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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO DU JEUDI 25, VENDREDI 26 ET SAMEDI 27 JUIN 2020

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ouverte. La politique de baisse du taux directeur a été poursuivie depuis plusieurs années sans qu’il y ait un réel effet sur l’investissement. La raison en est que : 1/ Les taux débiteurs au Maroc sont connus par leur rigidité à la baisse, ce qui entrave la transmis- sion de la politique monétaire expansionniste et rend ce canal au moins partiellement inopérant. 2/ La structure oligopolistique du système ban- caire marocain fait que l’ajustement entre l’offre et la demande des liquidités se fait par les quantités et non par les prix (taux d’intérêt en l’occurrence). Ces quantités étant déterminées par les banques sur la base de leurs propres stratégies internes (bénéfices, parts de marché, etc.), la baisse du taux directeur aura alors très peu de chances d’agir sur le volume des crédits distribués. 3/ L’investissement au Maroc étant plus sensible aux perspectives économiques et à l’accès aux financements qu’aux coûts de l’emprunt, les banques, même si elles jouent le jeu de la baisse des taux, l’activité peinerait à décoller. 4/ Le financement d’une partie de la dette du Trésor par les banques leur garantit un place- ment sûr, qui ne les incite pas à accompagner le développement économique du pays, étant par définition risqué et dont l’issue est incertaine, et à réagir à une politique monétaire expansionniste. Ce dernier point ne concerne pas uniquement l’outil du taux directeur, mais il explique en partie l’efficacité limitée que peut avoir l’ensemble des instruments conventionnels de la politique moné- taire. Pour toutes ces raisons, la baisse du taux direc- teur ne va pas produire les effets qu’on lui a attribués consistant à aider à redresser de la situation conjoncturelle, et encore moins d’agir en profondeur sur la structure de l’économie et le bien-être social. F.N.H. : Qu’en est-il des autres mesures prises par la Banque centrale concernant la libération intégrale du compte des réserves et d’allègement des règles macro-pruden- tielles ? Y. T. : Le deuxième canal mobilisé par la Banque centrale pour faire face à la crise actuelle, à savoir la baisse du taux des réserves obligatoires, apporte certes une bouffée d’oxygène sur le mar- ché monétaire de l’ordre 10 milliards de dirhams. Rapportés à un encours de crédits qui s’élève à plus de 900 milliards de DH et à supposer que la totalité de ces 10 milliards sera destinée au finan- cement de l’économie, tant à dire qu’il s’agit d’une goutte d’eau douce dans l’océan. Par ailleurs, avec les mesures d’allégement des règles prudentielles et les programmes de refi- nancement ciblé et conditionné des banques, la politique monétaire emprunte cette fois-ci une nouvelle voie plus prometteuse pour assurer la transmission de ses actions à l’économie réelle.

Financement de l’économie

«La politique monétaire est restée globalement prisonnière de ses outils conventionnels» ◆ Les nouvelles mesures de Bank Al-Maghrib s’inscrivent dans l’objectif d’atté- nuer l’impact de la pandémie de la Covid-19 et de donner un nouveau souffle au financement de l’économie nationale. ◆ Yasser Tamsamani, docteur en économie de l’Université Paris 1 Panthéon- Sorbonne, qui estime que la baisse du taux directeur aura très peu de chances d’agir sur le volume des crédits distribués, nous livre son analyse sur les déci- sions prises par la Banque centrale.

bue aux politiques économiques un rôle contra- cyclique. Dans ce cadre d’analyse particulier, la question qui se pose est celle de la capacité de telle ou telle mesure à permettre à l’économie nationale de remonter la pente ? De même, si on suppose, par hérésie, que la politique éco- nomique aurait comme finalité d’agir également sur la tendance de sorte à ce que le bien-être social d’après Covid-19 soit «meilleur» que celui d’avant, ces nouvelles mesures monétaires per- mettent-elles d’atteindre cet objectif ? En recourant au canal de la baisse du taux direc- teur pour dynamiser l’économie, la Banque cen- trale est en train d’enfoncer une porte qui est déjà

Propos recueillis par la rédaction

Finances News Hebdo : Face à l’ampleur des effets de la crise Covid-19 sur l’économie marocaine, Bank Al-Maghrib a fait preuve de réactivité et a déployé une armada de mesures, dont celle consistant à baisser d’une manière successive son taux direc- teur. Comment jugez-vous ces décisions ? Yasser Tamsamani : Tout d’abord, il faudrait rappe- ler que la nature expansionniste de ces nouvelles mesures monétaires est conforme aux recom- mandations de la littérature économique qui fait autorité aujourd’hui en la matière, et qui attri-

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