FNH N_ 1211

Découvrez le numéro 981 de Finances News Hebdo, premier hebdomadaire de l'information financière au Maroc

Du 16 octobre 2025 - 8 DH - N° 1211

PREMIER HEBDOMADAIRE DE L'INFORMATION FINANCIÈRE AU MAROC

Directeur de la publication : Fatima Ouriaghli

Chèques sans provision Le Maroc sonne la fin du tout-pénal

Gouvernance publique

Pourquoi il faut changer de grammaire politique

P. 11

P.24/25

P. 7 à 10

Crédit bancaire Le défi de l'équilibre entre expansion du crédit et soutenabilité de la dette privée

Cartes graphiques «Le nouveau pétrole de l’ère numérique»

 Entretien avec Ahmed Kchikeche, professeur d’économie monétaire.

P. 14 à 16

P. 28

Dépôt légal : 157/98 ISSN : 1114-047 - Dossier de presse : 24/98 - Adresse : 83, Bd El Massira El Khadra, Casablanca - Tél. : (0522) 98.41.64/66 - Fax : (0522) 98.40.22 - Adresse web : www.fnh.ma

SOMMAIRE

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 16 OCTOBRE 2025

3 4 5 ACTUALITÉ

22 L'UNIVERS DES TPME

Editorial

Entretien avec Kawtar Naim : Yallad, «L’influence est un levier puissant pour développer la visibilité»

Voyons voir : Gaza : La paix en pointillés Ça se passe au Maroc Ça se passe ailleurs

24 POLITIQUE

BOURSE & FINANCES

Gouvernance publique : Pourquoi il faut changer de grammaire politique

Point Bourse Hebdo : Piégé entre incertitudes et liquidités SREP : Vers un secteur bancaire plus solidement capitalisé Entretien avec Jamal El Mellali ET Ramy Habibi Alaoui : Banques – SREP, La régulation monte en gamme, les marges se resserrent Chèques sans provision : La fin du tout-pénal Marché boursier : Une correction salutaire avant un nouveau cycle de croissance Ahmed Kchikeche : Crédit bancaire, L’enjeu est de trouver un équilibre entre l’expansion du crédit et la soutenabilité de la dette privée»

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Fatima Ouriaghli Directeur général, Responsable de la publication

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Sahara marocain

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e New York à Dakhla, un fait s’impose : l’initiative marocaine d’auto- nomie est devenue le point de ralliement d’une majorité d’Etats, qui y voient la seule sortie praticable d’un conflit artificiel entretenu sournoisement par l’Algérie pendant plusieurs décennies. En effet, à la 4 ème Commission de l’Assemblée générale de l’ONU, les prises de position se ressemblent et s’additionnent. Le Togo, le Sénégal, le Qatar, le Bahreïn, l’Arabie Saoudite, les Emirats Arabes Unis ou encore le Burkina Faso ont parlé d’une même voix : le plan d’autonomie maro- cain est « crédible, réaliste et pragmatique ». Les six pays du Conseil de coopéra- tion du Golfe ont aussi réitéré, ensemble, leur soutien à la marocanité du Sahara. Le Maroc n’a plus besoin de convaincre, il fédère. Cette reconnaissance n’est pas abstraite : elle se lit sur la carte consulaire. Laâyoune et Dakhla abritent désormais une trentaine de consulats généraux (arabes, africains, asiatiques ou latino-amé- ricains). Chaque ouverture de représentation diplomatique vaut acte politique et reconnaissance du rôle de ces villes comme pôles de développement, de stabilité et de rayonnement régional. D Réalisme politique et économique Le volet économique suit la même dynamique irréversible. A Dakhla, lors du Forum Maroc-France, l’ambassadeur Christophe Lecourtier a encouragé ouver- tement les entreprises françaises à investir dans les provinces du Sud, rappelant que « l’avenir du Sahara s’inscrit dans le cadre de la souveraineté marocaine ». La CGEM, de son côté, a salué l’amendement de l’accord agricole Maroc-UE, qui sécurise la continuité des échanges et consacre le rôle des provinces du Sud dans la chaîne de valeur euro-marocaine. Au Royaume-Uni, Sir Liam Fox salue dans The Economist la stratégie marocaine au Sud, qui repose sur l’investissement et la prospérité partagée, non sans souli- gner que l’autonomie est la seule solution viable. Washington suit la même logique. La confirmation de l’ambassadeur américain à Rabat s’est accompagnée d’un rappel sans ambiguïté : les Etats-Unis recon- naissent la souveraineté du Maroc sur son Sahara et soutiennent le plan d’auto- nomie comme seule base réaliste de règlement. Le message est clair : investir « à travers tout le Royaume », provinces du Sud comprises. Ce réalisme politique et économique souligne, tant s’en faut, que le Sahara maro- cain n’est plus une bataille de slogans. Sous l’impulsion du Roi Mohammed VI, la stratégie du Royaume conjugue patience institutionnelle et offensive économique. Il ne s’agit plus de convaincre, mais d’accompagner un mouvement mondial vers la reconnaissance pleine et entière de la marocanité du Sahara. Aujourd’hui, l’autonomie marocaine est la seule solution viable, parce qu’elle correspond à ce que les Etats recherchent : la stabilité, le développement et la paix. Tout le contraire de ce que veulent les ennemis du Maroc. D’autant que le «polisario», soutenu par Alger, s’enfonce dans une logique d’embrigadement, de violations et de compromission avec les réseaux terroristes du Sahel. A Tindouf, la misère humanitaire se mêle à la militarisation des enfants, aux trafics et à la répression. De plus en plus de voix demandent un recensement indépendant des séquestrés et la fin de cette «anomalie humanitaire». Même au Congrès américain, un projet de loi envisage désormais de classer cette milice comme organisation terroriste étrangère. Le vernis «révolutionnaire» a cédé la place à la réalité : un groupe armé sans légitimité, devenu un risque sécuritaire pour tout le Sahel. u

