La fresque du climat - Extrait

Cet extrait contient : Le sommaire - La liste des témoignages - La préface de Heïdi Sevestre - Un extrait du Chapitre 1 - 3 témoignages - La postface de François Gemenne

Par des animateurs et le créateur de la Fresque du Climat Julie Nicolas | Julien Jean-Pierre | Cédric Ringenbach Préface de Heïdi Sevestre • Postface de François Gemenne

Comprendre les enjeux climatiques pour agir

Julie Nicolas | Julien Jean-Pierre Cédric Ringenbach

LA FRESQUE DU CLIMAT Comprendre les enjeux climatiques pour agir

Avertissements Les cartes de la Fresque du Climat sont régies par la licence CC BY ND. Leur reproduction est autorisée, sans modification aucune. Les QR-codes disponibles tout au long de l’ouvrage renvoient vers des URL appartenant aux sites hébergeurs. Les éditions Pearson France ne sauraient être tenues responsables d’un quelconque dysfonctionnement ou d’un changement intervenu dans une URL.

Édition : Delphine Galtier Mise en page : IDT (Johanne Fontaine) Couverture : Carl Brand Illustration de couverture : Warming Stripes, Globe 1855-2022 © Ed Hawkins, University of Reading, CC BY 4.0 DEED, https://showyourstripes.info/ Portraits de quatrième de couverture : Julien Jean-Pierre : © Elsa Georgelin ; Cédric Ringenbach : © Blue Choice

Publié par Pearson France 2/12 rue des Pirogues de Bercy 75012 Paris

ISBN : 978-2-7440-6853-9

Dépôt légal : juin 2024 Achevé d’imprimer en mai 2024 par GraphyCems, Espagne.

Aucune représentation ou reproduction, même partielle, autre que celles prévues à l’article L. 122-5 2° et 3° a) du Code de la propriété intellectuelle ne peut être faite sans l’autorisation expresse de Pearson France ou, le cas échéant, sans le respect des modalités prévues à l’article L. 122-10 dudit code.

S O M M A I R E

Table des témoignages

VII

Préface de Heïdi Sevestre

Avant-propos de Cédric Ringenbach

CHAPITRE #1 L’odyssée de la Fresque du Climat

CHAPITRE #2 Et maintenant, fresquez !

CHAPITRE #3 Ça fresque en entreprise !

CHAPITRE #4 Dans le sillage de la Fresque

CHAPITRE #5 La Fresque dans l’écosystème militant… et au-delà !

109

CHAPITRE #6 La Fresque du Climat, un nouveau paradigme ?

139

169

Postface de François Gemenne

173 177

PETIT GLOSSAIRE DE L’ÉCOSYSTÈME FRESQUE DU CLIMAT

BILBLIOGRAPHIE/WEBOGRAPHIE

181

REMERCIEMENTS

183 187

INDEX

CRÉDITS ICONOGRAPHIQUES

TABLE DES TÉMOIGNAGES

Sensibiliser le plus possible à l’urgence du changement climatique (Cédric Ringenbach) Quand trois heures remplacent des mois de recherche (Charles Sirot) Quelque chose de puissant venait de naître (Frédéric Giuli) Un point d’entrée incontournable pour nos étudiants (Laure Bertrand) Ouvrir les horizons autour du changement climatique (Sakina Pen Point)

23 27 31 49 52 58 69 73 77 81 97

Une réelle libération (Benoît Marienval)

Donner aux enfants des informations justes et adaptées (Vanessa Filhol)

Une qualité d’animation commune (Thomas Dayraud)

Un modèle optimal face à l’explosion des demandes (Antoine Rabain) Être à l’avant-garde des idées qui font bouger les choses (Quentin Bordet) Faire de chaque collaborateur un acteur de la stratégie RSE (Romane Anquetil) Un équivalent de la Fresque adapté à la construction (Renaud Bonnel)

101 106

Dépasser la sidération (François Laugier)

Nous avons le pouvoir d’agir, d’être acteurs (Laura Foglia) Sensibiliser la population sans relâche (Anastasia Dereppe)

118 La Fresque du Climat, une innovation pédagogique appelée à durer (Frédérik Jobert) 123 Allier pédagogie et résistance civile pour équilibrer mes engagements (Clara Crenn) 129 Les limites planétaires sont quasiment toutes sur la table ! (Martine Lheureux) 132 La démarche systémique fait toute la différence dans la lutte contre l’inertie (Albert Moukheiber) 149 Changer les citoyens pour changer la société (Nicolas Froissard) 155 Une formation pour devenir les pionniers du monde d’après (Benoît Rolland de Ravel) 159 Objectif : un million de fresqueurs dans le monde ! (Cédric Ringenbach) 164

P R É F A C E

par Heïdi Sevestre, glaciologue

Je suis souvent portée à dire que la science ne peut avoir d’im- pact si elle n’est pas communiquée. En tant que glaciologue, ma principale préoccupation aujourd’hui est de diffuser les connaissances scientifiques au plus grand nombre. Il n’y a aucun doute que ces dernières années j’ai assisté à un avant, et un après-Fresque du Climat. Mon premier contact avec la Fresque du Climat fut un rendez-vous manqué. À la COP25, la conférence du climat à Madrid en 2019, je croise la route de Cédric Ringenbach, l’auteur de la Fresque. À l’époque, je travaillais pour une ONG américano-suédoise, l’International Cryosphere Climate Initiative. Nous avions la charge du premier pavillon scientifique des conférences du climat, le pavillon de la cryosphère. Nous avions pour objectif de fournir une plateforme permettant aux scientifiques et aux déci- deurs politiques d’interagir, de partager leurs connaissances et leurs moyens d’action. C’est alors que Cédric, entouré d’une jeune équipe dynamique, m’a proposé de les rejoindre et de participer au premier atelier Fresque du Climat des COP. Faute de temps, et certainement par manque de conscience de l’im- portance du moment, je rate cet atelier historique. J’apprends le lendemain que Valérie Mason-Delmotte, experte mondialement reconnue du climat, à l’époque encore présidente du Groupe 1 du Giec et poids lourd incontestable

