UGAG 100 ANS

UGAG

100 ANS

U NION DES G UYANAIS ET DES A MIS DE LA G UYANE

Lemot du Président

Chers amis,

En cette année 2025, l’UGAG Union des Guyanais et Amis de la Guyane, fête son 100 ème anniversaire.

En 1981, elle a succédé au Capitaine Bureau qui lui-même, en 1948, a remplacé Gaston Monnerville.

Si cet évènement manifeste la solidité et la longévité de notre asso- ciation, il n’administre pas moins la preuve que cette dernière a été aussi en mesure de se remettre en cause et de se renouveler, de se réinventer et de se moderniser, pour mieux affronter les défis de chaque époque. Il est vrai que l’UGAG, que je préside depuis main-

Je suis actuellement en pourparlers en vue d’une reconnaissance d’Henriette Dorion-Sébéloué dans la ville-capitale mais aussi à Ouanary, sa commune natale. Dans un esprit de continuité et d'innovation, nous irons encore plus loin sur les pistes qu’elle a tracées au cours de ce demi-siècle et engagerons, bien entendu, de nouveaux chantiers.

tenant trois ans, tient sa particularité dans l'engagement sans faille de ses bénévoles, ces femmes et ces hommes qui, jour après jour, donnent de leur temps et de leur énergie. Ils incarnent les valeurs fonda- mentales de défense de l’image de la Guyane qui nous sont si chères. Je voudrais ici leur exprimer ma profonde reconnaissance ainsi que ma gratitude. Je voudrais surtout remercier dans ces colonnes la quinzaine de “compatriotes” qui se nommaient Benjamin, Darredeau, Gaillot, Le Boucher, Plumet, Thémire,

Pour autant, nous considérons que celui de l'attractivité de notre territoire reste et demeure d’une actualité criante. L’image de la Guyane, comme chacun sait, laisse encore à désirer. Nous devons travailler à son amélioration. C'est une priorité qu’il nous faut assumer pleinement.

René Maran, l’écrivain guyanais qui a rem- porté le Prix Goncourt en 1921 avec

Magallon, Dufougère, Pressig, Hérard, Médan, Boursier : réunis, dans l’Hexagone, sous la présidence d’Eugène Lautier, alors Député de la Guyane, ils ont lancé, il y a 100 ans, la création de l’UGAG, avec l’objectif de soigner l’attractivité de la Guyane. C’est pourtant à Henriette Dorion-Sébéloué que nous pensons spontanément chaque fois que nous évoquons l’UGAG. Il est tout aussi vrai qu’elle a présidé notre association pendant 40 ans.

Batouala , nous exhortait en 1950 à « faire un effort de réflexion (…) pour arriver à voir un peu plus clair dans les persistantes difficultés qui enserrent la Guyane ». Ces lignes sont encore d’actualité. René Maran poursuivait et écri- vait que « derrière la Guyane d’aujourd’hui » il ne s’agissait pas moins que « de faire apparaître les linéaments de la Guyane de demain». L'UGAG, on le voit, a encore de belles pages à écrire.

François du Boulay

UGAG - 100 ANS

P AGES 23-28 I NTERVIEW P HILIPPE M ARTIAL P AGES 29-34 D E G RANDS H OMMES E DITÉ POUR LE COMPTE DE L ’UGAG PAR O DYSSAIR L TD

Interviews, textes & photographies Jean-Emmanuel Hay jeh.anolis@gmail.com +33 6 72 59 30 13

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P AGES 3-4 I NTRODUCTION P AGES 5-16 H ISTORIQUE ET M ISSIONS P AGES 17-22 I NTERVIEW R AOUL B RIOLIN

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Enguise d’introduction

J’ai rejoint l’Union des Guyanais et des Amis de la Guyane en 2025, c’est tout récent ! L’association fête ses 100 ans, je trouve que c’est un bel âge pour prendre un nouveau souffle. Un siècle ! La Guyane faisait encore partie de l’empire colonial fran- çais lors de la naissance de l’UGAG. En 1925, le monde de l’entre -deux-guerres laisse entrevoir combien la route sera longue et pénible, et combien les hommes politiques de l’envergure de Gaston Monnerville sont rares pour faire valoir les valeurs de res- pect des peuples. En 1925, Les accords de Locarno sont signés par plusieurs pays d'Europe, dont l'Allemagne, afin d'éviter une nouvelle guerre, paraît-il. En 1925, en Guyane, un arrêté promulgue le décret du 25 juin 1925 “portant création à la Guyane française d’un certificat de capacité correspondant au baccalauréat métropolitain.” En 1925, à Washington, 35 000 membres du Ku Klux Klan paradent sur la Pennsylvania Avenue, en face de la Maison-Blanche, vêtus d'une cape blanche et à visage découvert. En 1925, une troupe d'acteurs noirs venus d'Amérique débarque à Cherbourg. Une certaine Joséphine Baker en fait partie. Elle sera dévoilée au sens propre comme au sens figuré dans la Revue Nègre , au Music-Hall des Champs-Elysées : ce sont les Années Folles à Paris, une sorte de frénésie qui tente de faire oublier la Première Guerre mondiale, ses atrocités et la dette terrible qu’a maintenant la France vis-à-vis des Etats-Unis. Plusieurs voix suggèrent au gouvernement français de vendre ses colonies aux Américains : « À défaut d'argent, nous avons, si je puis dire, des immeubles : nos colonies » , écrit le 26 juin 1925 Claude Farrère dans les colonnes du quotidien La Petite Gironde. « Il est bien entendu, ce disant, je ne parle ni de nos colo- nies africaines… ni de notre Indochine. Je parle, pour bien préciser, de nos colonies d'Amérique et rien que d'elles. » 1958 : plus question de vendre la Guyane, devenue un départe- ment français, sous l’impulsion de Gaston Monnerville, douze ans auparavant. Voici des extraits de ce qu’écrit François Pinardel dans son Atlas de géographie destiné aux classes de troisième (Les Editions de L’Ecole, 1958): “La Guyane est, comme les Antilles, une de nos plus vieilles colonies occupée dès 1604… Sans être aussi malsain qu’on le dit, le climat est déprimant pour les Blancs, sur-