Transition verte : La finance climat face à la frilo- sité des entreprises 26 DEVELOPPEMENT DURABLE

ECONOMIE

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Maroc- UE : Un accord aux multiples facettes Entretien avec Mohamed Amrani : Conjoncture, L’agriculture reste toujours le moteur décisif de la croissance Apiculture : Une filière fragilisée par des pratiques frauduleuses Entretien avec Said Tahiri : Tourisme de croisière, «Le défi est de passer d’un marché d’opportunités à un produit structuré en Méditerranée-Atlantique»

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HIGH-TECH

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Cartes graphiques : «Le nouveau pétrole de l’ère numérique» Cybersécurité : PwC inaugure un hub mondial à Casablanca

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• Directeur des rédactions & Développement : David William • Journalistes : Charaf Jaidani, Leïla Ouriaghli, Adil Hlimi, Youssef Seddik, Khalid Aourmi, Ibtissam Zerrouk, Désy Mbakou • Révision : M. Labdaouat • Directeur technique & maquettiste : Abdelillah Chamseddine • Mise en page : Zakaria Beladal

• Assistantes de direction : Amina Khchai • Département commercial : Samira Lakbiri, Rania Benchaib • Administratif : Fatiha Aït Allah • Édition : JMA CONSEIL • Impression : Maroc Soir • Distribution : Sochpress • Tirage 5.000 exemplaires • Dépôt légal : 157/98 • ISSN : 1114-047 • Dossier de presse : 24/98 • N° Commission paritaire : H.F/02-05 • S.A.R.L. au capital de 5.000.000,00 DH - C.N.S.S. 600 50 62 I.F. 1022303 - Patente 35770001 - ICE N° : 001526693000021

• Directeur Général responsable de la Publication : Fatima OURIAGHLI Contact : redactionfnh@gmail.com

VOYONS VOIR

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Gaza

La paix en pointillé

pliquent toute reprise de la vie civile. Handicap International alerte sur des «risques énormes» dans un milieu urbain hyperdense, après un volume de frappes estimé à des dizaines de mil- liers de tonnes d’explosifs. Sur le terrain également, où Israël conserve le contrôle de plus de la moitié du territoire, l’auto- rité reste disputée. Pendant que Washington évoque le «désarmement», les forces de sécu- rité du Hamas réapparaissent dans les rues, répriment, exécutent des «collaborateurs» pré- sumés de Tsahal et affrontent des clans armés. Le message est limpide : l’appareil coercitif du mouvement n’a pas disparu. Pour les garants du cessez-le-feu, c’est un casse-tête, car com- ment exclure le Hamas de la gouvernance tout en évitant le vide sécuritaire que redoutent tant l’Egypte, Israël et l’ONU ? Autre problème majeur : la question politique que l’on repousse sans cesse, à savoir la création d’un Etat palestinien. Tant que cette perspective

demeure vague et tant que s’accélère la colo- nisation en Cisjordanie, une paix durable n’est pas garantie. C’est la partie difficile et délicate du Plan Trump. Il faut en effet instaurer la sécu- rité à Gaza, créer une administration crédible et articuler l’ensemble à une perspective politique. Or, l’exécutif américain renvoie la discussion sur l’Etat palestinien à «plus tard», en se concentrant sur la reconstruction. Sauf que sans horizon politique, la sécurité se délite et les extrêmes regagnent du terrain. Il faut rappeler que la solution à deux Etats n’est ni un slogan ni un vœu pieux. Elle est portée par une large coalition diplomatique, rappelée récemment à l’Assemblée générale de l’ONU qui a relancé la perspective d’un Etat palestinien. A ce titre, le Maroc, par la voix du Souverain, Président du Comité Al-Qods, rappelle sans cesse la nécessité de réaliser les droits justes et légitimes du peuple palestinien à travers «l’établissement d’un Etat indépendant dans les frontières du 4 juin 1967, avec Al-Qods Oriental comme capitale». Pour dire que cette trêve est une étape, mais guère la finalité. Laquelle doit être unique : deux Etats vivant côte à côte dans la paix, avec Jérusalem-Est capitale de la Palestine. C’est la seule porte qui ne débouche pas sur un éternel recommencement. ◆ oui , je souhaite m’abonner à cette offre spéciale pour 1 an BULLETIN D’ABONNEMENT Mon abonnement comprend : ❑ 48 numéros Finances News hebdo & 2 numéros du Hors-série. Voici mes coordonnées : ❑ M ❑ Mme ❑ Mlle Nom/Prénom : ................................................................................... Adresse : ............................................................................................ Ville : ............................. Code Postal : ............................................ Tél : ........................................ Fax : ................................................. E-mail : ............................................................................................. Mon règlement ci-joint par : ❑ Chèque bancaire ou virement bancaire à l’ordre de JMA Conseil : Banque Populaire, Agence Abdelmoumen, Compte N° 21211 580 5678 0006-Casablanca - (Maroc)

S ix jours sans bombardements massifs ont suffi pour révéler la dure vérité à Gaza : le silence des armes ne règle ni le deuil, ni la faim, encore moins les questions politiques. L’accord arraché sous l’égide de Donald Trump a produit ses images fortes (otages retrouvant les leurs, bus de prison- niers palestiniens accueillis en héros, émotions partagées…), mais il a aussi mis à nu les zones d’ombre d’un lendemain encore clair-obscur. En effet, à Gaza, l’urgence humanitaire se mesure à la faim, aux maisons en ruine et à un territoire réduit à un amoncellement de débris. La réou- verture annoncée du point de passage de Rafah avec l’acheminement espéré de 600 camions est pour le moins anecdotique. Elle est néces- saire, mais très suffisante. Deux ans de guerre ont laissé un territoire dévasté, où la famine a fait des victimes dans certaines zones et où les besoins médicaux, alimentaires et logistiques sont colossaux. C’est pourquoi l’ONU et le CICR demandent l’ouverture de tous les points de passage. Par D. William

Sans horizon politique, la sécurité se délite et les extrêmes regagnent du terrain.