VIII LA FRESQUE DU CLIMAT

de la communication scientifique, elle, a eu le flair de dégager du temps pour l’événement. Mon premier contact avec la Fresque fut donc un moment de FOMO ( Fear of missing out , ou peur de rater quelque chose) intense. Je me rattraperai quelques mois plus tard, de retour en France. Je réalise vite à quel point cet outil est une merveille de communication scientifique, un allié indiscutable qui permet à chacun, sous la bienveillance de l’animateur, de comprendre notre système climatique. Un tour de force qui ne demande aucun prérequis scientifique. En quelques heures, pas à pas, on prend conscience que notre futur dépend des calottes polaires, que les énergies fossiles sont responsables du changement climatique et que celui-ci risque d’engendrer des conflits plus fréquents et plus violents. Là où les rapports scientifiques sont indispensables pour synthétiser les dernières données, la Fresque, quant à elle, nous fait ressentir la science dans nos tripes. Mon déclic, après la Fresque, fut le tour des émotions ressenties par mon groupe. Pas simple mais si nécessaire d’ouvrir son cœur et d’oser exprimer ses émotions en public, chose peu encouragée dans le cadre académique. Parler de nos peurs, de nos frustrations, de nos inquiétudes pour notre avenir et celui de l’humanité mais, surtout, ne pas s’arrêter là. La Fresque nous prend la main et nous met sur le chemin des solutions. Comme le dit Robert Swan, explo- rateur polaire : « La plus grande menace pour notre planète est de croire que quelqu’un d’autre la sauvera. » Et en quelques heures, nous comprenons tous que nous allons être indispensables à la lutte contre le changement climatique. Il me faudrait bien plus qu’une simple préface pour lister les forces de la Fresque du Climat. Elle brille par son humanité, rayonne par sa bienveillance, son aspect émotionnel, son intelligence collective et son action. Elle est simple, créative, visuelle et rigoureusement scientifique. Autant j’ai du mal à recommander la lecture de ma thèse de doctorat à mes proches, autant la Fresque est un outil dont nous savons qu’il plaira à notre entourage et qu’il fera mouche. L’outil stimule les discussions. Il rassemble plutôt qu’il ne divise. La Fresque dépasse la simple sensibilisation au climat ; elle est un kit de survie pour mes proches. En passant, finis les dîners en famille gâchés par l’oncle Jean-Michel, le climatosceptique de service. Ce qui est remarquable, c’est que la Fresque crée du lien social en parlant d’un sujet « clivant » comme le climat. En se regardant dans les yeux, en tâtonnant avec les cartes, en dessinant des connexions entre les causes et

PRÉFACE IX

les conséquences, on construit ensemble. Alors oui, pour certains, la Fresque est un mur que l’on prend de plein fouet en comprenant enfin les enjeux climatiques. Pour d’autres, c’est un puzzle de connaissances qui s’assemble comme par magie sous nos yeux. Mais pour tous, elle est le déclic qui incite à l’action, à notre niveau, à notre échelle. Elle nous interpelle sur les gestes individuels et collectifs, sur notre impact. Elle réussit à déclencher une réflexion sur notre rôle. En investissant trois heures dans cet atelier, sans le savoir, nous investissons dans l’avenir. La Fresque est bien plus qu’une base, c’est désormais une référence. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : bientôt 2 millions de participants répartis dans plus de 160 pays. Aujourd’hui, lors de mes interventions, j’ai la chance de rencontrer des femmes et des hommes qui sont en première ligne de la lutte contre le chan- gement climatique, que ce soit dans leur commune, leur entreprise, leur école ou leur université. Et sans exception, deux points communs les rassemblent : un désir irrépressible d’agir, et bien sûr, la Fresque du Climat. La communauté des fresqueurs est en train de transformer notre société pour le meilleur. Autrefois, je commençais toujours mes conférences en interrogeant le public sur son niveau de connaissance du changement climatique. Aujourd’hui, c’est plus simple, je demande simplement à mon auditoire s’il a déjà participé à la Fresque du Climat. Un moyen efficace de savoir si les fondations sont là, et ce que nous allons pouvoir construire ensemble. Et j’ai à cœur de rencontrer les fresqueurs. Quelle source d’énergie ! J’aime entendre leurs histoires, leurs parcours jusqu’à la Fresque. Pour certains, la Fresque est devenue bien plus qu’un outil ; c’est le cœur de leur travail, voire leur gagne-pain. Quand j’observe l’impact positif de la Fresque, cette citation se rappelle à mon souvenir : « Seul on va vite, ensemble on va plus loin. » Ensemble, cette vague irrépressible élève les compétences des différentes composantes de notre société. J’ai eu le privilège de célébrer à distance le million de participants à la Fresque du Climat. Cette invitation à témoigner m’a profondément touchée. J’étais sur la banquise du Svalbard, à 1 300 km du pôle Nord, près de mon glacier préféré, Tunabreen. Une journée inoubliable, dans un paysage étincelant. Un soleil éblouissant illuminait le bleu de la glace. Les pieds sur la banquise, je me filme pour envoyer un message à la communauté de la Fresque du Climat. Le Svalbard aujourd’hui se réchauffe plus vite que n’importe quel autre point

X LA FRESQUE DU CLIMAT

de la Terre. Les glaciers, aussi majestueux qu’ils soient, fondent encore plus rapidement que les pires de nos projections. Mon cœur se serre en pensant à l’avenir de ces masses glaciaires. Mais à l’évocation des fresqueuses et des fresqueurs, je ne me sentais plus seule. Parce qu’aujourd’hui, je sais que, grâce à eux, même à des milliers de kilomètres de l’Arctique, le monde entier prend conscience de l’importance et de la fragilité de glaciers comme Tunabreen. Nous comprenons ainsi la puissance et la vulnérabilité de notre planète. La Fresque éveille et réveille. Elle est un antidote à l’écoanxiété, une rampe de lancement vers des solutions pour le monde d’aujourd’hui et de demain.

