FNH N° 1118

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

VENDREDI 28 JUILLET 2023

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lire et interpréter les résultats de cette recherche d’antériorités au regard des cri- tères du risque de confusion, de la pratique de l’OMPIC et de la jurisprudence des juridictions commerciales. Là aussi, cette étape est importante alors qu’elle permet d’éviter de sérieuses déconvenues et de se faire accuser de contrefaçon par la suite. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire à cet égard. Pour les brevets, le raisonnement est le même. Il est, selon moi, essentiel de se faire assister par de véritables professionnels qui ont non seulement le bagage juridique, mais également des compétences scientifiques très pointues dans le domaine de l’inven- tion que l’on souhaite breveter. Cela permet ainsi de s’assurer que l’invention est proté- geable comme remplissant bien les condi- tions légales de nouveauté, d’activité inven- tive et d’application industrielle, et d’éviter donc d’engager des frais importants pour un projet voué au rejet. Le conseiller en propriété industrielle doit, avec son exper- tise, être notamment capable d’avoir un discours de vérité avec ses clients pour leur éviter des procédures et des frais inutiles. F.N.H. : Quel regard portent les inves- tisseurs étrangers sur le système de la propriété industrielle marocain ? Y a-t-il des points à améliorer pour en attirer davantage ? Me D.S.Z. : D’une manière générale, les retours sont globalement positifs, avec néanmoins quelques bémols. De fait, si l’on compare le système marocain de la pro- priété industrielle et son office, l’OMPIC, à ce qui se fait dans les pays voisins, tels que l’Algérie ou la Tunisie, le constat est sans appel : nous offrons au Maroc un environ- nement bien plus satisfaisant. Cependant, je pense que l’on ne doit pas se reposer sur nos lauriers, mais au contraire viser les meilleurs standards et surtout les atteindre. D’ailleurs, le Royaume a expressément pris l’engagement, dans son accord d’associa- tion avec l’Union européenne (UE), d’at- teindre le même niveau de protection de la propriété intellectuelle que celui de l’UE. Plusieurs pistes sont à explorer. La pre- mière, déjà mentionnée, est la formation au droit de la propriété intellectuelle. Il s’agit pour moi de la véritable pierre angulaire de tout le système. La deuxième tient à la sécurité juridique. Nous avons encore trop de décisions de l’OMPIC et des juridictions qui sont mal comprises par les usagers, étrangers ou marocains. Ici, je crois que la raison prin- cipale tient au manque de formation. Pour

assurer une plus grande sécurité juridique, il nous faut impérativement des chambres spécialisées en propriété industrielle au sein des juridictions commerciales, qui soient compétentes pour ces litiges. Si nous avons des magistrats spécialisés, rompus aux subtilités de la propriété indus- trielle, nous pourrons alors avoir des déci- sions qui seront davantage prévisibles et mieux acceptées par les usagers. Une troisième piste tient au caractère sou- vent international du contentieux de la pro- priété intellectuelle. Pourquoi ne pas avoir une chambre internationale au sein de cer- taines juridictions commerciales qui serait compétente pour connaitre des litiges de propriété intellectuelle présentant un élé- ment d’extranéité ? On pourrait s’inspirer ici de l’expérience de la chambre internatio- nale du tribunal de commerce de Paris qui connaît un certain succès. Une autre piste tiendrait au transfert du contentieux de la validité de certains titres de propriété industrielle des juridictions commerciales vers l’OMPIC, et en particu- lier des marques et des dessins & modèles industriels. Cela permettrait de désengor- ger les tribunaux de commerce, de réduire les délais et d’avoir ces dossiers traités par des professionnels de la propriété indus- trielle que sont les agents de l’OMPIC. Evidemment, in fine, il faudra prévoir un contrôle judiciaire afin d’éviter certaines dérives. Il est également indispensable que l’OMPIC se dote de davantage d’agents capables de traiter de tels dossiers. Ces expériences existent à l’étranger et il n’est pas interdit de s’en inspirer en gardant à l’esprit nos spécificités marocaines. Il y aurait encore beaucoup de choses à dire, mais je souhaite terminer par la ques- tion des sanctions pénales de la contrefa- çon. Les peines d’amende et d’emprison- nement en matière de contrefaçon sont encore beaucoup trop faibles et très peu dissuasives. Quel message envoyons- nous aux investisseurs étrangers lorsqu’ils constatent que certains actes de contre- façon sont moins sévèrement punis que le simple larcin qui est «la soustraction frau- duleuse d’une chose de faible valeur appar- tenant à autrui» ? Doivent-ils comprendre que leurs droits de propriété intellectuelle sont moins importants qu’ «une chose de faible valeur» ? Par ailleurs, la criminalité organisée s’empare de plus en plus de la contrefaçon puisqu’elle est très lucrative et beaucoup moins risquée que d’autres acti- vités illégales «traditionnelles» beaucoup plus sévèrement sanctionnées, comme la traite des êtres humains ou le trafic de stu-

Pour assu- rer une plus grande sécu- rité juridique, il nous faut impérati- vement des chambres spécialisées en propriété industrielle au sein des juridictions commer- ciales.

péfiants. En réalité, il nous faut de la compétence et de la cohérence, sans évidemment nier les importants efforts de l’OMPIC, de son directeur, du ministre de l’Industrie, et des magistrats, qui doivent être salués. F.N.H. : Vous êtes conseiller en propriété industrielle inscrit sur la liste de l’Office marocain de la pro- priété industrielle et commerciale. Quel bilan en faites-vous et en quoi consiste votre rôle ? Me D.S.Z. : La profession de conseiller en propriété industrielle est une profes- sion réglementée par la loi n°17-97 sur la propriété industrielle. Son article 4.1 en donne la définition suivante : «Le conseiller en propriété industrielle a pour profession de fournir à titre habituel et rémunéré ses services au public pour conseiller, assister et représenter les tiers en vue de l’obten- tion, du maintien et de l’exploitation des droits de propriété industrielle» . Il s’agit d’un interlocuteur privilégié de l’OMPIC. Il est l’interface entre les usagers qui ont recours à lui et l’administration. Nous tra- vaillons quotidiennement avec l’OMPIC, que cela soit pour procéder aux dépôts des titres de propriété industrielle et aux renouvellements de ces titres ou pour les

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