A cette équation humanitaire, s’ajoute un héritage létal : les munitions non explosées disséminées dans un territoire rempli de gravats, qui com-

ÇA SE PASSE AU MAROC

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Barrages

Le taux de remplissage à 32% L e taux de remplissage des barrages est actuellement de 32%, contre 40% en mai dernier, a affirmé, mardi, le ministre de l'Équipement et de l’Eau, Nizar Baraka, lors de la séance des questions orales à la Chambre des conseillers.

En réponse à une question sur la « politique de l’eau desti- née aux zones rurales », le ministre a précisé que la baisse du niveau des barrages est principalement due au volume des ressources en eau allouées à l’agriculture et à l’eau potable, ainsi qu’à l’évaporation d’un total de 650 millions de mètres cubes à cause des vagues de chaleur extrême. Il a souligné que la saison agricole écoulée a enregistré une amélioration relative par rapport aux années précédentes, avec une moyenne nationale de précipitations de 142 mm, et un total de 4,8 milliards de mètres cubes de ressources en eau, soit une augmentation de 50% par rapport à la saison précédente. Cependant, a-t-il signalé, ce taux reste inférieur de 22% à la moyenne nationale normale, avec un déficit estimé à 58% par rapport à la moyenne des apports en eau, expliquant que le gou- vernement a accéléré le rythme de réalisation des projets de renforcement des ressources en eau, à la tête desquels la construction de grands barrages pour une meilleure gestion hydrique. ■

Aéronautique

Le Roi inaugure un complexe industriel à 3,4 Mds de DH à Nouaceur L e Roi Mohammed VI, accompagné du Prince héritier Moulay El Hassan, a présidé, lundi à Nouaceur, la cérémonie de présentation et de lan- cement des travaux du nouveau complexe industriel de moteurs d’avions du groupe Safran à Midparc. Ce projet de 3,4 milliards de dirhams comprendra deux unités : l’une dédiée à l’assemblage et aux tests des moteurs LEAP-1A, l’autre à leur maintenance et répa- ration. À l’horizon 2030, il devrait créer 900 emplois directs, dont 300 hautement qualifiés. Deuxième site mondial de production du moteur LEAP-1A, ce com- plexe traduit la confiance renouvelée de Safran, parte- naire du Maroc depuis 25 ans, dans la vision industrielle royale. Trois conventions ont été signées pour l’implan- tation du site et l’approvisionnement en énergie verte, marquant une nouvelle étape dans l’essor technolo- gique du Royaume. A noter que les exportations aéronautiques marocaines ont bondi de moins d’un milliard de dirhams en 2004 à plus de 26 milliards en 2024. ■

Croissance

Le HCP table sur 4,7% au T4-2025

A près six trimestres de reprise, l’économie marocaine confirme sa solidité. Selon le HCP, la croissance devrait atteindre 4,7% au quatrième trimestre. Porté par l’industrie, la construc- tion et les services, le PIB hors agriculture a bondi de 5,5% au deuxième trimestre, soutenu par la demande intérieure (+9,2%) et les exportations (+8,5%). Malgré un besoin de financement

accru (3,2% du PIB), la dynamique reste favorable. Au troisième trimestre, la croissance s’est normalisée à 4,3%, freinée par un contexte international moins porteur. L’inflation a reculé à 0,4%, grâce à la baisse de l’énergie et à la stabilité alimentaire. Le taux directeur de Bank Al-Maghrib est resté à 2,25%, favorisant l’investissement, tandis que la Bourse de Casablanca s’est envolée de 32,4%. La fin d’année s’annonce prometteuse, avec une demande soutenue et une reprise industrielle tirée par l’automobile et l’élec- tricité. ■

Tourisme : Les arrivées touristiques en hausse de 14% à fin septembre

L e Maroc a accueilli 15 millions de touristes à fin septembre 2025, soit une progression de 14% par rapport à la même période de l’année précé- dente, d'après le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire. Le mois de septembre a enregistré 1,4 million d’arrivées, en hausse de 9% en un an. Ce nouveau record confirme la dyna- mique positive engagée depuis début

2025, portée par le renforcement de la connectivité aérienne, les efforts de pro- motion ciblée, ainsi que l’amélioration continue de l’expérience touristique. « Ces 15 millions d'arrivées traduisent une stratégie qui porte ses fruits », indique la ministre de tutelle, Fatim-Zahra Ammor, affirmant que le gouvernement reste mobilisé pour accélérer cette dynamique et faire du tourisme un véritable levier éco- nomique pour tous les territoires. ■

