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VENDREDI 22 NOVEMBRE 2024 / FINANCES NEWS HEBDO
DÉVELOPPEMENT DURABLE
Financement climat L’Afrique face au dilemme «pollueur payeur vs pollueur prêteur»
laires à ceux des pays développés, entre 55% et 80%. Pour prendre le cas du Maroc, la transition électrique (uniquement) peut coûter entre 60 et 70 milliards de dollars à horizon 2050 : c’est pratiquement 50% de notre PIB de 2023. Toutes les renouvelables du Maroc à 9 TWh en 2023 n’apportent que 6% de baisse CO2, soit 6,67 MTCO2 pour une estimation de 120 millions de tonnes CO2 (projection CDN Maroc 2021), alors que la baisse programmée dans la dernière contri- bution déterminée est de 45,5% en 2030. Il faut impérativement réviser cet objectif nettement vers le bas, car nous n’avons tout simplement pas les moyens de l’atteindre. . F.N.H. : Concernant l’aide des pays développés et l’enveloppe de 100 milliards de dollars pro- mise par les pays les plus riches, quel a été l’impact sur les pro- jets de transition énergétique ? S. G. : Avec le lancement de ce fonds en 2022, on pensait que les pays en développement allaient bénéficier de dons qui peuvent permettre de rentabiliser certains projets en mal de rentabilité, et qui ont besoin d’un coup de pouce en dons pour pouvoir se concrétiser. Je pensais que le prin- cipe sacré du pollueur payeur allait s’appliquer, malheureusement le pol- lueur payeur s’est transformé en pol- lueur prêteur, et tous les financements sont des prêts. A ma connaissance, le Maroc et l’Egypte ont bénéficié de ces prêts, et aucun cadeau n’a été fait à l’Afrique. Les faibles capacités d’endettement des pays africains ne leur permettent en aucun cas de s’en- gager dans une transition énergétique avec des résultats probants et des baisses spectaculaires des émissions de CO2. Comme vous l’avez dit en introduction de cet entretien, la part de l’Afrique est de 4% de toutes les émissions de CO2 monde; la contribu-
Les COP se succèdent sans impact réel sur la baisse des émissions mondiales de CO2, en hausse de 0,8% en 2024, atteignant 37,4 milliards de tonnes. Pendant ce temps, les pays africains, responsables de seulement 4% des émissions, peinent à opérer une transition énergétique et réclament une justice climatique. Entretien avec Said Guemra, expert consultant en énergie.
Propos recueillis par Désy M.
Finances News Hebdo : Quelle est votre vision du position- nement des pays africains en matière de transition énergé- tique et d’atteinte des objectifs du climat assignés à chaque pays africain au niveau des Contributions nationales déter- minée CDN auprès de l’ONU ? Said Guemra : Ce que j’aimerais dire au début de cet entretien, en matière de climat, on gagne tous, ou on perd tous. Les émissions de CO2 ne s’ar- rêtent pas à la frontière d’un pays même très avancé en matière de tran- sition énergétique. L’Espagne, qui est un pays leader en matière de transition énergétique avec un objectif de 81% de renouvelables dans sa production électrique en 2030, a bien subi les affres des changements climatiques, avec des inondations, pertes humaines
et dégâts économiques en milliards d’euros. Il s’agit, ou il s‘agissait, d’une collaboration planétaire pour espérer faire face à la problématique du climat. L’image que nous avons actuellement est celle des pays riches, technologi- quement très avancés, qui se fixent des objectifs d’atténuation CO2 très élevés : 45%, voire 55% en 2030, et la Grande-Bretagne qui promet un objectif de décarbonation de plus de 80%. Ces pays sont en mesure d’at- teindre ces objectifs, ce qui est loin d’être le cas d’un grand nombre de pays africains, qui n’ont tout simple- ment pas les moyens de cette tran-
sition. La majorité des pays africains sont très endettés, et leur proposer de s’endetter à nouveau pour acheter des éoliennes et des plaques photo- voltaïques pour leur transition éner- gétique est aberrant. Ainsi, depuis la première COP en 1995, nous n’avons toujours pas un espace collaboratif entre les pays développés et les pays du grand sud, sur des projets concrets en Afrique : recherche et dévelop- pement, valorisation industrielle et transfert de technologie. De ce fait, il est pratiquement impossible pour les pays africains de tenir des objectifs de baisses des émissions CO2 simi-
La majorité des pays africains sont très endettés, et leur proposer de s’endetter à nouveau pour acheter des éoliennes et des plaques photovoltaïques pour leur transition énergétique est aberrant.
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