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FINANCES NEWS HEBDO / VENDREDI 22 NOVEMBRE 2024

DÉVELOPPEMENT DURABLE

tion du Maroc dans ces émissions est de l’ordre de 0,32%. Le Maroc s’est fortement impliqué en matière d’énergie renouvelable en haute tension, avec un investissement de 60 milliards de DH depuis 2006, une puissance installée de 4.200 MW et une part de 21% EnR dans le mix électrique de 2023, avec une prévision d’une part de 30% EnR dans le mix électrique à 2030. Ce bilan montre bien les difficultés pour aller plus vite en matière de transition, qui reste focalisée uni- quement sur les renouvelables en haute tension, ce qui explique la faible baisse de 6% des émissions CO2 en 2023. F.N.H. : Une fumée blanche est sortie de la cheminée de la COP29 à Bakou; elle est relative à l’accord des parties pour la création du marché carbone international. Quel sera l’impact de ce marché sur les pays africains, et plus particulièrement sur le Maroc ? S. G. : Effectivement, nous avons vu sortir une fumée blanche à ce sujet. Ma première réaction revient à étudier les interactions de ce marché avec le Mécanisme d’ajus- tement carbone aux frontières MACF instauré par l’Europe. Ce mécanisme va principalement encadrer la taxe carbone qui sera effective en 2026, la phase test sans paiement de cette taxe ayant commencé en 2023. Un grand nombre de pays sont en désac- cord avec l’UE sur cette taxe, dont la Chine, l’Afrique du Sud, l’Inde et le Brésil, dans la mesure où l’UE protège ses industries avec un système de quota carbone gratuit. Les entreprises ne paient que le surplus par rapport à ces quotas qui sont constamment ajustés pour arriver à zéro paiement. Les expor- tations africaines, qui vont bien évidemment payer une lourde taxe carbone à cause des productions électriques très carbonées (64% de l’électricité marocaine est à base de charbon et 79% de fossiles en 2023), seront en compétition avec des entreprises européennes qui ne payent pas de taxe, ou très peu.

 En 2022, 7,4 millions de personnes en Afrique subsaharienne ont été contraintes de quitter leur région à cause des crises climatiques.

A elle seule, la France a distribué 52.9 millions de quotas gratuits en 2022, représentant une valeur de 5 milliards d’euros. C’est une protection aux frontières qui ne dit pas son nom, et je vois très mal les entreprises africaines rivaliser avec un système pareil. A l’inverse, quand une entreprise européenne exporte vers l’Afrique, elle est protégée par ces mêmes quotas gratuits, et l’empreinte carbone des marchandises euro- péennes disparait comme par magie, dans la mesure où elles sont protégées. Et c’est la raison pour laquelle j’ai le grand espoir d’un marché carbone mondial, où les règles sont plus transparentes et plus justes. A ce sujet, une deu- xième fumée blanche est sortie de la rencontre de Bakou : c’est que ce marché carbone mondial sera géré par les règles de l’ONU. Est- ce qu’il va éliminer et remplacer de manière juste la taxe carbone européenne ? L’avenir nous le dira. Le GIEC a lancé depuis longtemps le principe d’une taxe carbone uni- verselle, qui peut évoluer dans un marché international régulé. Nous devons rester très attentifs aux évolutions de ce marché, dans la mesure où 65% de nos exporta- tions sont réalisées avec l’Europe, et que nos industries sont prati-

quement dans l’impossibilité de décarboner l’énergie électrique, qui peut représenter 60% à 70% de la taxe carbone, à cause du cadre réglementaire inexistant pour la moyenne et la basse ten- sion. F.N.H. : Il est certain que les relations entre les pays déve- loppés et les pays en déve- loppement doivent être réin- ventées dans le domaine de la lutte climatique. Comment pouvons-nous imaginer ces nouvelles relations entre ces deux groupes de pays dans le domaine du climat ? S. G. : Le Maroc a fait à mon avis un appel historique à la COP de Bakou. Notre ministre de la Transition énergétique, Leila Benali, a démontré la nécessité des investissements menés par les pays développés en Afrique, tout en introduisant la notion du Maroc : hub énergétique qui relie l’Afrique et l’Europe. Ces investissements doivent rémunérer le Maroc en nature, en raison de ses grands besoins en énergies renouvelables. Quand je prends l’exemple du pro- jet Xlinks, qui va relier par câble électrique le Maroc à la Grande- Bretagne, à 10.5 GW, le concept win-win voudrait qu’une partie de

ces renouvelables profite au réseau marocain. Il en est de même pour les projets hydrogène où une par- tie serait affectée aux besoins du Maroc. Ce ne sont pas les reve- nus des loyers des terrains qui vont nous permettre de décarbo- ner notre économie. Je donne des exemples du Maroc que je connais bien, mais qui sont valables pour toute l’Afrique. Pour l’instant, la logique régnante, c’est investir en Afrique, et tout rapatrier. Donner naissance à des projets hydrogène, ce sont de grandes intégrations industrielles qui peuvent naitre en Afrique : éoliennes, photovoltaïque, électrolyseurs…, et décarboner très rapidement ce continent dans la mesure où il ne représente que 4% des émissions monde, 1.50 milliard de tonnes CO2/an, pour 37.4 MMTCO2/an comme émis- sions monde en 2023. Si la vision des pays développés ne change pas, l’Afrique aura le plus grand mal à avancer dans le domaine de lutte contre les changements clima- tiques, et aura également à subir les dégâts de ces changements. J’espère que l’appel du Maroc sera bien écouté, probablement une grande conférence pour bien définir un nouveau type de parte- nariat au grand bénéfice de toute la planète. ◆

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