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ÇA SE PASSE AILLEURS

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Distinction

Etats-Unis

Nigeria

Le Nobel 2025 d’économie met la croissance et l’innovation à l’honneur L e Nobel d'économie 2025 a été décerné à l'Américano-Israélien Joel Mokyr, au Français Philippe Aghion et au Canadien Peter Howitt pour leurs travaux sur l'impact de l'innovation sur la croissance écono- mique. Aghion a exhorté l'Europe à investir dans l'innovation pour ne pas se laisser décrocher par la Chine et les Etats-Unis, dans sa première prise de parole en tant que prix Nobel. Le comité Nobel a attribué la moitié du prix à Joel Mokyr, 79 ans, « pour avoir identifié les conditions préalables à une croissance durable grâce au pro- grès technologique ». L'autre moitié récompense à la fois Philippe Aghion, 69 ans, et Peter Howitt, 79 ans, « pour leur théorie de la croissance durable à travers la des- truction créatrice ». Au cours des deux derniers siècles et pour la première fois dans l'histoire, le monde a connu une croissance économique soutenue et les lauréats de cette année ont expliqué comment l'innovation en était à l'origine et four- nissait l'élan nécessaire à une crois- sance durable, a expliqué le président du comité pour le prix des sciences économiques, John Hassler. ■

Le président de la FED reste préoccupé par l'emploi

La production pétrolière en baisse sous l’impact d'un mouvement de grève L a production de pétrole brut au Nigeria s'est repliée à une moyenne de 1,39 million de barils par jour (bpj) en septembre dernier, contre 1,43 million de bpj un mois auparavant, sous l'effet d'un mouvement de grève ayant impacté les activités de la plus grande raffinerie du pays, selon le régulateur du secteur. En glissement mensuel, la production du brut a diminué de 3,09% en septembre, reflétant l'impact d'une récente grève de trois jours initiée par l'Association nigériane des cadres du pétrole et du gaz, ayant entraîné des perturbations d’activité de certaines ins- tallations de production et d'exportation, précise la Commission nigériane de régu- lation du pétrole en amont (NUPRC). La commission a attribué également cette baisse à des travaux de main- tenance dans deux installations straté- giques du secteur pétrolier, notant que le Nigeria a réalisé 93% de son quota de production fixé par l’OPEC au cours de cette période. ■

L e président de la Réserve fédérale américaine (FED) est apparu mardi préoc- cupé par l'atonie du marché du travail aux Etats-Unis, deux semaines avant une réunion à l'issue de laquelle une baisse des taux d'intérêt est attendue. Les responsables de la Banque centrale se trouvent dans une situation délicate, le blocage budgétaire (shutdown) ayant suspendu la publication des indi- cateurs officiels sur lesquels ils fondent en grande partie leur jugement. «Bien que les données officielles sur l'emploi pour septembre soient retardées, les éléments disponibles suggèrent que les

licenciements et les embauches restent faibles», a déclaré Jerome Powell lors d'un événement orga- nisé par l'association américaine des économistes d'entreprise (NABE) à Philadelphie (est). Quant aux baromètres réguliers, réalisés par des acteurs privés, ils montrent que les ménages trouvent que les opportunités se font rares sur le marché du tra- vail, tandis que les entreprises ont moins de mal à trouver de la main-d'œuvre, a-t-il souligné. En matière de politique moné- taire, la FED est chargée de fixer ses taux d'intérêt en soupesant la situation sur le marché de l'emploi, d'un côté, et le niveau des prix de l'autre. ■

BCE

L’ introduction de l'Euro numérique, version digitale de l'argent déte- nue en espèces, avec une limite de détention par compte, ne menacerait pas la stabilité du système bancaire euro- péen, affirme une étude de la Banque cen- trale européenne. Le document, préparé à la demande des colégislateurs de l'Union européenne, évalue l'impact potentiel de différents plafonds de détention - jusqu'à 3.000 euros par personne sur les dépôts bancaires, garantis par la BCE -, la liquidité et la rentabilité du secteur. Le projet de l'Euro numérique avance : depuis 2023, la BCE expérimente la technologie, tandis que l'UE doit encore définir un cadre légal. Si la législation européenne est prête d'ici fin 2026, «l 'Eu- ro numérique verra le jour mi-2029 », a déclaré Piero Cipollone, membre du Directoire de la BCE, dans une récente interview avec Milano Finanza. ■ L'Euro numérique n'ébranlera pas les banques

Economie mondiale

Le FMI projette une croissance de 3,2% en 2025 et 3,1% en 2026

L a croissance de l’économie mondiale devrait «ralentir» en passant de 3,3% en 2024 à 3,% en 2025, puis à 3,1% en 2026, selon les dernières prévisions du Fonds monétaire international (FMI), publiées mardi. « Sur une base trimestrielle, la croissance devrait passer de 3,6% en 2024 à 2,6% en 2025, puis remonter à 3,3% en 2026 », indique le FMI dans son rapport «Perspectives économiques mondiales» publiées à l’occasion de ses assemblées annuelles avec le Groupe de la Banque mondiale, qui se tiennent du 13 au 18 octobre à Washington.