tout à la saison des pluies, où les insectes pullulent… La Guyane, le moins peuplé des territoires d’Outre-Mer (moins d’un habitant pour 3 km 2 ) et n’a que 28.000 habitants… La population com- prend des Indiens, des Noirs venus des Antilles, quelques Nord- Africains et Chinois. Les Européens sont peu nombreux… La capi- tale est Cayenne, petit port mal équipé ; autre centre : Saint- Laurent-du-Maroni, où se trouvait le pénitencier (la déportation est supprimée)… La Guyane forme un département français (carte extraite du manuel, ci-dessus). Elle est victime de son éloignement et du mauvais renom que lui a valu le bagne. Les voies de commu- nication sont insuffisantes : une seule route reliant Cayenne à Saint-Laurent ; pas de voie ferrée ; les transports se font en pirogue à l’intérieur… Résumé : Les territoires d’Amérique sont les lambeaux de nos anciennes possessions.” Pour moi qui ne suis pas membre guyanais de l’UGAG, mais ami de la Guyane, où j’ai souvent séjourné, longuement depuis une vingtaine d’année, passionné par ce territoire que j’aime, et par ses peuples, cette description de la Guyane par François Pinardel est une bonne illustration (et elle a contribué par sa propagande sco-

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laire à la propager) de la manière dont la France envisageait la Guyane à cette époque. Mais là où son texte devient le plus cho- quant à mes yeux, qui n’ai pas connu cette époque, c’est lorsqu’il évoque les voies de communication de la Guyane. Nous sommes en 2025 et peu de choses ont changé depuis 1958 ! C’est dire si la mission de l’UGAG, faire évoluer la perception faussée qu’ont les gens de la Guyane, se poursuit dans des conditions parfois difficiles lorsqu’on connait la réalité du terrain. En 1958, l’Union des Guyanais et des Amis de la Guyane avait déjà 33 ans ! Née sous l’impulsion de Guyanais soucieux de venir en aide à leurs compatriotes, à une époque où quitter la colonie pour la métropole était un moment compliqué de séparation d’avec sa famille, sa culture, son monde, pour se retrouver dans un univers totalement différent, où l‘on perdait facilement ses repères, où nombreux sont ceux qui auraient connu la précarité, sans la soli- darité de ceux qui les avaient précédés, l’UGAG a eu un rôle fonda- mental d’accueil et d’intégration pour certains, elle a été vecteur d’épanouissement culturel pour d’autres, loin de leur terre de naissance. En regroupant les membres de la communauté guya- naise “expatriée”, elle a aussi offert aux uns et aux autres des pers- pectives de retour au pays (lors des vacances et pour revoir des proches, ou définitif) en négociant des tarifs aériens plus avanta- geux pour ces groupes. Le lien social et fédérateur de l’association a pu s’épanouir grâce à deux personnes en particulier (accompa- gnées de nombreux autres membres, plus ou moins actifs… ima- ginez, sur une période de 100 ans !) : Gaston Monnerville, Président d’honneur ; ses fonctions au plus haut niveau de l’Etat français ont été un levier dont il a usé sans modération pour l’as- sociation, bien qu’étant très pris dans le cadre de ses responsabi- lités. C’est la raison de sa forte présence dans ce document, et des nombreuses photos où vous verrez des membres de l’UGAG poser devant son buste, Esplanade Gaston Monnerville, face au Sénat et aux Jardins du Luxembourg, à Paris. L’autre personne qui a fait de

l’association ce lieu de rassemblement, sur le plan social, mais aussi culturel et festif, fut Henriette Dorion Sébéloué, Présidente de l’UGAG de 1981 à 2021. Ces quarante ans à la présidence, ils sont nombreux à s’en souvenir et à lui rendre hommage aujourd’hui. Elle a instauré la Fête de Cayenne et organisé le premier carnaval guyanais à Paris. Elle était avocat, comme Gaston Monnerville, et partageait son humanité. Bien qu’étant peu encline à déléguer, elle a réussi à développer un réseau étonnant, tant par sa pluralité que par sa diversité sociale. Lorsque le Président, François Du Boulay, m’a demandé de mettre en place ce document, pour célébrer les 100 ans de l’UGAG, j’étais loin d’imaginer où mes pas m’entraineraient. J’ai rencontré des personnes exceptionnelles, mis en place un laborieux de travail de recherche, soutenu par Eliette Golintin, vice- présidente, et Sonia Cippe, secrétaire de l’association, dépoussiéré des archives oubliées, et découvert Gaston Monnerville. Comme la plupart des personnes de ma génération, je ne le connaissais que de nom. J’ai “rencontré” (ayant eu la chance d’interviewer des membres qui l’on bien connu) un homme politique impression- nant, humain, avec ses convictions propres et ouvert aux idées des autres, enfin un homme politique qui joignait l’action à la parole, avec courage ; franc-maçon et admirateur de l’Abbé Grégoire ; reconnaissant envers Victor Schoelcher et admiratif face à Félix Eboué, qui l’avait impressionné lors d’un passage en Guyane, lorsque le professeur avait présenté l’ancien à ses jeunes élèves cayennais. Le même Félix Eboué, que des années plus tard, à la veille de la Seconde Guerre mondiale, Gaston Monnerville convain- cra de se rendre au Tchad, d’où il partira un jour, à la tête de l’ar- mée coloniale, pour libérer la France. C’est toute cette richesse historique, ces témoignages plein d’hu- manité et de souvenirs, qui permettent d’envisager l’avenir de l’UGAG avec sérénité. Jean-Emmanuel Hay

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Le pont Solidaire, Historique & Culturel Interviews & texte - Jean-Emmanuel Hay -Photographies : archives UGAG & Jean-Emmanuel Hay

