«Tout à coup, ça m’a pris. C’était encore plus grand qu’une passion.» Charly Wuilloud Bâtisseur de murs en pierres sèches
L La vie de Charly Wuilloud, guide et ingénieur de formation, a été celle d’un homme d’action, faite de situations d’urgence, de relations humaines innombrables et souvent bouleversantes. Lorsque la perspective de la retraite s’est dessinée, il a pris le taureau par les cornes : « Je me suis préparé pendant presque une année à cette échéance, à être seul. Il me fallait une occupation. Alors, comme en famille on a de la vigne et des murs, j’ai commencé par suivre un cours de cinq jours à l’Ecole d’agriculture du Valais, sur l’entretien et le montage des murs en pierres sèches. Ensuite, sur le terrain, je n’ai d’abord fait que d’enlever des lierres. Et j’ai découvert, derrière ces lierres, des murs qui avaient mauvaise mine. Alors j’ai commencé à les rebâtir et là, tout à coup, ça m’a pris, c’était encore plus grand qu’une passion. C’est presque devenu une drogue. » Dès lors, Charly Wuilloud arpente les routes et les chemins à vélo. Il repère les pierres avec lesquelles il va bâtir ses ouvrages, vient les re- chercher en voiture pour les placer ensuite au bon endroit, dans le mur ou la construction qu’il édifie.
DES CAILLOUX « SOCIAUX » En homme de terrain, le bâtisseur aime les comparaisons concrètes. A ses yeux, les pierres sont comme les individus d’une société, il y en a de toutes sortes : « Certaines doivent tenir des rôles modestes à l’arrière et d’autres peuvent être mises avantageusement sur la face frontale du mur. » Et pourquoi dit-on mur en pierres sèches ? Réponse de l’intéressé : « Parce qu’il n’y a que de la pierre. Pas de sable, pas d’eau, pas de ciment, rien du tout. On entasse ces pierres les unes sur les autres et elles se tiennent entre elles, comme un grand puzzle en trois dimensions. » Les avantages d’un mur en pierre par rapport à un mur en béton sont clairs pour Charly Wuilloud. Outre le gain esthétique, les pierres laissent passer l’eau. Elles ne lui font pas barrage, ce qui évite que l’eau et la terre trempée n’exercent une pression sur le mur. Cela freine l’érosion et contribue à expliquer la durée séculaire de ces ouvrages. Charly Wuilloud construit et entretient des murs de soutènement pour les vignes, mais il a aussi bâti une guérite, des terrasses, des es- planades imposantes. Dans la création de ces ouvrages, il estime que chaque caillou a son utilité : « Les pierres constituent une partie de notre monde et c’est frappant dans nos Alpes. Les agriculteurs les ont sorties de la terre pour édifier leurs cultures, en vivre. Je dirais que chaque caillou a sa raison d’être et je reste sans voix devant ces murs qui peuvent monter jusqu’à 28 mètres ! »
▼ Malgré leur robustesse, les murs en pierres sèches subissent des déformations au fil du temps. Il est donc parfois nécessaire de les réparer en comblant leurs failles.
avril 2024 - èremagazine 20
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