Selon le rapport du Fonds, les prévisions de croissance ont peu évolué depuis sa mise à jour de juillet 2025, reflétant une adaptation progressive aux tensions commerciales, mais elles restent nettement inférieures à la moyenne prépandémique de 3,7%. « L'année 2025 a été marquée par une grande instabilité et une forte volatilité, principalement dues à la réor- ganisation des priorités politiques aux États-Unis et à l'adaptation des politiques des autres économies aux nouvelles réalités », explique le FMI. ■

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BOURSE & FINANCES

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Point Bourse Hebdo Piégé entre incertitudes et liquidités

L Toujours fébrile, le Masi enchaîne une troisième semaine de baisse, pénalisé par un assèchement de la liquidité et un environnement toujours empreint d'incertitudes. e marché a beau bénéficier d’un climat social un peu moins tendu cette semaine, il n’a pas trouvé l’élan et les arguments pour rebon- dir. Le Masi termine à 18.549,37 points, en baisse de 1,44% avec quatre séances rouges sur cinq. Cette semaine, les investisseurs semblent avoir choisi l’attentisme avec une nervosité palpable et ont préféré garder des munitions. Après l’échec répété du Masi à franchir durablement le seuil sym- bolique des 20.000 points, beau- coup ont préféré sécuriser leurs gains. Les tensions géopolitiques à l’international comme les mou- vements sociaux internes ont ren- forcé ce réflexe défensif. Le mou- vement GenZ 212 a même ajouté une dose d’instabilité supplémen- taire, surtout pour les opérateurs les plus sensibles à la volatilité. Par Y . Seddik

Evolution de l'indice Masi depuis début octobre 2024

font désormais sentir, autant sur le marché boursier que sur l’obliga- taire. Cette mécanique, en accé- lérant les sorties de la liquidité, entretient le climat d’incertitude. Mais pour la majorité des ana- lystes, la baisse actuelle n’est pas un signal de rupture, mais une consolidation attendue. Après une année particulièrement généreuse pour les investisseurs, le repli du Masi est interprété comme une correction «saine» dans une ten- dance de fond qui demeure haus- sière. BKGR souligne d’ailleurs que le support des 18.700 points reste un seuil clé, tandis que les cibles de reprise se situent entre 20.500 et 21.000 points. Le canal ascendant de moyen terme reste intact. Le bureau de recherche estime que cette consolidation peut être vue comme une fenêtre d’opportunité stratégique pour les investisseurs, à condition de rester disciplinés sur les points d’entrée. Les catalyseurs existent et demeurent inchangés. Le pipe- line d’introductions en Bourse continue de nourrir les espoirs. Plusieurs dossiers sont en prépa-

TOP Performances

FLOP Performances

Microdata Brasseries du Maroc Akdital

-7,13%

+20,55% +12,02%

Stroc Industrie Auto Nejma Ennakl

-6,99%

-6,41%

+11,69%

ration, et leur concrétisation pour- rait redonner du souffle au marché primaire, en attirant de nouveaux flux de capitaux. Mais cette dyna- mique dépendra de la capacité du contexte social et politique à rester apaisé. En attendant, la Bourse de Casablanca s’installe dans une posture de wait and see : les incer- titudes empêchent un vrai rebond, tandis que les fondamentaux pro- tègent d’une vraie cassure. Un entre-deux inconfortable, mais qui prépare souvent les prochains grands mouvements. La question reste donc ouverte : le marché

actions est-il en train de reculer pour mieux sauter ou bute-t-il sur une incertitude plus profonde ? Malgré la correction actuelle, la dynamique de fond reste large- ment positive avec un gain annua- lisé de 25,54%. En plus, sur les 24 secteurs cotés, seuls 4 affichent une contreperformance. Quoi qu’il en soit, la semaine s’achève par un Masi hésitant, lesté par des prises de bénéfices et un contexte incertain. Toutefois, ce dernier conserve son biais haussier de fond, avec des points d’entrée techniques qui méritent l’attention des investisseurs patients. ◆

À ces facteurs s’ajoute une cris- pation nouvelle sur le marché des capitaux. Le recours crois- sant de l’État aux «financements innovants», via les OPCI, censés apporter des ressources immé- diates au Trésor, a produit une série d’effets collatéraux qui se

BOURSE & FINANCES

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SREP Vers un secteur bancaire plus solidement capitalisé

leur capital et leur liquidité. Fitch s’attend à ce que ces mesures renforcent la gouvernance interne et les dispositifs de ges- tion des risques, soutenant ainsi la solidité du capital. La mise en œuvre de Bâle III au Maroc figure parmi la plus avan- cée en Afrique : les banques publient déjà leurs ratios de liquidité, de financement stable net et de levier. Le cadre de supervision de BAM, qui inclut des inspections sur site, introduit une approche plus dynamique et sensible aux risques. La Banque centrale a également pris des mesures pour renforcer les coussins de capital, notamment en imposant des pondérations de risque plus élevées sur les actifs saisis : 100% la première année, 150% après deux ans, 200% après trois ans et 250% après quatre ans. Ce dispositif incite à une résolution plus rapide des actifs et limite la conservation pro- longée d’expositions non per- formantes, améliorant ainsi la qualité des actifs et la sensibilité au risque du capital. Combinés à un environnement économique plus favorable, ces coussins de capital renfor- cés placent les banques maro- caines dans une position solide pour saisir les opportunités de croissance à venir. Fitch prévoit une croissance économique de 4,4% en 2025 et 3,9% en 2026, soutenue par une demande inté- rieure robuste, la reprise de la production agricole et la bonne performance des secteurs du tourisme et de l’industrie. Historiquement, la capitalisation a constitué un point de faiblesse pour les banques marocaines, en raison de leur forte concen- tration de risques et de leurs expositions à des marchés exté- rieurs fragiles. La mise en œuvre du SREP et l’amélioration conti- nue de la rentabilité devraient conduire à des ratios de capital durablement plus élevés, tan- dis que la création d’un marché secondaire pour les créances douteuses pourrait renforcer encore davantage les fonds propres. ◆

Les fonds propres des banques marocaines se renforcent à mesure que le cadre réglementaire du pays se rapproche des standards internationaux, selon Fitch Ratings. Toutefois, une amélioration de la note de viabilité (Viability Rating) des banques reste peu probable sans progrès dans d’autres domaines.