Paris Union des Guyanais

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quinzaine de personnalités issues de divers milieux (médecins, avocats, ingénieurs, industriels, dentistes et fonctionnaires, dont plusieurs décorés de la Légion d’honneur), officialisent la créa- tion de l’association. Elle est déclarée à la Préfecture de Police le 25 avril 1925 et marque sa première manifestation publique le 16 mai 1925 à l’Hôtel des Ingénieurs Civils. La même année, elle organise son premier banquet le 29 octobre et un grand bal le 22 décembre, affirmant ainsi sa volonté d’exister sur la scène pari- sienne. En cette fin d’année 1925, Gaston Monnerville rejoint le comité de l’UGAG. Dès sa fondation, l’UGAG se fixe plusieurs objectifs majeurs, comme apporter une aide aux anciens combattants et aux malades, renforcer les liens de solidarité entre Guyanais vivant en métropole, redorer l’image de la Guyane, ternie par l’héritage du bagne colonial. Grâce à la notoriété de ses membres et à leur influence sociale et politique, l’UGAG s’impose rapidement comme un espace de représentation pour la communauté guyanaise en France métro- politaine. Dans les années 1930, l’association évolue en intégrant de nou- velles structures : en 1932, elle donne naissance à l’Union des Étudiants Guyanais (U.E.G.) et en 1933, elle adhère à la "Province de Paris". En 1934, le gouverneur Juvanon succède au président Lejeune et dirige l’association jusqu’à la veille de la Seconde Guerre mondiale, moment où le gouverneur Merwart prend la relève. Pendant la guerre, l’UGAG. entre en sommeil administra- tif, mais poursuit ses activités d’entraide. Elle distribue des aides aux anciens combattants, aux prisonniers coloniaux, aux étudiants guyanais et aux institutions de santé en Guyane.

Lorsque je me suis retrouvé face aux archives de l’UGAG, j’ai eu du mal à cacher ma déception : cent ans d’Histoire étaient entre mes mains, mais rares furent les éléments exploitables. L’iconographie, en particulier, était presque inexistante. De nom- breuses interviews des membres les plus anciens de l’association furent nécessaires. Souvent l’on m’a dit : “Je vais essayer de me souvenir, c’était il y a bien longtemps”, tant il est vrai que l’âge d’or de l’Union des Guyanais et des Amis de la Guyane est lié à deux personnalités importantes : l’un, Gaston Monnerville, qui fut pendant plus de vingt ans la seconde personne la plus influente de l’Etat français, est décédé en 1981. L’autre, qui a dirigé l’association d’une main de fer des années 80 à son décès, en 2021, était Henriette Dorion-Sébéloué. Nous essaierons, à tra- vers les témoignages d’apporter une lumière nouvelle sur l’UGAG, à l’occasion de ce siècle écoulé et pour cet anniversaire tout particulier. Lors de la présentation des voeux de l’UGAG pour 2025, Georges Lewest, ancien trésorier de l’association, en a tracé les grandes lignes, que nous reprenons pour cette introduction. Il a joué un rôle clé dans la relance et la dynamisation de l’UGAG aux côtés de Henriette Dorion-Sébéloué. Ensemble, ils ont œuvré à redon- ner à l’association une place centrale parmi les organisations antillo-guyanaises en France. Elle naît sous l’impulsion d’anciens combattants guyanais éta- blis en France pour des raisons professionnelles ou familiales. Ces hommes, messieurs Benjamin, Thémire, Dufougère, Hérard et Médan, se retrouvent régulièrement pour échanger sur la situation de la Guyane, colonie française alors associée au bagne, et pour resserrer les liens de solidarité entre eux. Sous la présidence d’Eugène Lautier, député de la Guyane, une L’Union des Guyanais et Amis de la Guyane est fondée le 1er mars 1925, soit sept ans après la Première Guerre Mondiale.

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Page 5, en haut : Le Pont des Arts, Paris. Dessous : les chutes Voltaire, Guyane. Page 6, en haut : Edvard Benjamin, premier président de l’UGAG. Dessous : message de Gaston Monnerville à Henriette Dorion Sébéloué : “Merci Chère Présidente, pour vos très aimables vœux de l’UGAG. Tous les miens pour la réussi- te de vos efforts. Ayons de l’esprit, de la volonté, et du “pectus” (du cœur) pour les autres.” Ci-contre : Henriette pose avec le buste de Gaston Monnerville, aujourd’hui visible au jardin botanique de Cayenne. Page 8 : Les groupes de chants et danses traditionnels ont eu une place importante au sein de l’UGAG. Photo du centre : Emile et Francine Pawilowski, fondateurs du groupe Patawa. Page 9, en haut : Henriette, tout sourire. En dessous, à gauche : Sylviane Cédia, Valérie et Marie-Paule Tribord, au salon de l’agriculture. Adroite : Discours de Gaston Monnerville.

