FNH N° 1046

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ECONOMIE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 9 DÉCEMBRE 2021

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tuer de véritables pôles d’excellence médicale et être en mesure de concurrencer le secteur privé. Les partenariats publics-privés dont on parle depuis 10 ans doivent être activés, car ils constituent une solution aux carences en ressources humaines ou en équipements du secteur public. Pourquoi les médecins privés n’iraient-ils pas exercer au sein des hôpitaux ? Le problème de la faible présence, voire de l’absence des professionnels de la santé dans certaines régions et notamment les zones les plus enclavées, doit être réglé au nom de l’équité et du droit constitutionnel des citoyens d’accéder aux soins. F.N.H. : Comment peut-on optimiser les budgets ministériels pour satis- faire la demande des Marocains ? Et y a-t-il d’autres alternatives pour sou- lager l’Etat ? A. B. : Avant l’optimisation des budgets, on doit passer par une mise en place de méca- nismes de financement durables. A ce titre, le gouvernement a mobilisé dans la Loi de Finances 2022, en plus des 23,5 milliards de dirhams comme budget du ministère de la Santé, la somme astronomique de 51 milliards de dirhams pour l’extension de la couverture sanitaire universelle et la protection sociale. 55% de ce budget seront issus des cotisa- tions des adhérents et 45% versés par l’Etat à travers le principe de la solidarité sociale. Il va de soi que d’autres sources de finance- ment seront mises à contribution, telles que la taxation de certains produits, et notamment ceux qui ont un impact négatif sur la santé des citoyens (tabac, alcool etc.). Ou encore l’élar- gissement de l’assiette fiscale, en s’attaquant à un secteur informel qui a toujours échappé en très grande partie aux impôts et taxes. Aujourd’hui, l’Etat dispose de plus de don- nées socioéconomiques que par le passé et le projet de mise en place du Registre national de la population (RNP) et du Registre social unifié (RSU) permettra une meilleure approche des besoins et des contributions des diffé- rentes couches sociales. Le gouvernement est aujourd’hui plus outillé que jamais sur le plan juridique, financier et organisationnel, et notamment depuis la mise en place de 6 décrets relatifs à la généralisation de la protec- tion sociale. Ce cadre général est en mesure de garantir l’égalité d’accès à la santé dans le cadre de la justice sociale et de la reconnais- sance du droit de jouir d'une bonne santé. Il est clair que le projet de la généralisation de l’assurance maladie bénéficiera d’un suivi et d’une attention particulière de la part de Sa Majesté, que Dieu le glorifie, qui veillera à sa réussite. Ce projet aura des effets directs sur la population, en termes d’amélioration des conditions de vie. ◆

Evolutions des dépenses per capita en médicaments en dirhams/personne/an au Maroc (2000-2020)

484 497

500

451

432 424 414 419 434

408

372 375 388

400

342

TCMA : +2,8%

312

281

300

259

TCMA : +6,4%

220 217 234 240 246

200

TCMA : +4,6%

100

0

2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 2014 2015 2016 2017 2018 2019 2020

de la protection sociale.

la gouvernance ne suit pas, notre système ira droit dans le mur. La nouvelle gouvernance doit constituer une véritable rupture avec le passé. Elle doit faire appel, entre autres, à l’innovation et au recours aux nouvelles tech- nologies (digitalisation, partage des datas, intelligence artificielle, télémédecine etc.). Dans ce cadre, le recours à l’évaluation des technologies de santé (EST), appelée par les anglo-saxons Health Technology Assessment (HTA), est une approche multidisciplinaire qui étudie les implications technologiques, médi- cales, économiques, sociales et éthiques du développement, la diffusion et l’utilisation des technologies de santé. Ces derniers corres- pondent à des programmes, services et pro- duits de santé. L’objectif d’une évaluation des technologies de santé pourrait être l’introduc- tion d’une innovation, qui doit être étudiée par rapport à d’autres technologies actuellement appliquées, la suppression de technologies obsolètes ou l’incertitude concernant les tech- nologies couramment appliquées. L’évaluation des technologies de santé est devenue un outil incontournable d’aide à la décision lors de l’allocation des ressources en santé dans les pays développés, et de plus en plus dans les pays en voie de développement. Le respect du parcours de soins, l’application des bons tarifs référence et l’optimisation des budgets consacrés aux médicaments par un recours de plus en plus important aux médi- caments génériques et aux biosimilaires sont des impératifs. Il n’est pas normal que le secteur privé de la santé s’accapare 90% du financement mobi- lisé par l’assurance maladie obligatoire, ne laissant que des miettes au secteur public. Le secteur public de la santé doit retrouver sa véri- table place au cœur du système de santé. Nos hôpitaux ne doivent plus rester pauvres pour les pauvres, mais des hôpitaux forts et consti-

F.N.H. : Quel sera l’impact de la géné- ralisation de l’assurance maladie sur la consommation des médicaments ? A. B. : La généralisation de l’assurance mala- die, avec l’intégration de 22 millions de per- sonnes, aura indiscutablement un important impact sur l’accès aux soins, et notamment aux médicaments, et d’une manière générale sur le marché pharmaceutique. Quand l’assu- rance maladie obligatoire (AMO) a été mise en place en 2006, la consommation pharmaceu- tique a été remarquablement boostée. Le taux de croissance moyen annuel du volume de consommation per capita des médicaments a été doublé, passant de +2,0% entre 2000 et 2006 à +4,0% sur la période consécutive à la mise en place de l’AMO (2006-2020). Alors que l’impact de la baisse généralisée des prix des médicaments en 2014 a été à la fois réduit et surtout tardif (il ne s’est manifesté qu’en 2019 et 2020). En 2020, la consommation per capita des médicaments achetés en pharmacies n’a pas dépassé la moyenne de 11 boîtes par per- sonne et par an et la dépense per capita a été de 497 DH par personne (voir tableau). F.N.H. : La législation et le finance- ment de la santé sont là, mais qu’en est-il de la gouvernance ? A. B. : Au cours des années passées, les maux de notre système de santé ont bien été diagnostiqués et de bonnes solutions ont été proposées, le plus souvent sans suivi et sur- tout sans mises en œuvre. Notre système de santé n’a pas seulement souffert de problèmes de financement, mais aussi de problèmes de gouvernance. Avec la Loi des Finances 2022, la santé et la protection sociale sont enfin éri- gées en priorités nationales. Mais, si derrière

Les problèmes du Ramed sont dus en grande partie à un défaut de préparation et un ciblage très approximatif,

en l’absence de données

suffisantes sur la population économique- ment démunie.

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