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CARDIO H - N°68 / DÉCEMBRE 2024

Spironolactone de routine dans l’infarctus aigu du myocarde Dr Alexandru MISCHIE 1 , Dr Mazou TEMGOUA 2 , Dr Jean-Lou HIRSCH 3 1. CH de Châteauroux. 2. CH de Haute Corrèze. 3. CH d’Avignon. CONTEXTE

de novo ou aggravée, ni l’incidence des critères composites (décès d’origine cardiovasculaire, infarctus du myocarde récidivant, accident vasculaire cérébral ou insuffisance cardiaque de novo ou aggravée) sur une période de suivi médiane de 3 ans. L’incidence de l’hyperkaliémie et de gy- nécomastie était plus élevée avec la spironolactone compa- rée au placebo. L’étude princeps d’évaluation de l’aldactone (RALES) avait assigné de manière aléatoire 1663 patients atteints d’insuffisance cardiaque chronique de classe III ou IV de la New York Heart Association avec fraction d’éjec- tion réduite ( ≤ 35 %) à recevoir de la spironolactone ou un placebo. La mortalité toutes causes confondues (critère de jugement principal) était de 30 % inférieure dans le groupe spironolactone comparé au placebo, et la fréquence d’hos- pitalisation pour insuffisance cardiaque était de 35 % in- férieure dans le groupe spironolactone. L’essai EPHESUS ( Eplerenone Post-Acute Myocardial Infarction Heart Failure Efficacy and Survival Study ) avait assigné de manière aléa- toire 6642 patients atteints d’infarctus du myocarde qui avaient une fraction d’éjection inférieure à 40 % et une in- suffisance cardiaque ou un diabète sucré à recevoir de l’éplé- renone ou un placebo. L’utilisation de l’éplérénone a été as- sociée à une réduction de 15 % du risque relatif de décès toutes causes confondues et d’hospitalisation pour insuffi- sance cardiaque. En revanche, l’essai ALBATROSS ( Aldos- terone Lethal Effects Blockade in Acute Myocardial Infarction Treated with or without Reperfusion to Improve Outcome and Survival at Six Months Follow-Up ) qui assignait de manière aléatoire 1603 patients atteints d’infarctus du myocarde sans insuffisance cardiaque à recevoir de la spironolactone ou un placebo n’a pas montré de réduction du risque d’évé- nements cardiovasculaires avec la spironolactone. Enfin, un essai randomisé supplémentaire impliquant des patients at- teints d’un STEMI sans insuffisance cardiaque a montré que l’éplérénone réduisait le taux de peptides natriurétiques ; une méta-analyse a suggéré un bénéfice des antagonistes des minéralocorticoïdes chez les patients après un infarc- tus du myocarde sans insuffisance cardiaque. Un essai ré- cent comparant les inhibiteurs du récepteur de l’angioten- sine-néprilysine à un inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine chez 5661 patients atteints d’un infarctus du myocarde n’a pas montré de réduction significative de l’incidence de décès par causes cardiovasculaires ou par insuffisance cardiaque. Cependant, une analyse explora- toire a montré que moins d’événements cardiovasculaires au total se sont produits avec les inhibiteurs du récepteur de l’angiotensine-néprilysine versus inhibiteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine. Un essai récent sur l’empa- gliflozine portant sur 3620 patients atteints d’un infarctus du myocarde n’a pas montré de réduction du risque de dé- cès ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, mais moins d’événements d’insuffisance cardiaque se sont pro- duits avec l’empagliflozine comparé au placebo. Ces résul- tats sont similaires aux résultats de l’essai actuel et mettent en évidence les défis à relever pour améliorer les résultats après un infarctus du myocarde à l’ère moderne.

Il a été démontré que les antagonistes des récepteurs des minéralocorticoïdes réduisent la mortalité chez les patients ayant présenté un infarctus du myocarde avec insuffisance cardiaque congestive. Cependant, on ne sait pas avec cer- titude si l’utilisation systématique de la spironolactone est bénéfique après un infarctus aigu du myocarde. MÉTHODES Dans cet essai multicentrique avec un plan factoriel 2x2, les auteurs ont assigné de manière aléatoire des patients ayant présenté un infarctus du myocarde revascularisé par voie percutané à recevoir soit de la spironolactone versus place- bo, et soit de la colchicine versus placebo. Les deux prin- cipaux critères de jugement étaient un composite de décès d’origine cardiovasculaire ou d’insuffisance cardiaque de novo ou aggravée, évalué comme le nombre total d’événe- ments ; et un composite de la première occurrence d’infarc- tus du myocarde, d’accident vasculaire cérébral, d’insuffi- sance cardiaque de novo ou aggravée, ou de décès d’origine cardiovasculaire. La sécurité a également été évaluée. RÉSULTATS Les auteurs ont recruté 7062 patients dans 104 centres de 14 pays ; 3 537 patients ont été assignés au groupe spiro- nolactone et 3 525 au groupe placebo. Au moment des ana- lyses, le statut vital était inconnu pour 45 patients (0,6 %). Concernant le premier critère de jugement principal, il y a eu 183 événements (1,7 pour 100 patients-années) dans le groupe spironolactone contre 220 événements (2,1 pour 100 patients-années) dans le groupe placebo sur une période de suivi médiane de 3 ans ( hazard ratio ajus- té pour le risque concurrent de décès de causes non car- diovasculaires, 0,91 ; intervalle de confiance [IC] à 95 %, 0,69 à 1,21 ; p = 0,51). En ce qui concerne le deuxième cri- tère de jugement principal, un événement s’est produit chez 280 des 3 537 patients (7,9 %) du groupe spironolactone et 294 des 3 525 patients (8,3 %) du groupe placebo ( hazard ratio ajusté pour le risque concurrent, 0,96 ; IC à 95 %, 0,81 à 1,13 ; P = 0,60). Des événements indésirables graves ont été signalés chez 255 patients (7,2 %) du groupe spironolac- tone et 241 (6,8 %) du groupe placebo. CONCLUSION Chez les patients présentant un infarctus du myocarde, la spironolactone n’a pas réduit l’incidence de décès d’origine cardiovasculaire ou d’insuffisance cardiaque de novo ou aggravée, ni l’incidence du composite de décès d’origine cardiovasculaire, d’infarctus du myocarde, d’accident vas- culaire cérébral ou d’insuffisance cardiaque de novo ou ag- gravée. DISCUSSION Après un infarctus du myocarde, le traitement par spirono- lactone, par rapport au placebo n’a pas réduit l’incidence de décès d’origine cardiovasculaire ou d’insuffisance cardiaque

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