Après le conflit, elle renforce ses actions mémo- rielles en contribuant aux monuments dédiés à Victor Schoelcher et Félix Éboué. En 1948, Gaston Monnerville devient Président Général d’Honneur de l’U.G.A.G., un titre qu’il conservera jusqu’à sa disparition en 1991. Sous son égide, l’association se structure et s’ancre durable- ment dans le paysage associatif. Le Commandant Gabriel Bureau prend la présidence et dirige l’UGAG avec rigueur pendant 35 ans. Sous le mandat de Gabriel Bureau, l’associa- tion obtient en 1962 l’inauguration du Boulevard de la Guyane à Paris, une recon- naissance symbolique forte. On ne sait pas grand chose de ce président, qui avait publié en 1936 « La Guyane méconnue » aux édi- tions Fasquelle, livre de 170 pages, illustré de cartes, de plans et de gravures hors texte, compre- nant un avant-propos de Henry Bérenger et une pré- face de Gaston Monnerville ; ouvrage publié à l'occa- sion du tricentenaire du rattachement des Antilles et de la Guyane à la France, dans le but de mieux faire connaître le territoire. L'auteur y présente une vue d'ensemble de la Guyane sous les aspects phy- sique, politique et historique, détaille ses richesses naturelles et analyse l'état économique de la région en proposant des moyens pour sa mise en valeur. En 1981, l’UGAG amorce une nouvelle phase sous la présidence d’Henriette Dorion-Sébéloué, première femme à diriger l’association. Son dynamisme per- met un développement spectaculaire de l’organisa- tion, passant de quelques dizaines à plusieurs cen- taines d’adhérents. Qui était Henriette Dorion- Sébéloué ? Nous sommes allés à la rencontre de celles et ceux qui l’on connue. Rodolphe Alexandre , en tant qu’historien, donne un éclairage contextuel intéressant : “Henriette Dorion -Sébéloué était une femme, loyale, fidèle, reconnais- sante. Beaucoup de gens se sont servis de Monnerville pour se positionner. Elle, non. Vous savez, cette génération de la troisième, quatrième République, avant de passer à la cinquième en 1958, cette génération est profondément attachée aux valeurs de la République. C'est clair. Ça se voit très bien avec Gaston Monnerville. On quitte la Guyane pour faire ses études, avoir des diplômes. Lorsque l’on revient, si l’on revient un jour, c’est avec une certaine dignité. C'est ainsi qu'on a eu toute une génération de médecins, d'avocats, de hautes personnalités d’origine guyanaise.” Gaston Monnerville a très bien exprimé lui-même sa profonde gratitude envers la République française à

propos des opportunités qu'elle lui a offertes. Lors d'un discours prononcé à la Sorbonne le 27 avril 1948, il déclarait : « Le fils d'Outre-mer que je suis doit tout à la République. C'est elle qui, dans ma Guyane natale, est venue m'apporter la dignité et la culture. C'est elle qui m'a tout appris et qui a fait de moi ce que je suis. » Née à Cayenne en 1932, Henriette Dorion-Sébéloué fut une femme emblématique de la communauté guyanaise métropolitaine, marquée par un engage- ment sans faille pour la culture, la transmission his- torique et le soutien de ses compatriotes. Georges Patient, Sénateur de la Guyane et Président de la Société des Amis de Gaston Monnerville, la qualifie de « Grande Dame », impressionné par son sens relationnel et sa capacité à évoluer au-delà des cli- vages partisans. Georges Patient : “Au-delà de Gaston Monnerville, c’est son attachement, chevillé au corps et au cœur à notre chère terre qui nous réussissait. Elle la guya- naise de Paris, certes, n’avait jamais oublié sa terre Henriette était présente dans de nombreux cercles de décision, au contact des institu- tions et des personnalités influentes, pour promouvoir les intérêts de la Guyane.

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natale dont elle était une défenseuse acharnée et une ardente représentante. Elle a présidé l’Union des Guyanais et Amis de la Guyane (UGAG) et le Comité National du Souvenir Félix Eboué. Cet activisme associatif lui avait permis de représenter la Guyane au sein de plusieurs instances nationales, dans les conseils d’ad- ministration du CSA, le Comité National pour la Mémoire et l’Histoire de l’Esclavage et bien d’autres… Henriette était une femme de réseaux et contacts. J’étais tou- jours impressionné par son sens relationnel, sa capacité à se mouvoir dans différents environnements. Elle a traversé plu- sieurs présidences, gouvernements et elle avait ses entrées par- tout. Elle était au-delà des clivages partisans. C’était une femme de caractère, respectée de tous. Je me souviens également de son combat pour la création d’une maison de la Guyane dans les années ‘80 qui n’a pas abouti pour des raisons politiques mais dont elle me parlait constamment, regrettant cette décision, espérant que le dossier se rouvre. Henriette c’était cela aussi, une femme qui ne lâchait rien, tenace, énergique, se battant jusqu’au bout. Plusieurs fois, diminuée par l’âge, la maladie, elle continuait à se rendre à tous les évènements d’outre-mer, à représenter la Guyane et à défendre ses dossiers.” Sur le plan politique, Henriette Dorion Sébéloué entretenait une relation privilégiée avec Gaston Monnerville, l’un des plus grands hommes politiques français du XX eme siècle, qu’elle considérait comme un mentor. Tous deux étaient avocats. Elle a travaillé à ses côtés sur plusieurs dossiers et perpétua son héritage, parta- geant son sens aigu de la légitimité et de la légalité. “Bien que son vocabulaire et ses références soient ceux de son époque (marqués par l’assimilation et la culture française), elle demeure une figure résolument attachée à ses origines guyanaises. Toujours consensuelle, digne et élégante, elle incarne la force tranquille d’une génération marquée par l’assimilation et l’hu- manisme. Même en fin de vie, elle continue d’afficher fièrement ses bijoux guyanais, symbole de sa fierté identitaire et de son attachement à ses racines”, nous dit Rodophe Alexandre. Son influence politique ne fait aucun doute. Léon Bertrand, Rodolphe Alexandre, Marie-Thérèse Lacombe ou Michel Arab soulignent son réseau au plus haut niveau de l’État, notamment avec Jacques Chirac. Elle était un véritable relais entre la Guyane et la métropole, plaidant pour une meilleure visibilité des Ultramarins. Sous sa présidence, Jacques Chirac, reconnaissant son rôle central dans la promotion des intérêts ultramarins, la décora de la Légion d’Honneur, témoignant de son engagement au service de la Guyane et de la France. Marie-Thérèse Lacombe et Henriette avaient été ensemble à l’école des sœurs, à Cayenne. Elles étaient de bonnes amies. Marie-Thérèse a ensuite fait ses études à Paris et passé son bac- calauréat à l’âge de 15 ans, avec dispense du Président de la République Vincent Auriol, parce qu’elle était trop jeune. Elle fit toutes ses études de médecine dans la capitale, puis elle est devenue gynécologue accoucheur, toujours à Paris, où en 2008