B

Par Y. Seddik

minimum de fonds propres de catégorie 1 (Tier 1) de 9% à 11%, rapproche la réglementa- tion marocaine des standards internationaux et améliore la résilience des banques face aux chocs. Cependant, ce renforcement des fonds propres et de la résilience ne devrait pas, à lui seul, suf- fire à justifier une amélioration des notes de viabilité. Certaines banques conservent encore des marges de capital limitées mal- gré les récents progrès. Dans de nombreux cas, une amélioration des conditions d’exploitation et de la qualité des actifs serait nécessaire pour que Fitch envi- sage une revalorisation. Les indicateurs clés de capi- talisation se sont améliorés de

manière constante depuis 2021, soutenus par une réglementa- tion plus stricte et une rentabilité accrue. Le résultat net consolidé agrégé des sept plus grandes banques a progressé de 20% en glissement annuel au pre- mier semestre 2025, porté par de meilleures performances de trading et une baisse des provi- sions pour créances douteuses. Le ratio moyen de fonds propres de base de catégorie 1 (CET1) a légèrement augmenté pour atteindre 10,9% à fin juin 2025 (contre 10,8% fin 2024), soit un coussin de 290 points de base au-dessus du minimum régle- mentaire. Le ratio Tier 1 s’élevait à 11,9%, également 290 pb au- dessus du seuil requis, et les trois D-SIBs affichaient toutes un ratio supérieur au nouveau seuil de 11%. Les banques marocaines ont démontré une bonne capacité à renforcer leurs fonds propres via des augmentations de capi- tal ou des réductions de divi- dendes. Leurs ratios globaux d’adéquation des fonds propres bénéficient également d’émis- sions régulières de dettes Tier 1 et Tier 2 sur le marché domes- tique. Dans le cadre du SREP, les banques devront réaliser des autoévaluations complètes et corriger toute faiblesse identi- fiée dans leurs modèles d’af- faires, leurs contrôles internes,

ank Al-Maghrib (BAM) met progressivement en œuvre le Supervisory Review and Evaluation Process (SREP), dont la mise en place complète est prévue pour 2027. Il s’agit d’une étape majeure vers le renforce- ment de la capitalisation et de la gouvernance des risques du secteur bancaire. L’introduction de surcharges de capital pour les trois banques systé- miques domestiques (D-SIBs) - Attijariwafa bank, Bank of Africa et le Groupe Banque Centrale Populaire -, qui relève leur ratio

Le ratio moyen de fonds propres de base de catégorie 1 (CET1) a légèrement augmenté pour atteindre 10,9% fin juin 2025.

 Dans le cadre du SREP, les banques devront réaliser des autoévaluations complètes et corriger toute faiblesse identifiée dans leurs modèles d’affaires, leurs contrôles internes, leur capital et leur liquidité.

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Banques - SREP La régulation monte en gamme, les marges se resserrent

La mise en œuvre progressive du cadre SREP par Bank Al-Maghrib impose un renforcement inédit des fonds propres et une refonte de la gouvernance des risques, transformant en profondeur le modèle opérationnel des banques marocaines. Les experts de Fitch Ratings estiment que cette évolution consolidera la stabilité du système bancaire, mais pourrait, à court terme, modérer la croissance du crédit et la distribution de dividendes. Entretien croisé avec Jamal El Mellali, directeur et responsable de la Notation des banques en Afrique francophone, et Ramy Habibi Alaoui, directeur associé-Banques Afrique et Moyen-Orient chez Fitch Ratings.

 Ramy Habibi Alaoui

 Jamal El Mellali

structurelles tant au niveau de leur gouvernance des risques que de leur gestion du capital. Sur le plan capitalistique, les changements les plus visibles concernent le renforcement des exigences de fonds propres. Les trois banques systémiques du pays (Attijariwafa bank, Bank Of Africa et Groupe Banque Centrale Populaire) devront désormais maintenir un ratio minimal de fonds propres de catégorie 1 (ratio Tier 1) à 11%, soit deux points de pourcentage de plus que l'exigence actuelle de 9%. Cette hausse des exigences de fonds propres aura des réper- cussions sur la stratégie opé- rationnelle des banques et sur l'allocation des ressources. En premier lieu, elle exercera une certaine pression sur leur capa- cité de croissance des crédits. Mécaniquement, chaque Dirham de crédit supplémentaire néces- sitera désormais davantage de capital réglementaire, ce qui pour- rait conduire à un ralentissement

de l’expansion des bilans ban- caires, du moins durant la phase de transition. Les établissements devront arbitrer plus finement entre volume et rentabilité, privilé- giant probablement les segments de clientèle et les produits offrant les meilleures marges ajustées du risque. Ainsi, on peut s’attendre à une réorientation progressive vers des activités moins consomma- trices de fonds propres, au détri- ment potentiel de certaines activi- tés de crédit traditionnelles. Cela explique en partie pourquoi la croissance des crédits bancaires est restée relativement faible en 2024 et au premier semestre 2025 (1%-2%), quand bien même la croissance économique du Maroc est restée dynamique. Cette évo- lution pourrait également accélé- rer la digitalisation des services bancaires, permettant d’améliorer l’efficacité opérationnelle tout en réduisant les coûts. En matière de gouvernance des risques, l’évolution est tout aussi notable. Le SREP (Processus

de surveillance et d'évaluation prudente - Supervisory Review and Evaluation Process-) impose aux banques de procéder à des autoévaluations exhaustives et de remédier à toute insuffisance identifiée dans quatre domaines critiques : le modèle d’affaires, les dispositifs de contrôle interne, le capital et la liquidité. Cette approche d’autodiagnostic ren- force la culture du risque au sein des établissements. Enfin, il pourrait également y avoir un impact sur la politique de distribution de dividendes. Pour maintenir le ratio Tier 1 au-des- sus de 11%, les banques peuvent non seulement réduire la voilure en matière de crédits, mais aussi retenir une part plus importante de leurs bénéfices afin d’alimen- ter leurs fonds propres. Cette rétention plus marquée des pro- fits pourrait se traduire par une modération temporaire des distri- butions aux actionnaires, créant un défi d’équilibre entre le respect des nouvelles exigences régle-

