Jean-Emmanuel Hay : En 1958, Gaston Monnerville est profondé- ment gaulliste, n’est-ce pas ? Il participe au retour du Général de Gaulle, puis il est élu Président du Sénat. Philippe Martial : Oui mais il surveillait l'avenir de l’empire colonial, et cela ne s’est pas du tout passé comme prévu. Monnerville était remonté contre le Général de Gaulle. Il a saisi l'occasion du référen- dum pour l'élection du Président de la République au suffrage uni- versel direct pour déclarer qu'il était anti-gaulliste. Jean-Emmanuel Hay : Lors des élections présidentielles de 1953, il se passe quelque chose d'étonnant, puisque 13 scrutins sont nécessaires pour départager René Coty et Gaston Monnerville. Philippe Martial : Monnerville ne voulait pas se présenter de lui- même. Il disait : “ Si j'échoue, c'est l'Outre -Mer qui échouera. Si c'est mon groupe politique qui me présente, alors oui.” Au parti
toujours les mêmes. Monnerville avait accusé Pompidou de forfai- ture, mais le journal La Nation avait écrit qu’il avait accusé le Général de Gaulle. Dans la constitution, c’est le Premier Ministre qui suggère qu’il y ait un référendum, puis le Président de la République signe. Tout le monde savait que Georges Pompidou était contre, mais que pour faire plaisir au Général, il avait proposé le référendum. A par- tir du moment où Monnerville s'est brouillé avec le Général, la télé- vision l'a banni. On n'a plus jamais vu ni parlé de Monnerville à la télévision. Jean-Emmanuel Hay : Gaston Monerville aurait quand même dit à ce moment-là quelque chose qui a dû lui valoir définitivement l’ini- mitié du général De Gaulle : “La Constitution est violée, le peuple est abusé.” Puis le Général de Gaulle consulte Gaston Monnerville, Président du Sénat, comme la Constitution le veut… Philippe Martial : Ne perdez pas de vue que Monnerville était un juriste : tout le monde était d’accord sur ce point, la Constitution avait été violée. La consultation avec le Général de Gaulle dure deux minutes, Monnerville est debout, le Général de Gaulle reste derrière son bureau, il ne lui serre pas la main, c’est terminé. Jean-Emmanuel Hay : La rupture est consommée, et politique- ment parlant, la carrière de Monnerville décline à partir de ce moment-là. Il a encore des responsabilités, mais plus au plus haut niveau de l'État. Philippe Martial : En 1965, Gaston Monnerville me faisait part de sa lassitude. Il me disait : “J'ai envie de profiter de la fin de ma vie, de faire des voyages. Il y a toujours un gouvernement qui tombe, et je suis bloqué. Mais, m’a-t-il dit, je ne peux pas abandonner maintenant. J'aurais l'air de fuir mes responsabilités. La présidence du Sénat, c'est une tribune exceptionnelle.” Jean-Emmanuel Hay : Est-ce qu'on peut dire finalement que Monnerville était un homme de la IV e République ? Lorsqu’il est question de passer à l’élection du Président de la République au suffrage universel direct, il est contre. Il est contre l'expression directe de la souveraineté nationale. Philippe Martial : Il était contre. Un jour il m’a dit : “C'est un systè- me à faire élire des extrémistes.” Les gens vont choisir avec l'ins- tinct du chef de Meute. L'histoire montre que c'est dangereux. Le système tel qu’il se présentait en 1958, avec un Président de la République élu par un collège d’hommes politiques, était très bien, c’est vrai. Ceux-là étaient moins victimes de la propagande. Mais Monnerville n'était pas partisan de la IV e République, parce qu’il en connaissait tous les défauts.
radical, André Cornu s’y oppose : “Il ne faut pas élire un noir à la Présidence de la République française, cela va nous brouiller avec les Américains”, dit-il. En même temps, il se présentait lui-même à la Présidence de la République ! Il est vrai qu’il faudra attendre 2008 pour voir un Président américain noir, Barack Obama. J’ai été moi-même surpris par son élection, je n’y croyais pas. Jean-Emmanuel Hay : En 1959 Monnerville est à son apogée en tant que Président du Sénat, il n’a jamais eu une aussi forte majo- rité, mais De Gaulle décide de marginaliser le Sénat.
Philippe Martial : Lorsque Monnerville présidait, aucun ministre ne venait plus : il y avait quatre secrétaires d’Etat qui se succédaient,
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U N I O N D E S G UYANAIS ET DES A M I S D E L A G U Y A N E
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