BOURSE & FINANCES
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 22 MAI 2025
Politique monétaire et recherche académique Un tandem indispensable
fondés sur les anticipations rationnelles dans les années 1980, l’intégration progressive des analyses sur les attentes d’inflation, ou encore le rôle crucial de Ben Bernanke (spé- cialiste de la Grande dépres- sion) face à la crise de 2008. Il évoque également l’expé- rience du St. Louis FED, ber- ceau du monétarisme, ou encore celle du Minneapolis FED, qui a su nouer des par- tenariats étroits avec des chercheurs universitaires pour faire émerger des cadres d’analyse innovants. «L’idée n’est pas de transformer les Banques centrales en univer- sités, mais de faire en sorte que leurs décisions reposent sur une compréhension fine et rigoureuse des mécanismes économiques» , explique-t-il. Des profils plus acadé- miques au sein des comi- tés de politique monétaire Sans plaider pour une techno- cratisation totale des organes de décision, Waller observe que les profils des membres du FOMC ont évolué. De plus en plus, des économistes de for- mation académique intègrent les comités stratégiques, aux côtés de profils issus du sec- teur financier ou du monde juridique. «Cette diversité ren- force la robustesse des déci- sions. La présence d’écono- mistes chevronnés, formés à la recherche, permet de mieux tester les hypothèses, de mieux cerner les risques» , ajoute Waller. En clôture, le gouverneur Waller a adressé un message implicite mais limpide aux jeunes chercheurs marocains: leur travail n’est pas un exer- cice de style ou un luxe intel- lectuel, mais un levier poten- tiel d’influence sur la conduite des politiques économiques. « La recherche doit être au cœur de la politique moné- taire. Elle la rend plus transpa- rente, plus responsable et plus résiliente face aux incertitudes du monde» , conclut le gouver- neur. ◆
Invité d'honneur de la cérémonie de remise du «Prix Bank Al-Maghrib pour la recherche économique et financière», le gouverneur Christopher J. Waller, membre éminent du Conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale des États-Unis, a livré un plaidoyer structuré et sans emphase pour une politique monétaire fondée sur la rigueur scientifique et l’ouverture intellectuelle. Une conférence dense, nourrie d'exemples historiques et de références académiques, dans laquelle le haut responsable américain a partagé sa vision du rôle stratégique que joue la recherche économique dans les décisions des Banques centrales.
Par Y. Seddik
Le gouverneur de la FED, Christopher J. Waller, souligne le lien «vital» entre recherche académique et politique monétaire lors d’une rencontre à Bank Al-Maghrib.
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entrée de jeu, Christopher Waller rappelle que les grandes décisions monétaires s’appuient sur un faisceau d’éléments : données statis- tiques, enquêtes de terrain, échanges avec les acteurs économiques… Mais aussi et surtout sur les apports de la recherche. «Presque toutes les Banques centrales disposent de départements dédiés à la recherche économique, préci- sément pour éclairer les choix de politique monétaire », sou- ligne-t-il. Aux États-Unis, la structure décentralisée de la Réserve
fédérale, avec ses 12 banques régionales et le Conseil des gouverneurs à Washington, permet une approche plu- rielle. Les économistes qui y travaillent sont à la fois des analystes de terrain, des conseillers en stratégie et des chercheurs engagés dans des travaux fondamentaux. Deux types de recherche, une même finalité Le gouverneur distingue deux formes de recherche : celle dite «académique» , souvent à visée théorique, publiée dans des revues scientifiques; et celle dite «dirigée», orien- tée vers les problématiques urgentes du moment. La pre- mière anticipe, éclaire les angles morts, nourrit le débat intellectuel; la seconde répond
aux besoins immédiats des décideurs. «Les deux se com- plètent. Une recherche dirigée efficace ne peut exister sans une base théorique solide» , insiste-t-il. Waller illustre cette complé- mentarité par un exemple récent : l’annonce surprise de droits de douane américains. «La réaction rapide des éco- nomistes repose toujours sur un socle de travaux antérieurs. Il est illusoire de construire des modèles solides en quelques heures sans fonda- tions robustes» , précise-t-il à ce point. Revenant sur l’histoire de la FED, le gouverneur retrace les grands tournants où la recherche a fait évoluer la doc- trine monétaire : le passage du keynésianisme aux modèles
La présence d’économistes chevronnés, formés à la recherche, dans les conseils monétaires, permet de mieux tester les hypothèses et de mieux cerner les risques.
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