Propos recueillis par Y. Seddik

Finances News Hebdo : Votre rapport souligne que Bank Al-Maghrib met pro- gressivement en œuvre le SREP, avec une application totale prévue pour 2027. Concrètement, quels chan- gements cela implique-t-il pour les banques maro- caines en matière de gou- vernance des risques et de gestion du capital ? Quelles marges de manœuvre BAM laisse-t-elle aux établis- sements pour financer la croissance ? Jamal El Mellali : La mise en œuvre progressive du SREP par Bank Al-Maghrib, avec une appli- cation totale prévue pour 2027, marque un tournant majeur dans la régulation bancaire maro- caine. Cette évolution impose aux banques des transformations

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mentaires et le maintien de l’at- tractivité pour les investisseurs. Globalement, l’évolution de la réglementation bancaire au Maroc ces dernières années s’inscrit dans une logique de supervi- sion plus fine et plus réactive de la part du régulateur. Elle posi- tionne également le Maroc parmi les systèmes bancaires les plus structurés du continent africain, renforçant ainsi la confiance des investisseurs internationaux dans la stabilité du secteur financier marocain. F. N. H. : Les trois banques systémiques ont désormais un ratio Tier 1 minimum relevé à 11%. En quoi cette mesure renforce-t-elle la résilience du système ban- caire face aux chocs. J. E. M. : Le mécanisme de pro- tection repose sur la nature même des fonds propres Tier 1, com- posés principalement du capital social et des réserves. Ces res- sources constituent la première ligne de défense contre les pertes, puisqu’elles peuvent être mobili- sées immédiatement pour absor- ber les chocs sans déclencher de procédures de résolution ou de faillite. Le SREP s’applique au système bancaire dans son ensemble, mais l’exigence accrue en fonds propres cible particulièrement les établissements systémiques, c’est-à-dire ceux dont la défail- lance pourrait provoquer une instabilité de l’ensemble du sys- tème financier marocain. Les trois banques systémiques concentrent une part substantielle des dépôts, des crédits et des actifs du secteur (environ 60%), ce qui fait de leur solidité un enjeu de stabilité systé- mique. En maintenant un matelas de fonds propres plus élevé, ces institutions peuvent absorber des chocs plus importants sans com- promettre leur solvabilité. Cela est d’autant plus important que ces banques ont des activités signifi- catives en Afrique subsaharienne (entre 20% et un tiers de l’actif consolidé) dans des pays bien plus risqués que le Maroc, et sou- vent instables. Cette résilience renforcée se

manifeste concrètement lors de différents types de chocs. Face à une récession économique pro- voquant une hausse des défauts de paiement, ces fonds propres supplémentaires permettent aux banques de constituer des pro- visions pour créances douteuses sans épuiser leur capital. En cas de crise de liquidité ou de panique bancaire, un ratio Tier 1 élevé ras- sure les déposants et les investis- seurs sur la solidité de l’établisse- ment, réduisant le risque de ruée vers les guichets. Ceci dit, nous considérons le profil de finance- ment et de liquidité des banques marocaines comme un point fort de leur profil de crédit, compte tenu de leur forte dépendance aux dépôts de particuliers, d’un financement diversifié incluant une part élevée de ressources de marché de maturité moyenne à longue, et de coussins de liquidité importants (le ratio LCR de Bâle III pour le secteur s’élevait à 182% fin 2024). F. N. H. : Vous notez que malgré l’amélioration des fonds propres, des limites subsistent pour certaines banques. Quels sont, selon vous, les principaux risques qui pourraient freiner de futurs relèvements des Viability Ratings ? Ramy Habibi Alaoui : En effet, malgré l’amélioration des ratios de fonds propres prudentiels depuis 2022, les ratios de solvabi- lité (notamment le ratio CET1) des banques marocaines demeurent inférieurs aux niveaux observés dans d’autres marchés émer- gents, en particulier dans la région Europe, Moyen-Orient et Afrique. Selon nous, cela s’explique par l’exposition des grandes banques systémiques marocaines à des marchés africains plus risqués (pondérés à 100%-150% dans le calcul des actifs pondérés par les risques en fonction de la notation souveraine), qui repré- sentent, en agrégé, environ 23% des actifs à fin juin 2025, ainsi que par des ratios de distribution de dividendes relativement éle- vés au fil des cycles. Il convient néanmoins de souligner que les

 La hausse des exigences de fonds propres aura des répercussions sur la stratégie opérationnelle des banques et sur l'allocation des ressources.

banques marocaines disposent d’une bonne capacité à lever des fonds sur les marchés de capitaux, notamment au travers d’émissions d’obligations subor- données, classiques ou perpé- tuelles, soutenant les ratios de Tier 1 et le ratio de solvabilité.

