FNH N_ 1211

BOURSE & FINANCES

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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 16 OCTOBRE 2025

propres, notamment celles béné- ficiant de garanties de l’État. L’expérience d’autres systèmes où les banques financent des projets d’envergure (par exemple l’Arabie Saoudite dans le cadre de Vision 2030) montre qu’une contribution marquée requiert des ratios CET1 relativement éle- vés. Au Maroc, une large part des projets devrait toutefois être financée via des partenariats public-privé et par des institu- tions financières multilatérales de développement, ce qui atténuera la pression directe sur les bilans bancaires. Au-delà du cadre prudentiel, la création d’un marché secondaire des créances en souffrance, per- mettant la cession de ces actifs, pourrait améliorer sensiblement les ratios de fonds propres et, par ricochet, la capacité à financer de grands projets. Par ailleurs, l’introduction d’obligations sécu- risées, projet en cours au Maroc, offrirait un outil de diversifica- tion des sources de financement, avec un accès à des ressources de long terme à moindre coût. S’agissant de l’attractivité pour les investisseurs étrangers, le cadre réglementaire marocain demeure l’un des plus dévelop- pés et structurés d’Afrique, et l’implémentation du SREP consti- tuerait une première sur le conti- nent, de nature à renforcer la confiance dans la stabilité du secteur financier. Parallèlement, nous observons une tendance à la «marocanisation» du sec- teur, illustrée par la sortie de deux groupes bancaires français depuis 2022. Dans leurs déci- sions d’allocation, les investis- seurs étrangers se concentrent généralement sur deux facteurs clés : les perspectives de crois- sance du secteur et la rentabilité des fonds propres. Si les pers- pectives de croissance à moyen terme sont favorables, les ren- dements consolidés (11,5% en 2024) restent inférieurs à ceux des grands secteurs bancaires émergents de la région EMEA, en partie du fait d’une stabilité macroéconomique solide et de niveaux de taux d’intérêt histori- quement bas. ◆

 Avec le SREP, Bank Al-Maghrib place le secteur au niveau des standards internationaux, un virage que Fitch juge structurant mais exigeant pour les grandes banques.

F. N. H. : Le renforcement de la supervision (pondérations de risques plus strictes sur les actifs saisis, reporting Bâle III avancé) vise aussi une meilleure qualité des actifs. Quels effets concrets anticipez-vous sur la ges- tion des créances en souf- france et sur la solidité des bilans bancaires ? R. H. A. : La pondération plus stricte de créances issues de sai- sie immobilière a eu un impact plus marqué sur la solvabilité des banques que sur la qualité des actifs, la contribution de ces actifs au bilan étant négligeable (environ 1%-1.5% des actifs bancaires). L’effet sur les ratios de solvabilité est donc resté limité, d’autant plus que la rentabilité des banques s’est améliorée. Au-delà de l’amélioration de l’environnement opérationnel, c’est surtout la mise en place d’un marché secondaire fonction- nel des créances en souffrance (CES) qui pourrait changer la donne en matière de gestion de ces créances, compte tenu du faible niveau de radiation observé dans le secteur bancaire. Sur le plan réglementaire, les banques marocaines publient déjà leur pro- cessus d’adéquation des fonds propres internes (ICAAP), qui joue un rôle important dans la gestion des risques et s’inscrit également au cœur du processus de contrôle et d’évaluation prudentiels (SREP).

banques. Le deuxième facteur susceptible de freiner un relèvement de la notation intrinsèque des banques est la qualité des actifs. Le ratio consolidé de créances en souf- france (prêts en «bucket 3») reste élevé, à environ 10% à fin 2024 pour les sept plus grandes banques du pays. Ce niveau est supérieur à celui de la majori- té des secteurs bancaires de la région Moyen-Orient et Afrique. Bien qu’il soit difficile de com- parer ce ratio entre pays en rai- son de différences réglementaires relatives aux radiations, nous le jugeons élevé au regard de notre évaluation de l’environne- ment opérationnel à ‘bb’ pour les banques marocaines. Dans ce contexte, le développement d’un marché secondaire des créances en souffrance pourrait contribuer à améliorer les indicateurs de qualité des actifs et de solvabilité des banques marocaines, comme observé dans certains pays d’Europe du Sud à la suite de la crise des dettes souveraines. En effet, nous avons estimé en janvier 2025 qu’une réduction de 20% des prêts non performants (NPL) dans les six plus grandes banques augmenterait le ratio CET1 de 185 points de base en moyenne, avec des améliorations comprises entre 120 et 320 points de base, marge que les banques pourraient mettre à profit pour soutenir leur croissance.

F. N. H. : Enfin, au regard de la convergence du cadre réglementaire marocain vers les standards interna- tionaux, estimez-vous que le secteur bancaire est désormais mieux armé pour accompagner les grands projets d’investissement et attirer davantage d’investis- seurs étrangers ? J.E.M. & R.H.A. : La conver- gence progressive du cadre réglementaire vers les stan- dards internationaux renforce, selon nous, la résilience du sec- teur bancaire face aux chocs externes. Dans le contexte des grands projets d’infrastructure du Royaume, dont nous estimons le coût à environ 18% du PIB, les banques auront besoin de coussins de fonds propres plus élevés, les financements de pro- jet étant plus consommateurs de capital. À court terme, il fau- dra arbitrer entre la nécessité de croître et le respect des ratios réglementaires, en particulier durant la phase de renforcement des ratios de capitalisation. Dans ce cadre, nous anticipons une sélectivité accrue des banques, privilégiant des expositions moins consommatrices de fonds

Le deuxième facteur susceptible de freiner un relèvement de la notation intrinsèque des banques est la qualité des actifs.

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