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CARDIO H - N°68 / DÉCEMBRE 2024

dicale partagée, en tenant compte des préférences du patient et dans des centres experts qui ont l’habitude de manier cette technique. 2) Et les hypertendus non contrôlés à haut risque cardiovasculaire, même s’ils ont moins de trois médicaments, qui peuvent être candidats à ce type d’intervention. Donc, un panel assez large de patients qui peuvent bénéficier de la dénervation rénale, classe 2b-niveau de preuve B dans ces re- commandations. Dr MISCHIE : Qu’est-ce que l’on doit conseiller en pratique aux patients pour les autres mesures ? Qu’est-ce que vous suggérez pour bien poser le diagnostic ? Quelles sont les deux modalités ou la modalité à part le Holter tensionnel qu’on connaît très bien ? Pr PATHAK : C’est une question très importante. Tout hypertendu quel qu’il soit (c’est-à-dire si on fait un diagnostic d’hypertension de consultation parce que sa pression en consultation est su- périeure à 140/90 mmHg) devrait avoir une confirmation par une mesure hors du cabinet. Pourquoi ? D’abord parce que ce sont des mesures fiables. Elles ont une valeur thérapeutique, on peut suivre les patients. Elles ont aussi une valeur pronos- tique et une valeur diagnostique, puisque lorsqu’on mesure la pression en dehors du cabinet, on élimine l’hypertension de consultation que l’on dit « blouse blanche ». On confirme la vraie hypertension et on identifie ce que l’on appelle les hy- pertendus masqués. Autrefois, on faisait cela avec la mesure ambulatoire, via une pression artérielle sur 24 heures, mais aujourd’hui il y a vraiment un « warning » très fort et une inci- tation très forte à utiliser également l’automesure. Idéalement au bras, moins au poignet, selon des règles de mesure répé- tées. Cela signifie que, dans des situations où les gens sont as- sis confortablement, au repos, on mesure la pression de façon répétée deux ou trois fois le matin et le soir, plusieurs jours de suite, et la moyenne identifie des patients véritablement hy- pertendus. Un petit mot pour le passionné de technologie : au- jourd’hui, le niveau de preuve des autres appareils de mesure ce qu’on appelle les « cuffless » (tensiomètres connectés sans brassard) n’est pas encore suffisant pour qu’on puisse les utili- ser en pratique clinique quotidienne, donc « warning rouge » sur les cuffless, ce n’est pas encore prêt, et « warning vert » sur la mesure en dehors du cabinet. Dr MISCHIE : Que pouvez-vous nous dire concernant les populations spéci- fiques ? Pr PATHAK : C’est un gros pavé, ces recommandations, c’est 100 pages, mais il y a quand même deux situations cliniques intéressantes qui ont été mises en avant : - Les sujets âgés. Concernant ce mot « âgé », dans ces recom- mandations, on est sorti du cutoff « âge chronologique » et on a mis en avant le concept de fragilité. On peut avoir 60 ans être très fragile, on peut avoir 80 ans et être peu fragile. Ainsi, il y a toute une réflexion sur : qui faut-il prendre en charge ? comment le prendre en charge ? Par exemple, on dit qu’il faut baisser à 120/70 chez tout le monde, même chez les sujets âgés. Mais s’ils sont fragiles, s’ils ont des effets indésirables, s’ils font

de l’hypotension, bien sûr on va aller au traitement maximal toléré. C’est un point important dans ces recommandations. - Et puis les femmes. Tout au long des recommandations, au lieu d’avoir fait un chapitre séparé, ils ont évoqué les disparités par rapport au genre et mis l’emphase sur le fait que, pour les femmes, c’est un peu la triple peine. D’abord, la prévalence de l’hypertension augmente chez elles. Peut-être parce que l’on dépiste un petit peu mieux l’hyperten- sion chez elles ? Ce n’est pas tout à fait vrai, on dépiste un petit peu mieux surtout parce que les femmes ont d’autres facteurs de risque qui explosent : le tabagisme, l’alcoolisme, le stress, la pression au travail. Tout ceci fait que ce sont des femmes qui sont de plus en plus hypertendues. Deuxième peine, le dépistage montre que la pression artérielle augmente, mais on ne dépiste pas bien les patientes hyperten- dues. On va penser à l’hypertension chez l’homme mais pas chez la femme, un peu comme pour l’infarctus du myocarde. On traite plus tard et on traite moins bien. Et troisièmement, il y a des complications spécifiques à la femme avec trois temps forts : l’exposition aux contraceptifs oestroprogestatifs ; les complications liées à la grossesse, qui font d’ailleurs partie des recommandations pour requalifier le risque des hypertendus ; et la ménopause. Finalement, ces trois situations, les risques spécifiques de la femme, le manque de dépistage et le changement de l’épidé- miologie font que les femmes paient un lourd tribut à l’hy- pertension artérielle et qu’il faut ainsi porter une attention par- ticulière à l’hypertension chez les femmes. Dr MISCHIE : Vous avez mentionné les patients âgés, alors est-ce que le seuil augmente ? diminue ? est-ce qu’il y a un changement de ce côté ? Qu’est-ce qu’il faut éviter comme médicament chez ce groupe de patients qui sont assez difficiles à traiter ? Pr PATHAK : Effectivement, dans les recommandations, on déclenche le diagnostic lorsque les patients sont à plus de 140/90 mmHg et on déclenche le traitement lorsqu’ils sont à plus de 130/80 mmHg. On essaie d’aller à une cible de 120/70 mmHg. Ça ce sont les trois points pratiques. Chez les sujets âgés, on va déclencher un petit peu plus tard, pour des seuils tensionnels un petit peu plus élevés que le sacro-saint 13/8. On va peut- être démarrer le traitement lorsque la pression systolique est au-dessus de 140 ou 150 selon les études, mais on va dire 140 mmHg dans ces recommandations et lorsque la diastolique est supérieure à 80 ou 90 (plutôt 80 que 90). Mais on va être un peu plus laxiste dans l’initiation du traitement et le choix des médicaments. C’est fondamental, puisque ce sont des su- jets qui sont très sensibles à l’hypotension orthostatique. Ainsi, on préférera les bloqueurs du système RAA et les inhibiteurs classiques aux diurétiques, que l’on pourra utiliser puisque des études montrent qu’ils marchent très bien. Mais si on doit faire un choix : bloqueurs du système rénine angiotensine / inhibi- teurs calciques, et systématiquement recherche d’hypotension orthostatique pour adapter le traitement, l’alléger ou le com- penser. Dr MISCHIE : Merci Pr PATHAK.

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