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CARDIO H - N°68 / DÉCEMBRE 2024

pour la certification de nos hôpitaux alors qu’est écrit dans un rapport de l’HAS en 2022 intitulé « Les déterminants de la qualité et de la sécurité des soins en établissement de santé » que « le lien entre les ratios de personnel, la qualité et la sécurité des soins est étayé par la littérature » . La Californie et l’Australie ont mis en place des ra- tios et leur constat est que l’amélioration de la qua- lité des soins est telle que cela permet de faire des économies dans les dépenses de santé. L’inscription dans la loi de ratios par spécialités sur pro- position de l’HAS et des sociétés savantes est donc in- dispensable. Il faut bien sûr que ces ratios soient mis en place progressivement sur 4-5 ans, que leur pertinence soit réévaluée régulièrement et surtout que la masse salariale nécessaire pour les mettre en place soit sanctuarisée dans le budget de l’hôpital, indépendamment du financement à l’activité. Une proposition de loi en ce sens a été votée de façon trans-partisane en 2023 au Sénat. Elle pourrait donc être adoptée très rapidement si elle était inscrite et votée à l’Assemblée Nationale. Ce serait un signal politique fort pour l’hôpital public. Ne faut-il pas également un ratio pour les personnels mé- dicaux ? (le CNCH a édité un référentiel pour calculer le nombre de cardiologues nécessaires selon la typologie du service de cardiologie ) Dr MILLERON : Probablement, mais j’avoue n’avoir pas connaissance de tel ratio dans d’autres pays. On pourrait au moins imaginer que pour les services à gardes comme la cardiologie, les ur- gences, la réanimation, existent des référentiels permettant aux équipes médicales de discuter avec les directions et les tutelles sur les effectifs souhaitables. Vous proposez la suppression de l’activité libérale à l’hôpi- tal pour les PH ou les PUPH. Est-ce que ce n’est pas un point de vue « biaisé » par de dérives excessifs de certains PUPH ? Dans les centres hospitaliers non universitaires, l’activité libérale, en respectant les textes règlementaires, est un fac- teur d’attractivité qui permet de garder des cardiologues à l’hôpital public et de réduire l’écart de rémunération avec l’exercice libéral. Est-ce que cela n’est pas un risque ? Dr MILLERON : L’activité libérale publique est une mauvaise réponse à un vrai problème, le différentiel de revenus entre les méde- cins de l’hôpital public et ceux du privé à but lucratif. Les médecins salariés de l’hôpital public surtout s’ils font des actes techniques ont du mal à supporter cette différence. La différence est d’autant plus importante que vous êtes jeunes car les grilles salariales du public sont indexées en fonction de l’ancienneté alors qu’un jeune cardiologue en clinique touchera le même montant pour une angioplastie coronaire que son collègue en fin de carrière.

Des filières de soins doivent être développées permettant une coopération entre les acteurs, des équipes mobiles, des consultations spécialisées à 48 heures et des admissions directes en hospitalisation lorsque nécessaire. Un patient avec une maladie chronique décompensée qui passe par les urgences, c’est une aberration du système. Pourtant, actuel- lement les acteurs n’ont aucun intérêt à travailler ensemble car les actes sont rémunérés de façon individuelle et non par équipe. Les données de la littérature des dernières années montrent l’absence de bénéfice de la revascularisation coronaire dans la coronaropathie stable par rapport au traitement médical dans la plupart des cas. Pourtant, le nombre d’angioplasties coronaires hors infarctus ne diminue pas (de plus de 90 000 en 2014 à plus de 108 000 en 2019). C’est probablement parce que la prise en charge d’un coronarien qui va recevoir un stent au cours d’un court séjour voire en ambulatoire est bien valorisé par la T2A contrairement à la prise en charge du patient insuffisant cardiaque décompensé. Mais aussi parce que si vous allez voir le directeur de l’hôpital en lui disant que vous allez baisser l’activité d’angioplastie coro- naire de 80 %, il va vous demander de lui rendre des postes d’infirmières. Alors, oui, il faut aussi mettre en place un contrôle des prescriptions et des actes inutiles ou non per- tinents. Mais la mise en place de tels contrôles ne doit pas être justifiée par des raisons budgétaires mais par l’éthique et pour améliorer la qualité des soins. Car une prescription non pertinente de médicaments ou la réalisation d’un acte invasif sans bénéfice, exposent inutilement le patient à des risques d’effets secondaires. Vous proposez des ratios d’effectifs soignants non médi- caux. Pourriez-vous nous donner des précisions ? Dr MILLERON : La masse salariale représente plus de 2/3 du budget de l’hô- pital et a donc été la variable d’ajustement du budget des hôpitaux au cours des dernières années. L’idée que l’hô- pital doit produire des séjours sur un modèle industriel et la mise en place de la tarification à l’activité dans un bud- get contraint, l’ONDAM, ont conduit entre 2009 et 2016 à une augmentation de 15 % de l’activité hospitalière alors que les effectifs n’augmentaient que de 2 % et que les tarifs baissaient eux de 5 %. Le projet de Campus Hôpital Grand Paris Nord qui prévoit de remplacer 2 hôpitaux parisiens, Bichat et Beaujon, par un seul hôpital à Saint-Ouen est le modèle du genre d’économies basées sur la baisse de la masse salariale. Le projet initial, pour atteindre les critères d’efficience économique exigés par les tutelles, prévoyait la suppression de plus de 300 lits de MCO, la suppression de plus de 500 équivalents temps plein de PNM et des ratios d’une infirmière pour 14 patients en hospitalisation MCO. Pourtant, plusieurs études et les expériences dans d’autres pays montrent que le ratio de patients par infirmière est un déterminant puissant de la quali- té de vie au travail donc de la stabilité des équipes mais surtout des complications en cours d’hospita- lisation, des réhospitalisations et même de la mor- talité. Ce ratio n’est étonnamment pas un critère

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