L’odyssée de la Fresque du Climat 1

CHAPITRE #1

L’odyssée de la Fresque du Climat

D ébut 2023, après cinq ans d’existence, la Fresque du Climat a célébré le cap du million de personnes ayant participé à un atelier, en France comme à l’international. L’objectif fixé en 2018, avant même la création de l’association, a été atteint grâce à une croissance exponentielle du nombre d’animateurs et à une organisation spécifique – très horizontale – du mou- vement. Une réussite qui s’explique d’abord par l’outil « Fresque » lui-même, mais aussi par l’énergie et l’engagement de la communauté des animateurs et permanents de l’association. Comment se déroule une fresque ? Comment les 42 cartes du jeu ont-elles été élaborées ? Qui peut participer ? Comment réaliser un atelier dans son entreprise, son établissement public, son université ou son association ? Qui sont les animateurs ? Comment sont-ils formés ? Pourquoi cet atelier fondé sur l’intelligence collective a-t-il essaimé ? Quels sont les impacts de la Fresque du Climat sur la société ? Découvrez toutes les réponses au fil de l’ouvrage. Aux origines de la Fresque du Climat La Fresque du Climat est un atelier participatif qui rassemble quatre à huit participants autour d’une table pendant trois heures. Ensemble, ils vont réa- liser une fresque en utilisant un jeu de 42 cartes, sur chacune desquelles se trouvent des informations relatives à la physique du climat. Les participants doivent placer ces cartes sur la table suivant un principe : établir entre elles les liens de cause à effet .

L’odyssée de la Fresque du Climat 15

Figure 1.9. La Fresque en 15 dates clés

• Cap du million de fresqués (France + international). Développement en Suisse

Mars 2023

Décembre 2021

• COP26 (Glasgow)

• Proposition d’amendements pour sanctuariser la sensibilisation aux enjeux climatiques dans l’enseignement supérieur • Mandat du Climat pour les élus (loi Climat et Résilience) (chapitre 2) • Systématisation de la Rentrée Climat (chapitre 2) • Mise en place du parcours de formation des fresqueurs (chapitre 2). Première Fresque en ligne (confinement) • Lancement de la Rentrée Climat (15 établissements)

Août 2021

Mars 2021

Septembre 2020

Mars 2020

Septembre 2019

Printemps 2019

• Recrutement d’une première salariée

15 décembre 2018

• Fondation de l’ association de La Fresque du Climat

2 d semestre 2018

• Traduction de la Fresque en chinois, anglais et polonais • Création des Fresques Expert et Junior (chapitre 2) • Première Fresque au Pôle universitaire Léonard de Vinci.

Juin 2018

Mars 2018

Début 2018

• Cap du millier de fresqués

• Utilisation de l’outil avec The Shift Project dans le Train du Climat (COP21) • Première sensibilisation autour de graphiques issus du 5 e rapport du Giec

Novembre 2015

17 avril 2015

L’auteur de la Fresque du Climat, Cédric Ringenbach, rencontre ainsi régu- lièrement des porteurs de projets à impact, sur toutes les thématiques liées au climat, pour les convaincre d’adopter un modèle capable de passer à l’échelle.

132 LA FRESQUE DU CLIMAT

Les limites planétaires sont quasiment toutes sur la table !

• Martine Lheureux • Née en 331 ppm (1976) • Statut : fresqueuse professionnelle, référente Martinique, créatrice d’Excellensys Partners

Vous êtes fresqueuse profession- nelle et référente de la Fresque du Climat pour la Martinique. Comment adaptez-vous l’atelier au contexte local ? Dans mes ateliers grand public, je parle des

spécificités de notre île et je demande aux participants ce qu’ils ont déjà vécu du dérèglement climatique. Quand je fresque en entreprise, j’adapte la question au domaine professionnel. Les personnes commencent souvent par les conséquences positives, comme le développement d’un nouveau produit, la RSE, les formations… J’axe ensuite les échanges sur leur modèle économique et je prends l’exemple des puces électroniques avec lesquelles pratiquement toutes ont rencontré des problèmes d’approvisionnement ou de coûts. Je leur montre qu’il s’agit d’un effet de la perturbation du cycle de l’eau, car leur fabrication en nécessite beaucoup, puis je détaille en quoi cette carte est stratégique pour tous, entreprises comme habitants, et à quel point cet élément se manifeste déjà dans leur compte de résultat. Pour attirer le public « citoyen », j’oriente les discussions sur les bénéfices de la prise de conscience, en échangeant sur l’autosuffisance alimentaire ou sur la nécessité de créer notre propre résilience. Je vise le cœur en utilisant des exemples vécus comme les manguiers partis en fleur trop tôt, les mauvaises récoltes de salades ou de tomates, etc., dus au bouleversement des saisons.