D’un point de vue rating, nous regardons en premier lieu les fonds propres durs des banques, à savoir le ratio de CET1. En cas de relèvement de ce ratio dans le cadre du SREP, cela pourrait avoir un impact positif sur notre appré- ciation du profil de solvabilité des

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propres, notamment celles béné- ficiant de garanties de l’État. L’expérience d’autres systèmes où les banques financent des projets d’envergure (par exemple l’Arabie Saoudite dans le cadre de Vision 2030) montre qu’une contribution marquée requiert des ratios CET1 relativement éle- vés. Au Maroc, une large part des projets devrait toutefois être financée via des partenariats public-privé et par des institu- tions financières multilatérales de développement, ce qui atténuera la pression directe sur les bilans bancaires. Au-delà du cadre prudentiel, la création d’un marché secondaire des créances en souffrance, per- mettant la cession de ces actifs, pourrait améliorer sensiblement les ratios de fonds propres et, par ricochet, la capacité à financer de grands projets. Par ailleurs, l’introduction d’obligations sécu- risées, projet en cours au Maroc, offrirait un outil de diversifica- tion des sources de financement, avec un accès à des ressources de long terme à moindre coût. S’agissant de l’attractivité pour les investisseurs étrangers, le cadre réglementaire marocain demeure l’un des plus dévelop- pés et structurés d’Afrique, et l’implémentation du SREP consti- tuerait une première sur le conti- nent, de nature à renforcer la confiance dans la stabilité du secteur financier. Parallèlement, nous observons une tendance à la «marocanisation» du sec- teur, illustrée par la sortie de deux groupes bancaires français depuis 2022. Dans leurs déci- sions d’allocation, les investis- seurs étrangers se concentrent généralement sur deux facteurs clés : les perspectives de crois- sance du secteur et la rentabilité des fonds propres. Si les pers- pectives de croissance à moyen terme sont favorables, les ren- dements consolidés (11,5% en 2024) restent inférieurs à ceux des grands secteurs bancaires émergents de la région EMEA, en partie du fait d’une stabilité macroéconomique solide et de niveaux de taux d’intérêt histori- quement bas. ◆

 Avec le SREP, Bank Al-Maghrib place le secteur au niveau des standards internationaux, un virage que Fitch juge structurant mais exigeant pour les grandes banques.

F. N. H. : Le renforcement de la supervision (pondérations de risques plus strictes sur les actifs saisis, reporting Bâle III avancé) vise aussi une meilleure qualité des actifs. Quels effets concrets anticipez-vous sur la ges- tion des créances en souf- france et sur la solidité des bilans bancaires ? R. H. A. : La pondération plus stricte de créances issues de sai- sie immobilière a eu un impact plus marqué sur la solvabilité des banques que sur la qualité des actifs, la contribution de ces actifs au bilan étant négligeable (environ 1%-1.5% des actifs bancaires). L’effet sur les ratios de solvabilité est donc resté limité, d’autant plus que la rentabilité des banques s’est améliorée. Au-delà de l’amélioration de l’environnement opérationnel, c’est surtout la mise en place d’un marché secondaire fonction- nel des créances en souffrance (CES) qui pourrait changer la donne en matière de gestion de ces créances, compte tenu du faible niveau de radiation observé dans le secteur bancaire. Sur le plan réglementaire, les banques marocaines publient déjà leur pro- cessus d’adéquation des fonds propres internes (ICAAP), qui joue un rôle important dans la gestion des risques et s’inscrit également au cœur du processus de contrôle et d’évaluation prudentiels (SREP).

banques. Le deuxième facteur susceptible de freiner un relèvement de la notation intrinsèque des banques est la qualité des actifs. Le ratio consolidé de créances en souf- france (prêts en «bucket 3») reste élevé, à environ 10% à fin 2024 pour les sept plus grandes banques du pays. Ce niveau est supérieur à celui de la majori- té des secteurs bancaires de la région Moyen-Orient et Afrique. Bien qu’il soit difficile de com- parer ce ratio entre pays en rai- son de différences réglementaires relatives aux radiations, nous le jugeons élevé au regard de notre évaluation de l’environne- ment opérationnel à ‘bb’ pour les banques marocaines. Dans ce contexte, le développement d’un marché secondaire des créances en souffrance pourrait contribuer à améliorer les indicateurs de qualité des actifs et de solvabilité des banques marocaines, comme observé dans certains pays d’Europe du Sud à la suite de la crise des dettes souveraines. En effet, nous avons estimé en janvier 2025 qu’une réduction de 20% des prêts non performants (NPL) dans les six plus grandes banques augmenterait le ratio CET1 de 185 points de base en moyenne, avec des améliorations comprises entre 120 et 320 points de base, marge que les banques pourraient mettre à profit pour soutenir leur croissance.

F. N. H. : Enfin, au regard de la convergence du cadre réglementaire marocain vers les standards interna- tionaux, estimez-vous que le secteur bancaire est désormais mieux armé pour accompagner les grands projets d’investissement et attirer davantage d’investis- seurs étrangers ? J.E.M. & R.H.A. : La conver- gence progressive du cadre réglementaire vers les stan- dards internationaux renforce, selon nous, la résilience du sec- teur bancaire face aux chocs externes. Dans le contexte des grands projets d’infrastructure du Royaume, dont nous estimons le coût à environ 18% du PIB, les banques auront besoin de coussins de fonds propres plus élevés, les financements de pro- jet étant plus consommateurs de capital. À court terme, il fau- dra arbitrer entre la nécessité de croître et le respect des ratios réglementaires, en particulier durant la phase de renforcement des ratios de capitalisation. Dans ce cadre, nous anticipons une sélectivité accrue des banques, privilégiant des expositions moins consommatrices de fonds

Le deuxième facteur susceptible de freiner un relèvement de la notation intrinsèque des banques est la qualité des actifs.

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