RÉTROSPECT I VE 2015 YEAR I N REV I EW
3500 kilomètres dans les Appalaches
STÉPHANE LAJOIE stephane.lajoie@eap.on.ca
pris un bon trois jours pour accepter le fait que mon frère ne pouvait plus courir avec moi jusqu’au bout, a-t-il dit. Il a fallu que je réajuste mon approche, mais je savais que j’avais son appui. Quand tu es seul et que tu broies du noir, tu ne peux pas compter sur la motivation et les conseils des autres, tu dois avancer coûte que coûte. » Parcourir le Sentier des Appalaches à
Au 57e jour, Patrick Lalonde n’avait plus qu’une soixantaine de kilomètres à par- courir, mais la fatigue était telle que la fin semblait presque impossible. « Je pensais que j’aurais eu un boost d’énergie, mais je n’ai vu la lumière au bout du tunnel que durant les 10 derniers kilomètres, s’est-il rappelé. Les jambes raides, je faisais un pas en avant de l’autre, mais j’ai réussi à courir jusqu’au bout. » Durant son aven-
L’été dernier, les frères Patrick et Michael Lalonde, de L’Orignal, ont tout mis de côté pour un défi de 60 jours et 3500 kilo- mètres dans les Appalaches. Si Michael a dû accrocher ses souliers après une quinzaine de jours sur le sentier en rai- son d’une blessure, Patrick a quant à lui réussi l’exploit de l’année en complétant le parcours en 57 jours. « Durant la première semaine, il y avait beaucoup de montagne et le genou de Michael est devenu très enflé en raison des montées et des descentes fréquentes, a indiqué Patrick Lalonde. Nous avons alors pris une journée de repos, mais quand tu cours 14 heures par jour, ça fait partie de la game. Après dix jours, nous étions déjà trois jours en retard sur notre itinéraire et avec le millage et la fatigue, certaines par- ties du parcours ont été difficiles au niveau psychologique. Aussi, une journée, j’ai été déshydraté et j’ai souffert dans ma tente en plus du fait que je me suis fracturé le pied le troisième jour. » De la Nouvelle-Angleterre à la Géor- gie, le Sentier des Appalaches est reconnu pour sa beauté, et de nombreux ouvrages de randonneurs célèbres ont été publiés depuis l’ouverture de la première section dans les années 1920. Mais c’est sous les éclairs et la pluie que les deux frères se sont laissés et que Patrick a continué sa route pour relever le grand défi. « Ça m’a
la course est une expé- rience drainante, phy- siquement et mentale- ment. Le sentier n’est pas une belle piste et les randonneurs doivent avancer à travers les racines, les roches et les escarpements qui n’en finissent plus. Avec
« Mais si c’était une grande expérience en solitaire, j’ai rencontré une quarantaine d’ours sur le sentier, dont un énorme ours noir qui déchirait un tronc d’arbre en deux pour se nourrir. »
ture, Patrick Lalonde a rencontré d’autres randonneurs, dont l’ultramarathonien Scott Jurek, qui a établi un nouveau record de 46 jours, 8 heures et 7 minutes
l’appui de sa famille pour le ravitaillement, Patrick a combattu la fatigue pour conser- ver son rythme de croisière et accumuler les kilomètres. Une portion dans le Maine au début du voyage a été particulièrement difficile, une pluie diluvienne ayant alors transformé le sentier en route de boue aux racines dangereuses pour la course. Les roches pointues de la Pennsylvanie ont aussi été une frustration, ralentissant l’ath- lète dans son défi. Malgré les difficultés, le sentier est un endroit unique où la nature peut être observée dans toute sa splendeur, un plaisir qui vaut toutes les ecchymoses du randonneur. « Je l’avais déjà fait en pratique, mais le New Hampshire, avec ses montagnes, me touche au coeur car ça me fait penser à l’Ouest, avec de vraies montagnes au-des- sus de la cime des arbres, s’est-il rappelé. Le Sud de la Virginie, avec des grosses buttes et de l’herbe longue à perte de vue, c’était quelque chose à voir également. »
sur le sentier, retranchant 3 heures et 13 minutes à l’ancienne marque. « Nous sa- vions qu’il était sur le sentier et qu’il faisait le parcours dans l’autre sens. Nous avons pu lui parler un petit 30 secondes avant de monter le Mont Washington. Super cool comme expérience de rencontrer un gars dont courir est son métier. » Enfin, la course des Appalaches a aussi permis d’amasser plus de 2500 $ pour l’As- sociation canadienne du diabète et leur camp jeunesse, une cause qui tient à cœur aux deux frères. Le défi a été des plus exté- nuants et retrouver la motivation pour les tâches quotidiennes et un équilibre d’éner- gie s’est fait graduellement. Aujourd’hui, Patrick Lalonde relève un autre défi, celui d’ouvrir sa nouvelle clinique de physio- thérapie dans son patelin de L’Orignal, tandis que son frère Michael continue de vivre ses passions pour l’enseignement et la photographie. Même s’il n’a pas été en mesure de courir le Sentier des Appalaches au complet, Michael Lalonde a tout même réussi à grimper jusqu’au sommet du mont Katahdin, qui est, avec ses 1606 mètres, la plus haute montagne de l’état du Maine.
Le sentier accidenté des Appalaches avec ses roches et racines.
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