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elle fut élue adjointe au maire du 6 ᵉ arrondissement, chargée de la santé : "Henriette avait de la chance que Gaston Monnerville soit resté très intéressé par la Guyane jusqu’à sa mort, en 1991 (à l’âge de 94 ans) ; et qu’il ait quand même été longtemps le deuxième personnage le plus impoprtant de la poli- tique française, président du Sénat. Elle m'a beau- coup sollicitée, nous avons fait beaucoup de choses ensemble. Elle pouvait compter sur moi, j’avais aussi de bonnes relations avec Jacques Chirac. Mais il faut le dire, c’est elle qui tenait seule les rennes de l’UGAG”. Léon Bertrand , né à Saint-Laurent-du-Maroni, a occupé plusieurs postes ministériels sous la prési- dence de Jacques Chirac, notamment en tant que ministre délégué au Tourisme (2002-2007). C’est à cette époque qu’il rencontre Henriette : “J’avais déja entendu parler d’elle comme d’une ambassadrice de la Guyane, en quelque sorte. Elle avait un bon réseau, au niveau de plusieurs instances, et facilitait grandement l'installation des jeunes Guyanais qui

Monnerville et la Guyane, 1897-1948", c’est dire s’il a connu Henriette. Rodolphe Alexandre a été maire de Cayenne. En 2010, il devient président du Conseil régional de la Guyane. Il sera réélu en 2015 à la tête de la nouvelle Collectivité Territoriale de Guyane (CTG), fonction qu'il occupera jusqu'en 2021. En

s’installaient en métropole. Elle était connue pour sa solidarité, sa générosité et son efficacité. Je l’ai reçue au ministère pour discuter de projets. A partir de ce moment, à chaque fois qu'il y avait une raison qui pouvait expliquer une intervention du ministère du tourisme, je saisissais l'opportunité d’accompagner l’UGAG. Tant et si bien que je l’ai invitée, lors de la première édition de la course transatlantique à la rame reliant le Sénégal à la Guyane « Rames Guyane », qui eut lieu en 2006 et dont j’étais le parrain. Henriette m’a accompagné à Dakar, au Sénégal ; l'arrivée s'est faite à Kourou. C’était une femme tenace, qui, finalement, corres- pondait bien à la solide réputation qu'elle avait.”

2022, l'ancien ministre délégué aux Outre-mer, Jean-François Carenco, lui confie une mission d'ex- pertise sur la jeunesse en Guyane. Rodolphe Alexandre : “Henriette Dorion Sébéloué a accompagné Monnerville jusqu'à sa mort. Elle était attachée à la reconnaissance de la diaspora guyanaise en métropole. C'est important, parce qu'il y a un malaise entre les Guyanais qui sont partis pour différentes raisons, notamment le chômage, et qui se sont retrouvés un peu exclus de la société guyanaise, de son évolution. Elle essayait par tous ses moyens d'établir une transversalité et en l'occurrence, de décliner ses racines par rapport à sa Guyane natale. J’ai participé à un certain nombre de colloques avec elle, notam- ment lors des hommages qui étaient rendus à

Rodolphe Alexandre est historien. Il a soutenu en 1999 une thèse de doctorat intitulée "Gaston

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sèques, à une époque : la MUGAG. Elle per- mettait de couvrir les frais de retour des corps, qui étaient totalement pris en charge, ainsi que ceux d’un accompagnant. Martiniquais et Guadeloupéens pouvaient aussi y adhérer. Je suis devenu secrétaire de l’UGAG, ainsi que de cette mutuelle. Henriette a également joué un rôle impor- tant dans la valorisation de la Guyane auprès du CNES (Centre National d'Études Spatiales). D’après Michel Arab, qui était un proche d’Henriette “elle aurait failli devenir directrice du Centre spatial en Guyane. Toutefois, le général de Gaulle s’y était oppo- sé, prétextant qu’il n’était pas question qu’une Guyanaise, qui plus est, une femme, dirige le CSG.” Cela ne l’a pas empêchée d’œuvrer au ren- forcement des liens entre les institutions scientifiques et la diaspora guyanaise, parti- cipant à la mise en avant du Centre Spatial Guyanais comme un élément clé du dévelop- pement de la région. Elle a encouragé des initiatives permettant aux jeunes Guyanais de s’impliquer dans le domaine aérospatial et a facilité des échanges entre le CNES et les associations afin de mieux faire connaître l’impact du programme spatial sur l’écono- mie de la Guyane. Son travail a contribué à rapprocher les acteurs politiques, culturels et scientifiques pour donner une dimension plus inclusive aux projets du CNES dans la région. Yves Béguin , président de l'association des anciens du CNES, a travaillé de nombreuses années en Guyane, où il a occupé divers postes opérationnels. Peu a peu, il a dévelop-

Gaston Monnerville. J'ai travaillé également avec elle sur Félix Eboué. Lorsque j’étais président du Conseil Général de Guyane elle m’appelait parfois pour l’obtention de bourses pour des éti- diants, des accueils de jeunes Guyanais à Paris ou dans le cadre de rapatriements.” C’est un point peu connu aujourd’hui mais l’UGAG a aussi joué un rôle non négligeable dans le rapatriement des corps de Guyanais décédés en métropole, qui souhaitaient être inhumés sur leur terre natale. Joseph Horth : “Je connaissais Henriette depuis l’enfance, c’était une cousine. En arrivant à Paris j’ai adhéré à l’UGAG, où nous nous sommes à nouveau côtoyés. J’ai participé de plus en plus régulièrement aux activités de l’association, notamment l’envoi de courriers : je me souviens de soirées passées à timbrer des enveloppes chez Henriette. L’UGAG avait une mutuelle d’ob-

pé des liens étroits avec l'UGAG, participant activement à des projets culturels et sociaux (expositions, discours institutionnels) qui mettaient en valeur la Guyane : il met en lumière le travail de transmission d’Henriette, encourageant les jeunes à s’investir dans la culture guyanaise, initiant des collaborations avec le CNES pour renforcer les liens entre les Guyanais et les institu- tions scientifiques. Yves Béguin souligne que ses efforts ont permis de créer des col- laborations structurantes entre le CNES et l’UGAG. Michel Mignot a été Directeur du Centre Spatial Guyanais pen- dant 8 ans : il a coordonné 77 lancements (jusqu’à trois par mois) et supervisé des projets stratégiques, comme l’intégration des usines de production des propulseurs et boosters d’Ariane 5. Il se souvient de ses échanges avec Henriette lors d’événements, où elle mettait un point d’honneur à transmettre l’histoire et la

