CARDIO H - N°68 / DÉCEMBRE 2024
Cette activité libérale pose plusieurs problèmes qui ne peuvent que perturber le fonctionnement de l’hôpital et des équipes : - pour les patients, cela crée une inégalité d’accès aux soins entre la consultation privée à 2 semaines versus la consul- tation publique pour laquelle il faut attendre 6 mois. Dire qu’ils ont le choix est faux : lorsque l’on est malade ou qu’on craint l’être, on n’est pas en état de faire un choix éclairé. - cela laisse croire aux patients que ceux qui font du privé à l’hôpital sont meilleurs que ceux qui n’en font pas et surtout qu’ils seront mieux soignés s’ils payent un supplément, ce qui est exactement le contraire de l’esprit du service public. - cela crée une inégalité entre les praticiens qui font des actes techniques rémunérateurs et les autres. On peut ga- gner beaucoup d’argent en faisant des angioplasties co- ronaires, même en secteur 1, à l’hôpital. Par contre, c’est beaucoup moins rémunérateur si on fait de l’échographie cardiaque. Et que dire des pédiatres et des gériatres qui ne font pas d’acte technique. Par ailleurs, lorsque les médecins font du libéral en secteur 1 à l’hôpital public, ils sont payés 2 fois par la collectivité pour le même travail, une fois par leur salaire et une fois par la rémunération de l’acte, ce qui est absurde. - cela désorganise l’hôpital. A l’APHP, la programmation des patients privés au bloc opératoire est une des premières sources de conflit entre chirurgiens. La majeure partie des revenus des médecins provient de la Sécu et des complémentaires et il n’est donc pas sain que ce soit les médecins eux même qui décident du niveau de salaire qu’ils pensent mériter, même si c’est avec « tact et mesure ». Il est urgent de discuter démocratiquement du niveau de salaire souhaitable pour les médecins et de diminuer
la différence de revenus entre public et privé mais aussi entre spécialités. En revanche, la permanence des soins, les gardes et astreintes doivent être bien valorisées finan- cièrement car elles sont majoritairement assurées dans le public et c’est ce qui retentit le plus sur la qualité de vie des soignants. Quelles sont vos propositions pour lutter contre la financia- risation du système de santé ? Dr MILLERON : La financiarisation concerne tous les champs de notre sys- tème de santé de la biologie aux centres de consultations en passant par les cliniques et la radiologie. Plus de 60 % des cliniques privées en France appartiennent à des grands groupes eux même détenus par des acteurs financiers tels que des fonds de pension ou des banques. Les cliniques financiarisées ont pris une telle place dans le pays qu’elles sont devenues « too big to fail » : quand elles ont menacé de faire grève au printemps dernier, elles n’ont même pas eu besoin de la faire pour obtenir des garanties du ministre de la santé. En cas de difficultés financières elles seront aidées par l’Etat ou la Sécu. Cela signifie que lorsqu’une clinique privée fait des bénéfices, ils seront versés aux actionnaires et lorsqu’elle sera en déficit, ce dé- ficit sera socialisé ! Il convient donc d’empêcher, par la loi, la concentration des acteurs privés dans le secteur de la santé et de rendre moins attractifs, par la fiscalité, les investissements des fi- nanciers dans ce secteur.
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