La Fresque dans l’écosystème militant… et au-delà ! • Témoignage 133

Pour les professionnels, j’invite le groupe à se projeter dans un monde où il fait plus chaud, où les pluies sont plus intenses, les chaleurs plus fortes et longues, l’eau moins disponible. Lorsque les participants constatent et com- prennent le problème, ils essaient de développer leurs propres solutions. Cette approche adaptative a davantage d’impact comparée à l’approche atténuative 1 ; elle permet d’arriver plus rapidement à la rupture de modèle. À ce moment-là, les membres de l’atelier se mettent à penser autrement. La Fresque est un outil extrêmement puissant qui me permet d’aller à chaque fois plus loin dans mon animation. Selon les groupes, le jeu permet d’aborder facilement les limites planétaires parce qu’elles sont quasiment toutes sur la table. Quelles sont les spécificités du développement de la Fresque en Martinique ? En plus des embouteillages très fréquents, qui ôtent du « temps de cerveau disponible » et éreintent les populations, la méfiance envers tout ce qui vient de la métropole, même pour l’environnement, est une difficulté de taille. Parler

La communauté de la Fresque du Climat est fantastique. ”

au monde militant, qui lutte depuis très longtemps sur des sujets anticoloniaux, est pourtant essentiel et, avec la Fresque du Climat, nous sommes parvenus à être acceptés partout, voire soutenus. Nous avons ainsi tissé des relations avec de nom- breux acteurs locaux, dont un partenariat avec Météo France Martinique 2 , qui permet d’obtenir des données complémentaires sur le climat et d’inviter les collabo-

rateurs de cet établissement public à développer des documents de vulga- risation, notamment sur notre île. En relayant les questions du grand public, ils ont eu aussi envie d’être encore plus présents sur le terrain, à nos côtés. Nous nous retrouvons souvent lors des événements auxquels je participe pour proposer la Fresque du Climat comme d’autres ateliers.

1. L’ atténuation et l’ adaptation sont deux stratégies complémentaires et interdépen- dantes pour faire face au changement climatique. Selon le Giec, l’atténuation se définit par « l’intervention humaine pour réduire les sources ou augmenter les puits de gaz à effet de serre ». Elle concerne donc les causes du changement climatique et vise à limiter le réchauffement. Pour l’adaptation, le Giec parle d’« une démarche d’ajustement au climat actuel ou attendu, ainsi qu’à ses conséquences». Elle s’applique donc aux effets du changement climatique et vise à apprendre à vivre avec. 2. https://meteofrance.mq/fr

LA FRESQUE DU CLIMAT, UN NOUVEAU PARADIGME ? • Témoignage 155

Changer les citoyens pour changer la société

• Nicolas Froissard • Né en 331 ppm (1975) • Statut : directeur général de la Fresque du Climat, ex-codirigeant du groupe SOS

Vous êtes directeur général de la Fresque du Climat depuis août 2023. Quel regard portez-vous sur le jeu et sa communauté ? J’ai rejoint la Fresque du Climat car j’avais

envie de travailler pour une initiative qui transforme la société. Pour parvenir à un tel résultat, il faut trouver un moyen de changer les citoyens, en parti- culier leur façon de penser et d’agir. Si le sujet du climat, et plus largement de l’environnement, peut être clivant, ce n’est pas le cas avec la Fresque. Grâce aux constats scientifiques, à l’intelligence collective et au côté ludique, les participants passent un bon moment et quittent l’atelier avec l’envie d’agir dans leur quotidien. Par ailleurs, la culture de l’association encourage l’esprit d’initiative et les fresqueuses et les fresqueurs s’y reconnaissent. Ils tentent, testent, vont là où on ne les attend pas. Cette dynamique explique d’ailleurs le développement en France et à l’international. On a vu la Fresque émerger un peu partout dans le monde, auprès des particuliers ou des entreprises, sans avoir eu besoin de mettre en place une stratégie délibérée. La Fresque du Climat est une communauté de gens d’univers très différents mais qui se sont accordés sur ce mode de prise d’initiative qui a fortement accéléré son développement.

156 LA FRESQUE DU CLIMAT

Vous parlez ici des principes de la Fresque du Climat, la « doocratie », le Swarmwise, la règle de trois, le droit à l’erreur… D’où émanent les propositions formulées ? du sommet ou de la base ? Grâce à ces principes, les initiatives viennent de partout : de la communauté, de l’équipe de permanents, du conseil d’administration ou des assemblées générales. L’association peut orienter ou accompagner les communautés locales mais ce sont elles qui agissent le plus, par exemple en participant à un événement, en rencontrant les élus locaux ou en tissant des relations avec d’autres associations. Les stratégies de développement à l’échelle d’une ville, d’une région ou d’un pays peuvent être discutées avec l’association mais les communautés locales bénéficient d’une large marge de manœuvre avec parfois des décisions engageantes. Notre volonté est d’ailleurs de maintenir et de réaffirmer ces principes pour qu’ils soient présents partout, en France comme dans le monde. Quels sont vos objectifs pour la suite ? Nous en avons beaucoup mais le plus emblématique est d’atteindre le million de fresqueurs. Avec le développement à l’international, cela peut aller très vite. Un autre est que la majorité des fresqueurs et des fresqueuses adhèrent à l’association, ce qui n’est pas toujours le cas. De même nous voulons continuer à multiplier le nombre de fresqués et à les intégrer dans cette aventure, les encourager, les accompagner, les former et les faire participer aux grandes décisions de l’association. Avec l’augmentation des adhérents, nous devrons rester exemplaires et vigilants quant au maintien et à la vivacité de notre vie démocratique. Nous voulons également encourager et renforcer les initiatives locales et même intégrer leurs acteurs aux décisions globales. Entendez-vous développer les relations avec les autres membres de votre écosystème ? Nous expérimentons des partenariats avec les fresques et ateliers amis. C’est encore un peu tôt pour en tirer des conclusions mais, comme la Fresque du Climat est dotée de nombreux savoir-faire et outils, il semble pertinent de les partager avec les autres fresques. Nous nous inscrivons dans une démarche de mutualisation, d’entraide et d’ouverture. Un bon exemple est l’événement « 1001 fresques » qui s’est tenu à Lyon en novembre 2023. Durant toute une journée, plus de 800 personnes ont participé à des ateliers sur la transition écologique : Fresque du Numérique, Fresque de la Biodiversité,