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Page 10 : Les vœux pour 1985 de l’UGAG, par Henriette Dorion Sébéloué, sa Présidente. Ci-contre : Henriette, lors d’une discussion culturelle militante, dans les rues de Cayenne. Ci-dessous : Courrier de la Présidence de la République : “Bernadette et moi avons été très sensibles à vos amicales félicitations. Nous vous en remercions de tout cœur et nous vous adressons notre très fidèle pensée.” Bernadette et Jacques Chirac

mémoire guyanaises. Son engagement pour la jeu- nesse et la transmission du savoir étaient des élé- ments clés de son action. A plusieurs reprises, elle a organisé des visites d’étudiants au Centre Spatial Guyanais et tous les deux ans, elle était l’hôte du CNES lors du salon du Bourget.

sion de contenus mettant en lumière les réalités des Outre-mer. En tant qu’organisatrice d’événements hors pair, Henriette Dorion Sébéloué a mul- tiplié les occasions de promouvoir la cultu- re guyanaise. Eliette Golitin , Vice-Présidente actuelle de l’UGAG, rappelle qu’elle dirigeait d’une main de fer les soi-

Parallèlement, Henriette a joué un rôle clé au sein du conseil d’administration de France Télévisions,

rées et banquets dans les salons parisiens, notamment au ministère de l’Outre-mer. Cependant, son refus de déléguer a parfois freiné la continuité de ses actions, comme en témoigne la mise en sommeil progressive de l’UGAG les dernières années de sa vie. Passionné par la culture locale, Armand Hidair est

où elle a notamment occupé la présidence de la commission de rémunération. Son travail au sein de l’institution audiovisuelle a contribué à promouvoir une meilleure représentation des ultramarins et à soute- nir des programmes valorisant la culture et l’histoire de la Guyane. Sa présence au sein de cette organisation lui a permis de défendre l’image de la Guyane dans les médias nationaux et d’influencer la diffu-

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également historien et spé- cialiste du carnaval guya- nais. Il a écrit un ouvrage intitulé "Carnaval en Guy- ane", publié en 1990, qui explore les traditions et l'évolution de ce temps emblématique de la vie guyanaise. Il a coordonné pendant une période l’ac- tion des offices du tourisme de Guyane en métropole, quand le Comitié du touris- me de la Guyane n’existait pas. Il s’appuyait régulière- ment sur les événements de l’UGAG pour les opéra- tions de promotion touris- tiques et se souvient du

C’est à cette époque que Sonia Cippe , actuelle secrétaire de l’UGAG et Responsable du bureau parisien du Comité du touris- me de la Guyane la rencontre : “Elle pouvait parfois se montrer dure et intransigeante, avec une vision tranchée sur la manière dont les choses devaient être faites.” François Du Boulay , actuel président de l’UGAG, précise encore ce trait de caractère : “Ou elle vous appréciait, ou elle vous détestait. Il n'y avait pas de juste milieu, avec Henriette. Elle pouvait être une soeur, une mère, une grand-mère… Mais quand malheureusement elle ne vous aimait pas, elle avait la dent dure. Dans un cas comme dans l’autre, l’avocate avait toujours de bonnes raisons.” Son implication dans la valorisation du patrimoine musical et culturel guyanais en métropole a été cruciale. Endy Chocho, lea- der du groupe musical Dokonon, témoigne de son attachement à la musique traditionnelle orchestrale et du soutien qu’elle apportait aux jeunes artistes. Elle a joué un rôle déterminant dans l’intégration de l’orchestre Dokonon aux événements cultu- rels et dans l’organisation des premiers bals parés-masqués, du carnaval guyanais, à Paris. Hendy Chocho : “C'est Henriette qui est venue à moi ; je n'aurais pas osé. J’avais la trentaine. Je me souviens d’une approche très favorable, avec des encouragements, des félicitations, de la fier- té, de l'invitation à durer, à tenir bon. Elle a parlé à la jeune per- sonne que j'étais. Ensuite nous nous sommes vus régulièrement dans le cadre de l’UGAG. Elle a convié notre groupe, Dokonon, à se produire en mode TDC (Trio Dokonan Chaleureux : sinon cela aurait été trop bruyant) lors de l’inauguration de l’exposition sur Gaston Monnerville montée par Michel Arab, dans l’optique d’une panthéonisation de Gaston Monnerville : nous étions là pour animer le ton du banquet, elle avait été ravie. La dernière fois que nous nous sommes vus, en 2021, peu de temps avant qu’elle nous quitte, j’avais convenu de venir la voir dans la résidence où elle était. Je savais qu'elle était fatiguée. Elle fut très touchée, et ce fut pour moi comme une visite à l’une de

travail d’Henriette avec des institutions comme l’UNESCO, ou de grandes entreprises. Elle organisait à cette époque des voyages pour les anciens, afin de permettre aux Guyanais partis depuis longtemps de retourner sur leur terre natale. Elle organisait à cette époque des voyages pour les anciens, afin de permettre aux Guyanais partis depuis longtemps de revenir sur leur terre natale et de revoir leur famille. Cette initiative avait profondément marqué les participants. Elle offrait aux Guyanais des billets d’avion plus abordables, grâce à des prix de groupe.

