DU CANTONNIER AU CONSEILLER FÉDÉRAL Dans son existence, Charly Wuilloud a eu la chance de faire ce qui le passionnait. Bien avant de travailler la pierre dans la région de Mont d’Orge au-dessus de Sion, sa profession l’a comblé. Enfant, il se rêvait glaciologue. Il est parti deux fois en expédition au pôle Nord, avant de décider de changer d’orientation et de se former comme ingénieur forestier (à l’EPFZ) et comme guide de montagne. De retour en Valais, il se voit confier la charge de la ges- tion des dangers naturels du canton : chutes de pierres, éboulements, laves torrentielles, chutes de glace et bien sûr les avalanches. Une fonction qu’il exercera pendant trente ans : « C’était d’une grande richesse sur tous les plans, j’avais des contacts qui allaient du cantonnier au conseiller fédéral. » Dans sa nouvelle vie active, le terme de dan- gers naturels prend un autre sens. « Le danger le plus grand, c’est la pierre qui peut tomber sur les pieds ! Alors il faut toujours prendre de bonnes chaussures et faire bien sûr aussi attention à ne pas se coincer les doigts ! ». Et quel équipement nécessite ce travail ? Peu de choses, en fait. Le sac à dos de Charly ne contient qu’une petite massette qui lui sert parfois à tapoter un caillou ou l’autre pour mieux le caler dans l’ouvrage : « Certaines personnes, pour faire leurs murs, vont cher- cher leurs pierres dans une grande carrière, des blocs qui ont déjà été formatés. Moi je me sers des pierres qui sont ici. Je ne prends pratiquement jamais une pierre qui a déjà été travaillée. »
▲ Le canton du Valais comporte quelque 3000 km de murs en pierres sèches. Soit la distance de Genève à Antalya en Turquie !
PLUSIEURS TONNES PAR JOUR Et physiquement ? A 74 ans, Charly Wuilloud ne se prend pas pour Obélix, infatigable li- vreur de menhirs, et il concède que son tra- vail demande quelques efforts : « C’est assez dur, surtout quand on a de grands blocs. Ça représente plusieurs tonnes par jour. En fait, chaque pierre que j’utilise, pour bâtir un mur par exemple, je dois la soulever quatre ou cinq fois : une fois pour la sortir de son pierrier, une fois pour la charger sur une brouette, ensuite il faut l’amener jusqu’à l’ouvrage, l’enlever et la remettre plusieurs fois jusqu’à ce qu’elle se cale correctement. » Enfin, quel regard Charly Wuilloud porte-t-il sur l’ensemble de son travail ? « Quand je re- garde ce que d’autres que moi ont fait, les murs qu’ils ont montés pour pouvoir survivre économiquement avec leurs cultures, je trouve extraordinaire ce qu’ils ont réalisé. Alors quand je vois ce que je fais moi, je me dis que c’est une petite goutte d’eau dans la mer, mais que c’est au moins une goutte. »
LA CONSTRUCTION DES MURS EN PIERRES SÈCHES, À DÉCOUVRIR EN VIDÉO
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èremagazine - avril 2024 21
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