La Fresque du Climat, un nouveau paradigme ? • Témoignage 157

Atelier 2tonnes, etc. Cet événement a certes été beaucoup porté par notre communauté, mais la Fresque du Climat n’aurait jamais pu l’organiser seule. C’est une belle illustration de ce que nous pouvons réaliser ensemble. Quelles actions prévoyez-vous pour cibler les entreprises ? Nous allons mieux les accompagner pour nous assurer que le déploie- ment est correctement réalisé. Cela passera notamment par un coaching des formateurs et les animateurs internes. Ainsi, la Fresque restera un excellent outil de cohésion et d’émulation. Notre priorité demeure d’améliorer la qualité des ateliers. Le parcours du fresqueur va évoluer sans être révolutionné pour autant. La volonté d’essaimer partout et très rapidement a été efficace. La viralité de la Fresque n’est plus à démontrer mais le déploiement s’effectue parfois avec des niveaux hétérogènes de qualité. L’objectif est de trouver l’équilibre entre une diffusion massive de l’atelier et le respect de critères de qualité stricts. Sans tomber dans le contrôle absolu, l’équipe permanente, la gouvernance et l’ensemble de la communauté appellent de leurs vœux un accompagne- ment en bonne et due forme des fresqueurs et fresqueuses. L’atelier doit être réalisé pour atteindre l’ensemble de ses objectifs. Ce point est important, aussi bien pour les fresqueurs professionnels que pour les bénévoles. Il faut que l’animation soit réellement engageante, auprès de tous les publics, pour que la promesse soit tenue. Concernant le développement interne de l’association, que prévoyez-vous ? Si la Fresque du Climat est une association, son fonctionnement relève davantage de celui d’une entreprise. On peut dire que nous sommes une

La France restera le laboratoire des avancées de la Fresque. ”

entreprise associative. À la fin 2023, nous étions plus de 50 salariés et nous poursuivons notre développement. Toute l’équipe souhaite fonctionner comme une entreprise innovante, idéale pour ses salariés, ou au moins exemplaire sur les aspects environ- nementaux et sociaux afin d’aligner nos valeurs avec nos actions et notre travail au quotidien.

Nous envisageons ainsi d’affecter des jours de congés supplémentaires à un salarié qui part découvrir d’autres cultures tout en limitant ses émissions de GES . Nous allons appliquer la transparence des salaires. Les membres

158 LA FRESQUE DU CLIMAT

de l’équipe attachent également une grande importance à l’égalité femmes- hommes. Tous les permanents masculins de la Fresque du Climat ont suivi une formation spécifique sur ce sujet et nous menons d’autres réflexions (congé menstruel, par exemple). La mise en place de toutes ces mesures reste simple car nous sommes toutes et tous alignés et la situation économique de l’association est bonne. Toutefois, nous ne disposons pas d’un grand recul sur notre modèle écono- mique. Les projections de croissance à moyen et long terme sont complexes. Comment envisagez-vous le développement en France et à l’international ? Comme le rappelle souvent Cédric Ringenbach, l’objectif collectif est de pousser la Fresque au maximum de son potentiel. Cela est valable partout dans le monde mais, aujourd’hui, l’enjeu concerne avant tout l’Hexagone. Depuis quelque temps, les publics évoluent. Les entreprises et les particuliers sensibles aux enjeux du climat et de l’environnement ont déjà participé à un atelier. Nous devons maintenant nous réinventer pour toucher les autres, celles et ceux qui sont moins enclins à dédier trois heures de leur temps aux enjeux du climat. Ce défi est passionnant tant la maturité française sur le sujet nous place à l’avant-garde. C’est d’autant plus intéressant que nous savons que nous serons confrontés à ce même palier dans les autres pays. Nous rencontrons à travers le monde des niveaux de développement différents, mais la France restera le laboratoire des avancées de la Fresque. Ces expériences inspirent également les autres pays, avec des nuances en fonction des cultures locales, et contribuent au développement d’une Fresque du Climat que nous envisageons à l’échelle mondiale.

164 LA FRESQUE DU CLIMAT

Objectif : un million de fresqueurs dans le monde !

• Cédric Ringenbach • Né en 327 ppm (1972) • Statut : auteur de la Fresque du Climat, ancien président de l’association, PDG de Blue Choice, ancien directeur du Shift Project, coach, marin et conférencier

Maintenant que ce cap du million de fresqués est atteint, quel est pour vous le nouvel objectif de la Fresque du Climat ?

Le nouveau challenge que j’ai lancé à la communauté est de former un million de fresqueurs. Lorsque j’avais formulé l’objectif d’un million de fres- qués en 2018, nombreux étaient ceux qui doutaient. Nous l’avons néanmoins atteint en mars 2023, c’est-à-dire que nous avons multiplié le nombre de participants par 1 000 en 5 ans. Actuellement, dans les pays où la Fresque ne fait que démarrer, le nombre d’animateurs double tous les 6 mois, c’est-à- dire au même rythme qu’en France à ses débuts. Si on veut être ambitieux, je dirais que nous pouvons atteindre le million de fresqueurs d’ici à la fin 2026. Le projet a maintenant deux priorités : se développer horizontalement (volet international) et en profondeur (l’après-fresque). Quelle est la stratégie de développement à l’international ? Quelles sont les moda- lités de financement ? Nous nous sommes déjà implantés dans plus de 160 pays en seulement 5 ans d’existence. Mon ambition pour la Fresque est de passer à la vitesse supérieure à l’international grâce à une stratégie qui consiste à créer des structures nationales et à les doter de trois éléments : des moyens financiers, des contacts institutionnels et de l’autonomie.

