lement à ceux qui rêvaient de cette place, et qui se sont appliqués, en secret, à lui faire du mal. Finalement, Monnerville a été victime des Guyanais, chez lui, sur le plan politique. Il a été battu aux élec- tions législatives de 46, mais cet échec a été de courte durée : on aurait imité sa signature pour le présenter aux sénatoriales et il fut élu, en Guyane, en son absence, recueillant les 10 voix des 10 votants ! En métropole, il avait repris son métier d'avocat avec brio et s'était fait tout de suite remarquer. Son destin était d’avoir une carrière de parlementaire. Monnerville n’a pas été le premier président du Conseil de la République, mais il s'est imposé par la qualité de ses interventions, comme vice-président, et les élus de tous bords l’admiraient. Gravement malade, le président Champetier de Ribes décède le 6 mars 1947. Le groupe M.R.P. (Mouvement Républicain Populaire, qui existera de 1944 à 1967) propose Gaston Monnerville, qui est élu au second tour. Mais le parti radical, dont il était issu (créé en 1901), avait présenté quelqu’un contre lui. Maurice Schumann m’a raconté comment il avait envisagé que Monnerville, un homme de couleur, puisse avoir la préférence des sénateurs et puisse être élu, dans le secret des urnes : c’est ce qui s’est passé ! Maurice Schumann était président du MRP : il a fait de Monnerville la troi- sième personne la plus importante de l'État français. En 1948, il fal- lait se représenter et Monnerville allait être battu en Guyane. À ce moment-là, le président du groupe radical a dit : “On n'est plus grand-chose, mais on a Edouard Herriot et Gaston Monnerville.” Gaston Monnerville qui, d'ailleurs, ne rêvait que de retourner faire son métier d’avocat, qu’il trouvait beaucoup plus agréable. On lui a trouvé une circonscription dans le Lot où il sera finalement prési- dent du Conseil Général pendant une vingtaine d’années, malgré son différent avec le Général de Gaulle. Gaston Monnerville a fait une carrière politique complètement invraisemblable. Au tout début, il avait refusé d’être député de la Martinique, dont ses parents étaient originaires. Contre Lautier, en Guyane, il n’avait pas vraiment d’autre choix que d’accepter, fina- lement. Le cursus normal, c’est de se faire élire conseiller munici- pal, puis maire, membre du conseil général, puis président du conseil général. On peut ensuite envisager d’être député, puis sénateur.
Il disait : “La culture, tu n’en parles jamais, ça ne s’exhibe pas ; c’est quelque chose de personnel.”
Jean-Emmanuel Hay : En 1912, Gaston Monnerville quitte la Guyane pour aller faire ses études à Toulouse. Il ne sera plus très présent en Guyane, par la suite. Philippe Martial : Au moment de l’affaire Galmot, Gaston Monnerville ne faisait pas de politique, il était avocat : les Guyanais sont venus le chercher un an plus tard, sa plaidoirie l’ayant rendu célèbre. Avec la mort de Jean Galmot et les émeutes qui avaient suivi, le procès avait été délocalisé à Nantes, en métropole. Les témoignages contre la dizaine de prévénus étaient savamment orchestrés ; tous plus fantaisistes les uns que les autres. Monnerville, dans sa plaidoirie, a surtout insisté sur le scandale qu’était le régime colonial. Cela à tellement frappé l’esprit des jurés que tout le monde a été acquitté, finalement. Un an plus tard, des Guyanais ont demandé à Monnerville de se présenter contre le député Eugène Lautier, qui ne mettait quasi- ment jamais les pieds en Guyane : il était choisi par les colons et le gouverneur. Monnerville a finalement accepté d'être candidat, et il a été assez brillamment élu. Autant dire que cela n’a pas plu loca-
Gaston Monnerville n’était pas carriériste : il n’a rien fait dans l’ordre prévu des choses.
Jean-Emmanuel Hay : Gaston Monnerville était un homme de réseau.
Philippe Martial : Bien sûr, il était d’ailleurs franc-maçon et tout le monde pensait que je l’étais aussi. Il avait été initié à “La France
U N I O N D E S G UYANAIS ET DES A M I S D E L A G U Y A N E
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