants des Nations unies, le Royaume a voté le 2 décembre en faveur de la sortie du cannabis de la liste des substances toxiques. La décision du gouvernement fait suite à plusieurs initiatives prises auparavant, comme l’annonce du ministère de l’Intérieur en 2008 du lance- ment des essais et études sur l’usage licite de cette plante. En 2010, le laboratoire scien- tifique relevant de la gendar- merie royale a entamé, en par- tenariat avec l’Institut national des recherches agronomiques (INRA), de nombreuses études dans ce sens qui ont abouti à la publication d’un rapport en 2011. Les résultats ont été déployés dans l’objectif de la

de sensibilisation et de pré- vention pour lutter contre la toxicomanie. F.N.H. : Que proposez- vous pour bien canaliser la production et l’usage du kif ? C. E. K. : A travers la créa- tion d’une agence dédiée, l’Etat marocain agira comme l’unique acheteur auprès des paysans. Il fixera un prix garanti selon les conditions du marché en leur assurant une marge assez confortable pour les sortir de la mainmise des trafiquants. Il peut aussi leur prodiguer, sur le plan tech- nique, un encadrement adé- quat pour assurer une bonne récolte tant au niveau de la quantité des produits que de la qualité et même intervenir au niveau des variétés plan- tées. ◆

C’est une nouvelle étape et de nouvelles

opportunités qui s’ouvrent pour ces pauvres pay- sans du Rif qui en ont assez de vivre dans la clan- destinité.

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