La Fresque du Climat, un nouveau paradigme ? • Témoignage 165

Nous allons financer les structures des pays qui entament leur croissance exponentielle en nous appuyant sur les revenus de leurs homologues plus matures, en premier lieu sur la France qui a réalisé 8,5 millions de chiffre d’affaires en 2023. Quand nous avons débuté, nous n’avions aucun moyen et l’association a dû trouver son budget par elle-même. Elle n’a eu recours à aucune subvention, aucun mécénat, aucun sponsoring , mais a pu compter sur son modèle d’affaires unique. Elle a ainsi atteint sa taille actuelle mais, si on l’avait aidée au démarrage, elle aurait pu aller encore plus vite. L’enjeu pour les pays qui se lancent est d’obtenir une mise de départ pour constituer une équipe de salariés afin d’accélérer le mouvement. La Fresque ayant déjà montré son potentiel en France, le business plan du déploiement international est très convaincant ! Outre l’aspect financier, comment comptez-vous aider les structures nationales à démarrer ? En France, nous sommes passés de rien à tout en 5 ans. Notre objectif est de capitaliser sur notre réseau, à la fois via les instances, les ambassades ou les ministères français, relais potentiels des fresqueurs locaux, mais éga- lement via les réseaux internationaux (alliances françaises, scouts, Climate Reality Leaders, Global Shapers, Climate Corps, ambassadeurs de Climate Interactive, Climate ambassadors européens, Rotary et Lion’s Club, Global Partnership for Education…). Il s’agit d’industrialiser et de systématiser les effets de réseau. Quid de l’autonomie de ces structures nationales ? Il n’y aura pas de mainmise sur les affaires nationales. La structure supranationale veillera simplement à ce que la gouvernance soit saine et garantisse le respect de la licence et des principes fondateurs de l’associa- tion, conformément au cahier des charges rédigé par le fonds de dotation (chapitre 5). Les pays ont des cultures et des contextes différents. Autant le constat scientifique ne dépend pas du lieu (il n’y a pas matière à modifier les cartes), autant le débrief devra s’adapter au contexte culturel, de même que la stratégie de déploiement. Chaque pays sera le laboratoire des adaptations de la Fresque.

166 LA FRESQUE DU CLIMAT

Quels sont les pays prioritaires ? L’enjeu principal : se déployer rapidement et fresquer le plus grand nombre car le premier principe fondateur de l’association est l’urgence climatique. Deux priorités nous guident donc : d’abord, les pays susceptibles de décoller vite parce qu’ils sont potentiellement des contributeurs financiers pour le projet, mais aussi les États les plus émetteurs de GES . Certains pays francophones et limitrophes de la France ont pris une longueur d’avance. C’est le cas de la Suisse, puisque les fresqueurs helvétiques – déjà immatriculés – ont rem- porté un prix de 100 000 francs suisses (chapitre 4) qui va accélérer leur développement. L’Allemagne, le Royaume-Uni, l’Espagne, la Chine, le Brésil et les États-Unis devraient suivre sous peu. Quel sera le rôle du fonds de dotation dans ce déploiement international ? Le rôle du fonds de dotation sera essentiel car c’est lui qui va rédiger le cahier des charges que les entités nationales devront respecter. Il n’a pas vocation à piloter ces entités – cette mission pourrait être prise en charge par une structure faîtière – mais il doit veiller au respect des principes fondateurs, de la licence et s’assurer que l’outil est exploité au maximum de son potentiel. Le deuxième axe d’avenir concerne ce que vous appelez « l’après-fresque ». De quoi s’agit-il et quels sont les enjeux de cette phase ? Il s’agit de renforcer les compétences des fresqueurs. Actuellement, ils acquièrent leurs connaissances par leurs propres moyens, via le MOOC et grâce aux questions que leur posent les participants lors des ateliers. Ces

Les fresqueurs doivent devenir des experts de la transition écologique, et plus seulement du climat. ”

connaissances portent principalement sur les enjeux climatiques. L’objectif est maintenant qu’ils s’approprient les notions liées à la transition écologique. L’idée n’est pas de créer des nouveaux contenus, mais d’exploiter les contenus de qualité qui peuvent exister par ailleurs. Mon objectif est de mettre en place un

mécanisme qui s’appuie sur la communauté des fresqueurs dans le but de collecter ces contenus, de les évaluer, de les filtrer, de déterminer s’ils doivent être obligatoires ou facultatifs et de les flécher dans le parcours du fresqueur. Il peut s’agir de vidéos, de rapports, de livres, de MOOC, etc.