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mes aînées. On a passé un bon moment ensemble, charmant, elle parlait un très beau français. Elle a évoqué beaucoup de choses, ce qu'elle pensait de moi, le courage qu'elle avait encore à me donner, parce qu'elle faisait toujours ça… En tout cas, avec moi, elle le faisait toujours. Cette dame n'a jamais arrêté d'œuvrer pour la Guyane. Lorsqu’elle est décédée, l’UGAG m’a demandé si je voulais bien l’accompagner par des chants, à l'église, avec un timbre guyanais. Etant chrétien, catholique, j'ai accepté, et j'ai animé avec le tambour une partie de la cérémonie : c'était quand même un moment très particulier, puisque Henriette était bien présente, mais pas dans les mêmes conditions, dans l'église. Francine Pawilowski souligne son rôle dans l’inclu- sion des groupes folkloriques et l’organisation annuelle de la Fête de Cayenne à Paris, le 15 octobre, rassemblant la communauté autour d’acti- vités culturelles et sportives. Elle a également soute- nu des initiatives sportives, notamment en mettant en place des compétitions et en offrant des coupes

Salon du Bourget. Nous avons souvent partici- pé au Salon de l’agricultu- re, une manière de faire connaître la Guyane, ses traditions, ses produits. Nous étions exigeants : je voulais que tout soit par- fait, je trimballais des valises de chaussures, bra- celets, foulards, au cas où il y aurait eu des imprévus, des danseuses et des dan- seurs distraits : nos repré-

Page 12 : Panthéon ; gerbe de fleurs de l’UGAG à l’occasion de la journée du souvenir Félix Eboué. Ci-dessus : Buste de Gaston Monnerville au jardin bota- nique de Cayenne. Nombreux sont les adeptes de Monner- ville qui souhaiteraient une meilleure mise en valeur du buste, réalisation du sculpteur Jacques Canonici, érigée le 15 octobre 1997, lors de la fête de Cayenne (photo : Eliette Golitin) Ci-contre : Vœux de bonne année de Monsieur et Madame Jean Schœlcher à l’UGAG.

sentations en tenues traditionnelles étaient impec- cables ! Le groupe a compté jusqu’à 30 personnes. C’était d’autant plus difficile qu’il y avait un renou- vellement continu : Les jeunes venaient faire leurs études, puis partaient; nous avons eu quelques mariages, dans l’association. Les jeunes couples sont repartis, puis revenus danser avec leurs enfants. On avait aussi de jeunes enfants dans le groupe, que leurs parents accompagnaient aux représentations. Il y avait une vraie vie sociale. Moi- même j'étais maman de jumelles. Je me revois enceinte de 8 mois, derrière un micro pour chanter ! Il y avait toujours des gens qui répétaient, qui parti- cipaient : il fallait former des chœurs, et puis parmi les chœurs, trouver des gens doués pour chanter. En grandissant, ma fille s’y est mise. Elle chante tou- jours, c’est Carole Pawilowski.”

honorifiques aux joueurs guyanais pour valoriser leur engagement. Francine Pawilowski : “Je suis arrivée en France en 1974, afin de poursuivre mes études. J’y ai rencontré mon époux, Emile, aujourd’hui décédé. Il était plus âgé que moi et membre de l’UGAG. Nous habitions à Saint-Ouen, où avec nos enfants, nous avons com- mencé à faire des animations culturelles guyanaises à l’école ; puis à participer à la fête de la ville, mais sans étiquette. Nous avons ainsi rassemblé, peu à peu, une petite troupe. Un jour, Henriette Dorion- Sébéloué nous a proposé de tous rejoindre l’UGAG. Elle nous a chapeautés, elle nous a fait participer à des événements, tant et si bien que nous avons grandi et créé notre association, Patawa (le nom d’un palmier guyanais) qui faisait des prestations de danses et chants traditionnels pour l’UGAG. Nous étions au premier Carnaval Tropical à Paris, et là pour fêter les dix ans de lancement d’Ariane 5, au

Cette notion de partage, d’identité culturelle nourrie

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apprenait les danses traditionnelles de Guyane. Maman n'était pas portée sur les danses folkloriques. Papa oui, il dansait par- fois: il était issu de la communauté des savanes, de Trou Poissons à Iracoubo. Grâce à l’UGAG, j'ai pu d'une part découvrir les danses, mais aussi le créole, parce que mes parents ne nous parlaient pas le créole à la maison. L’association m’a permis de décou- vrir tout un pan ignoré de ma cultu- re et de m’y immerger. Mes relations avec Henriette étaient très conviviales et j’ai peu à peu pris de l’assuran- ce au sein de l’UGAG. J’ai un certain franc parler et lorsque nos points de vue diver- geaient je le lui disais ; ça se passait plus ou moins bien, elle avait une forte personnalité, Henriette. Elle avait l'impression que lors- qu’elle faisait tout elle-même, c'était mieux. Elle avait du mal à déléguer.”

et brassée par les Guyanais résidant à Paris, va parfois bien au- delà de ce que l’on pense. Elle a été un vecteur de découverte identitaire, pour Eliette Golitin , Vice-Présidente de l’UGAG : “ Je suis arrivée à Paris en 1963, j'étais très jeune et mes parents ne fréquentaient pas le milieu associatif : ils nous faisaient visiter des musées, des châteaux. Lorsque j'ai découvert l'UGAG, j’avais déjà plus de vingt ans. J’ai vu qu'il s’y passait des choses intéres- santes. Dès qu’une occasion se présentait, dès que je le pouvais, j’assistais aux événements de l'UGAG. C'était très animé : chaque étudiant qui arrivait à Paris avait la référence l'UGAG parce qu'à l'époque les services sociaux n'étaient pas aussi développés qu'actuellement. On leur donnait le contact de Henriette Dorion- Sébéloué, et tous venaient la voir : elle les guidait, elle les mar- rainait et les dirigeait vers les démarches qu'ils avaient à faire. Avec Emile et Francine Pawilowski et leur groupe, Patawa, on

