Carillon_2017_05_11

Métier : barbier… depuis 60 ans

MAXIME MYRE maxime.myre@eap.on.ca

Michel ‘Blackie’ Lenoir est barbier depuis plus de 60 ans. Né à Montréal en 1938, il déménage avec son père, lui aussi barbier, à Hawkesbury dans les années 1940 et commence à cirer des souliers dans le commerce de son père, près de la rue Hampden, sur la rue Principale. C’est son grand-père, Théophile, qui a inspiré deux autres générations après lui à devenir barbier. Théophile Lenoir est décédé à un jeune âge et a forcé la grand-mère deMichel Lenoir à placer ses enfants chez les tantes et les oncles de ceux-ci. C’était à l’époque de l’épi- démie de grippe typhoïde. C’est la tante de son père qui a payé ses frais de scolarité afin qu’il puisse apprendre lemétier de barbier, tout comme son propre père. À la sortie de l’école, Théodore Lenoir décrocha un poste de barbier dans un salon situé dans la gare centrale de Montréal. C’était pendant la Deuxième Guerre mondiale. « Il a dû y avoir des milliers de personnes par jour qui passaient là et dans ce temps-là, il n’y avait pas de bonnes lames de rasoir disponibles dans les magasins. Tous les hommes se faisaient faire la barbe. Alors tu peux t’imaginer que mon père, en sortant de l’école, a appris assez rapidement son métier ! », a expliqué Michel Lenoir, sur- nommé Blackie, qui a aujourd’hui 78 ans. Lamère deMichel Lenoir est décédée en 1939, alors qu’il n’avait qu’un an, en raison de problèmes après l’accouchement, liés à sa condition, le rhumatisme inflammatoire. Elle était sportive et n’était pas censée avoir d’enfants. Quand elle avait accouché de sa sœur, tout s’était bien déroulé. Mais quand elle a accouché de M. Lenoir, c’était trop pour son corps. Elle est décédée un an après

Le père de Michel Lenoir, Théodore Lenoir, à droite, et M. Lenoir, chandail rayé, alors qu’il cirait des chaussures pendant que son père coupait les cheveux de ses clients. En mortaise, M. Lenoir aujourd'hui. —photo Maxime Myre

sa naissance. Quelques années plus tard, en 1947, son père rencontre une femme de Hawkesbury et décide de venir y vivre et de s’installer dans l’est de la ville, près de la rue Hampden. « C’était un gars qui avait beaucoup de cha- risme et il s’est fait bien des amis. Il était très populaire et il avait trois chaises avec un roulement incroyable. J’en ai ciré des souliers dans cette bâtisse-là ! » Michel Lenoir passait ses journées au salon de son père à cirer les souliers de ses clients. Alors adolescent, il informe ses parents qu’il ne veut plus aller à l’école. Pour son père, il était impératif que son fils ne traîne pas les rues à ne rien faire. Il l’envoie

donc à l’école commerciale deMontréal où il apprendra à son tour le métier de barbier avec son frère Raoul. Neuf mois plus tard, à sa sortie de l’école, son père n’a malheu- reusement pas de place pour lui et Michel Lenoir ne veut pas trop insister, car l’employé de son père, Roland, est un excellent barbier. « Quand j’étais jeune, il y avait un garçon, Roland, qui était sourd et muet. Il coupait les cheveux des autres jeunes dans l’orphelinat. Mon père lui a donc donné une job dans son salon. Il communiquait en tapant du pied pour avoir son attention, pour qu’il puisse lire sur les lèvres. Rolland a été avec mon père pendant des années et était un excellent barbier. » C’est pourquoi Michel Lenoir s’est pro- mené, vers la fin des années 1950 et début 1960, entre St-André-Avelin et Cornwall. Ce n’est qu’à la fin des années 1960 que Roland décide de se lancer lui-même en affaires dans la région de Pointe-Claire. Michel Lenoir peut finalement rejoindre son père dans son commerce, toujours sur la rue Principale dans l’est de la ville. « De 1967 à 1980 ont été de très belles années. Malheureusement, mon père est tombé très malade et il ne voulait pas laisser l’hypothèque à sa femme. Il a donc dû vendre son commerce à unmonsieur Charbonneau. QuandM. Charbonneau a pris le commerce, il m’a gardé et on s’entendait bien. Mais peu de temps après, je voyais qu’il voulait me laisser aller. Il avait commencé àme rendre la vie dure. J’ai donc quitté. Le lendemain je me suis mis une chaise dehors et je me suis branché chez le voisin. J’ai coupé des cheveux drette en avant de son commerce. Il n’était pas content, mettons ! » Peu de temps après, en 1987, Michel Lenoir prend domicile coin Higginson et William, où il y est encore, tous les matins à 7 h 30, prêt à recevoir sa douzaine de clients

chaque jour. « Dans les années 1990, les coiffeuses, qui autrefois ne coupaient que les cheveux des femmes, ont commencé à couper les cheveux des hommes. Ça a pris du temps avant que les hommes optent pour les coif- feuses. Ce qui a fait le plus mal au début, ce sont les femmes qui amenaient leur fils chez la coiffeuse. Avant les pères arrivaient avec trois ou quatre petits gars et on pouvait passer unematinée à faire juste une famille. Aujourd’hui je suis venu à bout deme refaire une clientèle avec les gens de mon âge. Je survis en ce moment et si le Bon Dieu le veut, j’aimerais bien me rendre à 80 ans. À ce moment-là, je tirerai ma révérence. » Au cours de ses 60 années comme barbier, il a vu sa ville d’adoption changer drasti- quement. « Il n’y avait pas de taxes de vente en Ontario, alors plein de gens du Québec venaient faire leur magasinage ici, et là. Tu te bâtissais une clientèle. La ville vibrait dans le temps. Les bars des deux côtés de la rivière roulaient. On était tassé comme des sardines là-dedans. » Selon lui, les jeunes d’aujourd’hui sortent de l’école et ont de la difficulté à occuper leur temps. « Ils veulent tous faire 100 000 $ par année, mais ne veulent pas travailler pour se rendre là. Ils ont honte des petites jobs. Mon grand-père, mon père et moi-même, nous avons toujours été fiers de notremétier. C’est ça qu’il faut expliquer aux jeunes. Trouvez- vous un métier que vous aimez et faites-le fièrement. » Michel Lenoir est fidèle au poste tous les matins de la semaine, dès 7 h 30, pour servir une clientèle qui s’évapore, mais qui reste toujours fidèle. « J’ai encore des clients, très âgés aujourd’hui, qui font 25 minutes de char pour venir se faire couper les cheveux ici. J’ai grandi et vieilli avec eux. »

Publié le jeudi par : La Compagnie d’édition André Paquette Inc. Imprimé par : Imprimerie Prescott et Russell, Hawkesbury, ON # convention : 0040012398

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Le Carillon, Hawkesbury ON.

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Le jeudi 11 mai 2017

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