62
ECONOMIE
FINANCES NEWS HEBDO
VENDREDI 28 JUILLET 2023
www.fnh.ma
telligence artificielle ? De la titularité des éventuels droits sur ces «créations» ? Du risque de contrefaçon d’œuvres préexis- tantes par ces «créations» générées par l’intelligence artificielle ? De l’exception dite de «data mining» ? Il faut espérer que nous ne serons pas au Maroc atten- tistes, mais nous positionner rapidement dans cette course mondiale à l’innova- tion, qui nécessite sans nul doute une législation adaptée. F.N.H. : Quels sont les défis que doit relever la propriété intellectuelle au Maroc ? Me D.S.Z. : Nous connaissons tous l’enga- gement du Royaume en matière d’énergies renouvelables et de protection de l’envi- ronnement. Là est l’un des prochains défis du droit marocain de la propriété intellec- tuelle. Yann Basire, éminent universitaire français, à la tête de l’un des plus presti- gieux centres de propriété intellectuelle, le Centre d’études internationales de la propriété Intellectuelle (CEIPI), m’en parlait cette semaine encore. La question des liens entre protection de l’environnement et pro- priété intellectuelle est prise très au sérieux en Europe. Au Maroc, le sujet n’est que trop rarement abordé. J’assistais en avril dernier à une conférence en France sous le thème «Urgences écologiques : quel rôle pour la propriété industrielle ?». Et elle a incontestablement un rôle à jouer ! Il faut en effet avoir des réflexions sur les moyens de promouvoir les innovations dites «vertes» peut-être en adaptant un peu le droit des brevets pour leur permettre d’accéder plus facilement à la protection. On peut égale- ment s’interroger sur les liens entre droit des brevets et biodiversité. Il convient aussi de lutter efficacement contre le phéno- mène de «Green washing», qui est souvent trompeur pour le consommateur. Ici, c’est le droit des marques qui a un rôle à jouer. On peut, par ailleurs, s’interroger sur le sort des produits qui sont jugés contrefaisants et dont la destruction est ordonnée par les tribunaux, le plus souvent par incinération. Est-il «écologique» de brûler des milliers ou des millions de produits jugés contrefai- sants ? Ces produits contrefaisants, s’ils ne présentent évidemment pas de danger pour les consommateurs, ne pourraient-ils pas avoir une seconde vie, après que les men- tions litigieuses ont été enlevées, notam- ment pour les orphelinats, les écoles, les hôpitaux etc. Nous devons au Maroc aussi, mener de telles réflexions, et les conseillers en propriété industrielle doivent être en pre- mière ligne sur ces sujets. ◆
Nous n’avons pas au Maroc une formation universitaire de haut niveau et accessible en droit de la proprié- té intellectuelle.
F.N.H. : La propriété industrielle, la législation sur la concurrence déloyale, le droit d’auteur et les droits voisins composent les droits de propriété intellectuelle. Quelle évaluation faites-vous aujourd’hui de la protection du droit d’auteur et du droit voisin ? Me D.S.Z. : Nous avons au Maroc une législation sur le droit d’auteur qui est dans l’ensemble satisfaisante. Notamment depuis la récente réforme de la loi n°2-00 sur le droit d’auteur et les droits voisins par la loi n°66-19, qui a pris en compte l’envi- ronnement numérique. Elle a introduit un «droit de suite» pour les arts graphiques et plastiques, qui manquait cruellement dans notre législation. Si nous disposons d’outils en matière de droit d’auteur et de droits voisins, il est indéniable que cette matière est un peu le parent pauvre de la pro- priété intellectuelle au Maroc. Les auteurs et artistes saisissent peu les opportunités que la loi offre, certainement par lassitude ou par manque d’information, les tribunaux sont peu familiers de cette législation et les avocats spécialistes de la matière sont trop peu nombreux. Ici encore, à l’instar de la propriété industrielle, la propriété lit- téraire et artistique mérite une vraie offre de formation pour que tout son potentiel soit exploité. Il y a également un effort de pédagogie à faire auprès des citoyens. Nous avons au Maroc trop de tolérance pour la contrefaçon des droits d’auteur et les violations des droits voisins que cela soit pour la copie d’œuvres musicales ou cinématographiques ou encore pour la dif- fusion d’œuvres musicales dans les cafés
et restaurants sans versement de la «rému- nération équitable» au Bureau marocain du droit d’auteur (BMDA) qui la collecte pour le compte des artistes. Il s’agit pourtant de véritables vols de la propriété littéraire et artistique des auteurs et des artistes qui ont lieu sous nos yeux et dans une certaine indifférence générale. F.N.H. : La digitalisation a com- plètement révolutionné le schéma traditionnel de la propriété intel- lectuelle en général et la propriété industrielle en particulier. Quelles sont les retombées futures de cette numérisation sur l’investissement national ? Me D.S.Z. : C’est difficile à dire et à chiffrer. Ce qui est certain, c’est que nous assistons à une véritable révolution, surtout avec l’avènement de l’intelligence artificielle dont tout le monde s’accorde à dire qu’elle est une «General Purposes Technology» (GPT) comme l’a été la machine à vapeur ou Internet en leur temps. Si l’on se concentre sur l’intelligence artificielle, force est de constater que beaucoup de monde en parle au Maroc et ailleurs, souvent avec exagération et non sans fantasmes, mais pratiquement personne au Maroc ne s’inté- resse à cette révolution sous l’angle de la propriété intellectuelle, alors que de nom- breux débats et travaux scientifiques sur la propriété intellectuelle et l’intelligence artificielle sont en cours dans de nombreux pays. Quid de la question des inventions assistées par un système d’intelligence artificielle ? De celle de la protection des «créations» générées par un système d’in-
La prochaine grande réforme de la loi n°17-97 concernera certainement le transfert du conten- tieux de cer- tains titres de propriété industrielle des juridic- tions vers l’OMPIC.
Made with FlippingBook flipbook maker