Marie-Laure Phinéra-Horth a succédé à Rodolphe Alexandre à la mairie de Cayenne en 2010, lorsque ce dernier est devenu prési- dent du conseil régional. Elle a été réélue maire en 2020, avant de devenir la première femme sénatrice de la Guyane, en sep- tembre de la même année. Marie-Laure Phinéra Horth : “J’ai souvent croisée Henriette quand j'étais maire de la ville de Cayenne : on nous invitait à la mairie du 6 ème , à Paris, où il y avait souvent des manifestations guyanaises. J’étais généralement accompagnée de mon oncle, Joseph Horth, dont Henriette était la cousine. Elle m'aimait beau- coup, on discutait, mais c'était une femme qui était assez parti- culière. Elle savait ce qu'elle voulait, elle était un peu autoritaire, je vais dire. C’est toujours elle qui devait avoir le dernier mot, c'est elle qui savait. J’en tenais compte. Je suis bien sûr toujours en contact l’UGAG et son président, François du Boulay. Lorsqu’on m’a contactée pour faire un événement au Sénat à l’occasion des 100 ans de l’UGAG, j’ai accepté avec plaisir d’aider mes compatriotes, d’autant que le développement de l’associa- tion a été très lié à Gaston Monnerville, pendant des années. “

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Georges Patient , sénateur : “Après mon élection au Sénat en 2008, Henriette a souhaité me rencontrer pour me féliciter et me proposer de prendre la tête de la Société des Amis de Gaston Monnerville (SAPGM). Directe et droit au but. C’était Henriette. Elle avait une telle force de conviction, animée d’une passion indéfectible pour ce grand homme, qu’il était difficile de lui refuser… Au soir de sa vie, sur son lit d’hôpital, elle me parlait encore de ses luttes, de la Guyane, m’invitant à continuer le travail entrepris aux côtés de son maître avocat, Gaston Monnerville. Je suis fier aujourd’hui que son combat pour remettre en lumière Gaston Monnerville, se poursui- ve. Il y a eu ses dernières années plusieurs événe- ments, expositions itinérantes, publications sur ce grand homme. 2025 a été déclarée « année Gaston Monnerville » en Guyane et sera ponctuée de nom- breux événements, notamment en direction de notre jeunesse.”

Même respect pour l’ancienne ministre de la Justice, connue pour la loi sur la reconnaissance de l'escla- vage comme crime contre l'humanité (2001), et pour son rôle clé dans l'adoption de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe en France (2013), souvent appelée "loi Taubira", de la part de l’actuelle maire de Cayenne. Sandra Trochimara a suc- cédé à Marie-Laure Phinera-Hort à la mairie de Cayenne, lorsque cette dernière est devenue sénatrice. Elle n’a pas connu directement Henriette Dorion Sébéloué, mais avait entendu parler d’elle et recon- naît l'impact de son action en tant que présidente de l’Union des Guyanais et des Amis de la Guyane (UGAG). J’annonce à Madame le Maire que l’UGAG est née l’année ou a commencé la construction de l’actuel hôtel de ville de Cayenne ; 2025 “coïncidant aussi avec les 190 ans de la municipalisation de Cayenne (1835, par décret colonial), me précise Madame le Maire. Sandra Trochimara : “Mes parents m’ont sensi- bilisée très tôt à certaines figures guyanaises emblématiques. Lorsqu’ils nous emmenaient faire une promenade à la place des Palmistes, il fallait, c'était un rituel, passer devant la statue de Félix Eboué, monter les marches, lui donner la main, tenir sa canne. Ma mère surtout, nous rappelait l'importance de ce grand homme, sa stature ; j'ai appris à le découvrir et je dirais que Félix Eboué est un Guyanais qui me motive enco- re . Tout le monde connaît son discours, “ Jouer le jeu”. Je m'inspire souvent d’extraits pour enri- chir mes textes dans certains domaines d'inter- vention. Lorsque Yvan Chérica était président du Cercle Félix Éboué j’en ai été un moment la secrétaire générale. Ensuite, comment ne pas évoquer Léon Gontrand Damas, parce que j'aime la poésie : à travers ce grand chantre de la négritude, moi, Sandra Trochimara, descendante d'esclaves, je sais combien son œuvre me parle. Justin Catayée, Georges Othily : ce sont aussi des figures qui m'inspirent. J'ai appris à découvrir Gaston Monnerville à travers Rodolphe Alexandre : au-delà de l’homme politique, j'apprécie l'historien ;

Page 14 : Vœux de bonne année de Michel Mignot, Directeur du Centre Spatial Guyanais, à l’UGAG, en 1998 ; Michel Mignot et son hôte, Henriette Dorion Sébéloué, au salon du Bourget. En dessous : Invitation de l’UGAG à la fête de Cayenne, 1988. Page 15, en haut : le nouveau logo de l’UGAG. En-dessous : Invitation à la remise du Prix Grand Siècle 1984 (champagne Laurent Perrier). Ci-dessous : Vœux pour la nouvelle année 1997. Page 16 : La Presse de Guyane du 12 novembre 1991, annonçant le décès de Gaston Monnerville.

Marie-Laure Phinéra-Horth souligne les dynamiques politiques et culturelles guyanaises sous l’influence de figures féminines, et la sous-représentation, le manque de reconnaissance des femmes en poli- tique. Les personnalités qui l’ont marquée sont Eugénie Éboué-Tell, l’épouse de Félix Eboué, née le 23 novembre 1891 à Cayenne, qui fut une figure politique et résistante française. Elle fut élue dépu- tée de la Guadeloupe aux deux Assemblées natio- nales constituantes en 1945 et 1946 puis siégea au Conseil de la République (ancêtre du Sénat) de 1946 à 1952, représentant la Guadeloupe. Elle milita inlassablement pour l'égalité des droits entre les territoires d'outre-mer et la métropole, notamment en matière de sécurité sociale et de conditions de travail et œuvra pour l'amélioration des droits des femmes et des enfants dans les départements d'outre-mer. Bien qu’ayant été sa rivale politique, elle admire aussi Christiane Taubira, connue pour son éloquence, sa culture littéraire et son engage- ment en faveur de la justice sociale, des droits de l'homme et de la lutte contre les discriminations.

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