La Fresque du Climat, un nouveau paradigme ? • Témoignage 167

Les fresques amies et les ateliers complémentaires pourront faire partie de ce parcours. On peut attendre d’un fresqueur ceinture orange qu’il ait déjà un certain nombre d’autres fresques de l’ écosystème à son actif. Un animateur qui connaît d’autres ateliers pourra faire valoir son expérience au moment de son passage de ceinture verte. Toutes ces actions permettront d’anticiper le moment où environ 10 à 30 % de la population d’un pays seront fresqués et où le mouvement s’essoufflera inévitablement. Les fresqueurs devront alors trouver d’autres activités et des façons de s’impliquer dans ce grand projet qu’est la transition. À un moment, le parcours du fresqueur deviendra d’ailleurs le « parcours du fresqué » et s’adressera à l’ensemble des participants. Vous avez quitté la présidence de l’association française au début de l’année 2024. Comment voyez-vous désormais votre rôle dans le projet ? En tant qu’initiateur du projet, je pense avoir un rôle incontestable à jouer dans la vision stratégique au sens large. Pas seulement en tant qu’auteur de la Fresque, mais aussi en tant que concepteur du modèle économique associé. C’est ce qu’on appelle le rôle de « personne-source », tel qu’il a été théorisé par Stefan Merckelbach dans l’ouvrage Un Petit Livre rouge sur la source 1 . La personne-source cumule trois fonctions : entrepreneur, guide et gardien des valeurs du projet. La personne-source est d’abord un « entrepreneur » ; elle prend des risques pour mener à bien un projet. Cette notion rejoint celle de l’urgence climatique et justifie d’avancer rapidement pour déployer la Fresque le plus largement possible. Cela implique qu’on aille parfois trop vite et qu’on fasse des erreurs et je l’assume. Le droit à l’erreur fait partie des fondamentaux de l’association. Je constate qu’aujourd’hui cette prise de risque tend à s’estomper et c’est normal. Dans toutes les organisations, les personnes qui prennent le train en marche sont souvent plus prudentes, moins innovantes, moins audacieuses, mais elles peuvent apporter autre chose. C’est nécessaire pour passer à l’échelle, mais l’efficacité et l’agilité du projet ne doivent pas être sacrifiées pour autant. Le « guide » est celui qui imprègne sa direction au projet au fil du temps. Dans un projet qui croît de + 400 % tous les ans, comme c’était le cas au

1. Aquilae, 2020.

168 LA FRESQUE DU CLIMAT

début, il est très difficile de se projeter au-delà de 6 mois. C’est pourtant ce que j’ai dû faire lors des étapes clés. Je n’étais évidemment pas seul. J’ai souvent proposé des idées et j’ai constaté que les personnes autour de moi adhéraient à la plupart d’entre elles. Le rôle de « gardien des valeurs » a également été le mien depuis le début. Ces valeurs, elles ont émergé de la communauté. J’ai juste capté l’énergie et la motivation des pionniers qui m’entouraient et verbalisé nos envies communes. En sont ressortis quatre principes fondateurs de l’association : l’urgence climatique, le respect de la science, l’humanisme et l’absence de tabou au sujet de l’argent (chapitres 1 et 5). C’est en quelque sorte le pacte fondateur de la Fresque du Climat. Qu’est-ce qui vous inspire l’espoir que l’on peut s’en sortir ? Je pense sincèrement que les meilleures idées pour sauver le monde vont venir de ceux qui pour le moment ne sont pas au courant qu’on a un problème. Pourtant, je déborde moi-même d’idées pour sauver le climat. Je travaille sur ce sujet depuis 15 ans. J’ai dirigé The Shift Project (chapitre 1) pendant 6 ans, j’ai donc été rémunéré à temps plein pour réfléchir aux moyens de décarboner l’économie, j’ai rencontré les plus grands experts et animé nombre de groupes de travail. Et malgré tout, je pense que les idées les plus novatrices viendront des nouvelles générations, qui prendront la relève quand nous aurons tout donné. Elles vont nous succéder avec plus de force, de fraîcheur et, pour partie, avec l’énergie du désespoir. Et pourquoi je pense que ces personnes qui arrivent vont réussir là où, pour le moment, nous souffrons ? Pour une raison très simple, statistique : elles sont beaucoup plus nombreuses ! Il est donc de notre responsabilité d’aller les chercher.

P O S T F A C E

par François Gemenne membre du Giec, professeur à HEC

Existe-t-il encore aujourd’hui une seule entreprise du CAC 40 qui n’ait organisé de Fresque du Climat pour ses employés, ses cadres ou ses administrateurs ? Chaque jour, je guette l’entrée de la Fresque du Climat dans les manuels de management d’entreprise, comme un élément essentiel de l’arsenal de tout dirigeant qui se respecte. En discutant avec mes collègues étrangers, je suis régu- lièrement frappé de voir combien le niveau de sensibilisation et de formation aux enjeux climatiques est souvent plus élevé en France que dans bien d’autres pays. Cela tient sans doute à plusieurs facteurs : à la réforme du programme du lycée et l’intro- duction de cours sur l’écologie dans la plupart des universités et grandes écoles, à la présence régulière dans les médias de figures militantes et de chercheurs, mais aussi, sans aucun doute possible, à la Fresque du Climat. Cette impression empirique, nourrie de conversations lors de colloques ou de réunions du Giec, est d’ailleurs confirmée par des études : plusieurs notions liées au changement climatique sont mieux maîtrisées par les Français que par les citoyens d’autres pays. Le succès de la Fresque du Climat se mesure aussi au nombre de ses petits : la Fresque de la Biodiversité, de l’Alimentation, des Frontières planétaires, de l’Eau, des Nouveaux récits, de l’Économie circulaire, des Déchets… Il y en a

