CARDIO H - N°71 / OCTOBRE 2025
de faire des événements emboliques ayant une fibrillation atriale préclinique de plus de 6 minutes. Sur le critère d’ef- ficacité, c’est-à-dire la prévention du risque d’accident vasculaire cérébral ou de mort d’origine cardiovasculaire ou embolique, cette étude a été négative. C’est-à-dire qu’à priori selon ces résultats, il n’y a pas d’intérêt à introduire de l’edoxaban dans cette population, avec en plus une aug- mentation significative du risque hémorragique dans le groupe edoxaban. Dr UHRY : Donc une étude plutôt en défaveur d’anticoaguler les pa- tients qui font de la FA infraclinique, c’était 6 minutes c’est ça ? Dr AUQUIER : De plus de 6 minutes oui. C’est une étude qui a été arrêtée de façon prématurée, elle n’a duré que 21 mois par rapport à ce qui était prévu initialement à cause de ses résultats. Et puis quelques jours plus tard, une autre étude designée de façon relativement proche, essayant de répondre à la même question, a donné des résultats totalement opposés. Il s’agit de l’étude ARTESIA, dont les critères de jugement et de sé- curité étaient un peu différents, puisqu’il n’y avait pas l’éva- luation de la mortalité cardiovasculaire dans l’efficacité et il n’y avait pas l’évaluation de la mortalité globale dans le critère de sécurité. Cette étude, elle, revient positive, c’est- à-dire qu’elle voit un avantage à introduire un traitement anticoagulant direct par Apixaban dans la prévention du risque thromboembolique chez les gens présentant une fi- brillation atriale préclinique. Cela se paye toujours par un surrisque hémorragique mais le bénéfice a priori est pré- sent. Dr UHRY : Est-ce qu’il y a des recommandations 2024 concernant la prise en charge des patients qui font de la FA infra clinique ? Dr AUQUIER : Effectivement l’European Society of Cardiology de 2024 s’est intéressée à ce sujet. Ce n’est pas une description ex- trêmement importante, puisque de mémoire c’est unique- ment deux paragraphes. Le texte explique la limite des deux études et en corollaire nous n’avons qu’une seule recom- mandation dans cette catégorie. C’est une recommandation relativement faible, puisqu’en 2B, qui nous autorise après
avoir bien pesé le rapport bénéfice/risque à introduire un traitement anticoagulant direct en cas de fibrillation atriale préclinique détectée sur un matériel implanté. Dr UHRY : Dans ta pratique clinique quotidienne, comment fais-tu pour savoir si tu en vas anticoaguler un patient ? Dr AUQUIER : C’est assez compliqué il faut l’avouer, notamment quand on a de la télésurveillance, ça fait appel à une petite organisa- tion. Premièrement, il faut bien avoir conscience qu’on n’a pas de réponse absolue et ça il faut bien le préciser dans les courriers. C’est à dire qu’on peut se tromper et je pense que c’est important de le préciser. A titre personnel, je prends des éléments de repère qui sont clés : - L’un d’entre eux est la durée des événements, puisque tout événement qui est inférieur à 6 mi- nutes ne doit pas être considéré à mon sens et globalement c’est le seuil des 24 heures sur des données d’études cliniques qui m’amènerait plu- tôt à envisager l’introduction d’un traitement an- ticoagulant. - Deuxièmement c’est le score CHA2DS2-Vasc. On sait que l’on ne peut pas l’appliquer tel que, comme on l’a dit, sur la population de la fibril- lation atriale préclinique. Cependant, ce qui semble évident c’est que les CHA2DS2-Vasc ex- trêmement bas (disons moins de 2) n’en béné- ficieraient pas. Donc là je n’envisage pas l’intro- duction d’un traitement anticoagulant direct. A contrario le CHA2DS2-Vasc extrêmement élevé, à plus de 4 par exemple, semblerait véritablement en bénéficier. - Et pour toute personne qui est dans une situation inter- médiaire par rapport à ce que j’ai expliqué, eh bien c’est un peu du cas par cas, en évaluant son risque hémorragique, son autonomie, son indépendance, etc...
Dr UHRY : Je te remercie Nathanaël pour cet échange.
49
Made with FlippingBook. PDF to flipbook with ease