170 LA FRESQUE DU CLIMAT

tellement que celui ou celle qui aurait participé à toutes les fresques serait désormais digne d’être élevé(e) à l’ordre national du Mérite. S’il existe autant de fresques et d’ateliers sur le climat, et plus globalement sur l’environnement, c’est parce que la Fresque du Climat s’est imposée comme un standard dans les formations sur l’environnement. Un moyen de comprendre l’essentiel en quelques heures. Car l’essentiel, souvent, n’est pas compris, ou pas bien compris… et n’a pas été enseigné. Si les programmes scolaires et universitaires font aujourd’hui la part belle aux questions environnementales, cela n’a pas toujours été le cas. Si chacun s’accorde à reconnaître que l’éducation est une des clés de la transition, nous sommes aussi tenus par l’urgence : nous n’avons simplement pas le temps d’attendre que celles et ceux qui sont jeunes aujourd’hui, et qui ont donc été formé(e)s à l’école ou à l’université sur ces questions, arrivent à des postes à responsabilités. La nécessité impérieuse de former celles et ceux qui exercent des postes à responsabilités s’impose maintenant. Et la Fresque du Climat a été un puissant vecteur de cette formation. Même si les militants réclament à cor et à cri que les dirigeants lisent les rapports du Giec, on comprend bien qu’il s’agit d’un vœu pieux et chimérique. Nul besoin, de surcroît, de maîtriser tous les ressorts de la physique du climat pour saisir les grands leviers d’action : la connaissance qu’offre la Fresque du Climat fournit le socle nécessaire à l’action. Car la connaissance est une condition nécessaire, mais pas suffisante : et c’est ici qu’il importe de reconnaître la limite inhérente de la Fresque, comme de toute entreprise d’enseignement ou de formation. Si l’action contre le chan- gement climatique reste aujourd’hui largement en deçà de ce que l’urgence et l’amplitude du problème commanderaient, ce n’est pas uniquement le fait d’un déficit de formation, mais aussi d’un manque de volonté. Il ne faudrait pas être naïf au point de penser que le déploiement massif de la Fresque, à lui seul, pourrait réduire les émissions de gaz à effet de serre. C’est un reproche qui a parfois été injustement adressé à la Fresque : la connaissance ne peut prétendre remplacer la volonté. Mais la volonté doit s’appuyer sur la connaissance pour être efficace, sans quoi elle sera vouée à l’échec, même avec les meilleures intentions du monde. Il importe désormais d’exporter la Fresque hors des frontières de l’Hexagone, particulièrement dans les pays où la connaissance des enjeux climatiques y est moins développée, ou non abordée dans les programmes scolaires et universitaires. Car si la Fresque a

POSTFACE 171

des limites, elle a aussi un formidable atout : sa capacité à s’exporter facile- ment, à se déployer n’importe où et à créer du lien. Quand le sixième rapport d’évaluation du Giec a été publié, en mars 2023, j’avoue avoir été estomaqué en découvrant les éléments de langage proposés pour communiquer avec les médias : on ne trouvait là que des notions assez basiques, connues de longue date, qui me semblaient peu susceptibles d’in- téresser les journalistes ou le public français. Je m’en suis ému auprès des attachés de presse, qui m’ont rappelé que les éléments de langage étaient destinés au monde entier. Et que bien des pays ne possédaient pas le niveau de connaissance et de sensibilisation sur le changement climatique atteint en France. C’est là, peut-être, que se trouve à la fois la plus belle reconnaissance de l’impact de la Fresque, mais aussi son plus grand défi.

Ils ont transformé l’essai : 22 témoignages

Comprendre les enjeux climatiques pour agir

l était une fois… la Fresque du Climat. Initiative française née du constat de l’inaccessibilité des données sur le réchauffement climatique, cet outil pédagogique aux 42 cartes s’est rapidement imposé comme un vecteur de sensibilisation et d’engagement . Que vous soyez salarié, représentant associatif, professeur, étudiant ou citoyen… la Fresque du Climat vous parle. Que dit-elle de notre modèle de société ? de nos priorités et de nos valeurs ? Quelles en sont les déclinaisons ? Et comment importer l’atelier ? Fondée sur la démarche Swarmwise, ou la sagesse de l’essaim, la Fresque connaît une croissance exponentielle en France comme à l’international. Un peu partout, d’autres initiatives s’inspirent de ce modèle pédagogique et économique . Parce qu’elle répond au besoin d’un nouveau schéma narratif dans un monde en quête de sens, la Fresque du Climat est avant tout une aventure humaine et écologique à partager. Ce guide illustré, enrichi de nombreux témoignages d’animateurs, d’entrepreneurs et de référents engagés en entreprise, vous offre : • Un aperçu complet de l’outil Fresque (origines, business model , développement en France et à l’international, modalités d’utilisation). • Une vision à 360 ° des enjeux climatiques. • Un mode d’emploi applicable à votre organisation (entreprise, administration publique, établissement d’enseignement, association, etc.). • Des exemples de projets de fresqueurs ou d’ initiatives connexes . • Des ressources pédagogiques : infographies, zooms techniques et glossaire des mots-clés. 3, 2, 1… prêts ? Fresquez ! En investissant trois heures dans cet atelier, sans le savoir, nous investissons dans l’avenir. La Fresque est un antidote à l’écoanxiété, une rampe de lancement vers des solutions pour le monde d’aujourd’hui et de demain. H eïdi S evestre , glaciologue

Journaliste depuis une vingtaine d’années, Julie Nicolas est notamment titulaire d’un master 2 « Climat et Médias » de l’ESJ Lille et Paris-Saclay. Animatrice de la Fresque du Climat, elle organise Julien Jean-Pierre est ingénieur de formation. Il s’est notamment spécialisé dans les énergies renouvelables et la rénovation énergétique, domaines qu’il a également traités Ingénieur, conférencier, coach et skipper, Cédric Ringenbach est l’auteur de la Fresque du Climat et le fondateur de l’association éponyme qu’il a présidée pendant cinq ans. Il a

régulièrement des ateliers dans des cadres associatifs comme professionnels.

en tant que journaliste. Sa formation à l’animation de la Fresque du Climat lui a inspiré son offre de conseil.

Développement durable/Management/ Stratégie également créé le cabinet Blue Choice, qui accompagne les entreprises dans la sensibilisation aux enjeux climatiques et sur les risques et opportunités de transition.

www.pearson.fr Également disponible en e-book ISBN : 978-2-7440-6853-9 6853 0624-01 24 €

Page 1 Page 2 Page 3 Page 4 Page 5 Page 6 Page 7 Page 8 Page 9 Page 10 Page 11 Page 12 Page 13 Page 14 Page 15 Page 16 Page 17 Page 18 Page 19 Page 20 Page 21 Page 22 Page 23 Page 24 Page 25 Page 26

Made with FlippingBook - professional solution for displaying marketing and sales documents online