12
BOURSE & FINANCES
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 20 AVRIL 2023
www.fnh.ma
Flambée des prix Non !, chers monétaristes, l’inflation au Maroc n’est pas monétaire D epuis le début de la flambée des prix au Maroc, le débat va bon train sur le fon- dement de ce que qui présentent l’actuelle inflation au Maroc comme étant exclusi- vement monétaire et imputable à un prétendu laxisme moné- taire de BAM qui remonterait au moins à 2005. monétaire, M3 est un agrégat utilisé pour mesurer la masse monétaire. Il comprend M1, à savoir les actifs liquides (monnaie fiduciaire, scripturale et dépôts à vue), M2, les actifs monétaires moins liquides (comptes sur car- net, livrets) et les actifs les moins liquides (comptes à terme, titres OPCVM,...). Par Rachid Achachi, chroniqueur, DG d’Archè Consulting
moins d’une urgence ou d’une envie pressante et irrésistible de tomates, cela ne risque pas d’arriver, du moins si l’on se situe toujours dans le paradigme libéral de l’homo-economicus. A partir des données sur ce tableau, il nous est possible de distinguer 2 phases. La première va de 2005 à 2015. Durant cette période, M3, soit la masse moné- taire, a effectivement plus que doublé. Cependant, la part de M2, soit la composante liquide de la masse monétaire, a même relativement diminué, au profit de la partie la moins liquide. Cela peut s’expliquer en partie par le fort développement qu'ont connu les marchés financiers durant le milieu des années 2000, avec notamment l’introduction de plusieurs grandes entreprises comme Maroc Telecom. La capitalisation boursière a ainsi, à titre d’exemple, connu une augmentation de 65,30% en 2006 par rapport à 2005. Ainsi, le surplus monétaire constaté durant cette période à travers l’évolution de M3 a davantage nourri la croissance des marchés financiers que l’économie réelle. Quant aux actifs monétaires liquides, leur part relative a même diminué. Par conséquent, si une inflation a bien résulté de l’augmenta- tion de la masse monétaire (M3) entre 2005 et 2015, elle s’est située davantage au niveau des marchés des titres financiers. Quant à la deuxième phase allant de 2015/2016 à 2019, la remontée de la part relative de M2 dans le total de la masse monétaire peut en partie s’expli-
Qu’en est-il réellement ? Si cette dernière analyse d'obé- dience monétariste paraît à première vue imparable, il en est tout autrement dès que l’on plonge dans le détail. Je la quali- fie de monétarisme en référence à la célèbre définition donnée par Milton Friedman de l’infla- tion, pour qui : «l’inflation est toujours et partout un phéno- mène d’origine monétaire». Elle serait dans cette perspective provoquée par une hausse plus rapide de la masse monétaire que du PIB. Cette analyse se fonde sur plusieurs arguments majeurs, que l’on tentera de dis- cuter un à un. Premièrement, le ratio M3/PIB Pour rappel, en macroéconomie
l’on a pris l’habitude de qualifier d’inflation. Car, si au début la racine du mal était clairement énergétique au vu du conflit en Ukraine, elle a très rapidement pris un tournant de plus en plus alimentaire, de quoi semer le doute dans les esprits des non- initiés. Ainsi, si certains économistes et hauts responsables comme Ahmed Lahlimi ou Najib Akesbi pointent du doigt des dysfonc- tionnements structurels propres à notre économie, d’autres ont un avis fortement contrasté. On peut citer à titre d’exemple l’évo- lution de l’avis du Wali de Bank Al-Maghrib pour qui, l’inflation fut importée à ses débuts avant de devenir un peu plus tard endogène. Ou encore d’autres
Si ce ratio (M3/PIB) sert habituel- lement à mesurer le niveau de maturité d’un système financier, certains entendent implicitement l’utiliser pour démontrer que le déphasage entre l’évolution de la masse monétaire et le PIB au Maroc, est à l’origine de l’in- flation actuelle. Pour cela, ils comparent graphiquement l’évo- lution des deux agrégats, qui démontrent effectivement qu’à partir de 2005/2006, la masse monétaire a commencé à croître plus rapidement que le PIB. Première objection : pourquoi M3 ? Car s’il s’agit de rapporter la monnaie en circulation, c'est- à-dire celle qui peut poten- tiellement nourrir des ten- sions inflationnistes, au PIB, il serait plus adéquat d’uti- liser l’agrégat qui exprime le plus pertinemment la composante liquide de la masse monétaire, soit M2. Car le risque que j’aille ache- ter massivement des tomates ou un smartphone avec mon argent bloqué sur mon compte à terme, est me semble-t-il qua- siment nul, vu le coût que je devrais supporter pour convertir cet actif non liquide en monnaie sonnante et trébuchante. Car à
Milton Friedman : «l’inflation est toujours et partout un phénomène d’origine monétaire».
Les légumes ne coûtent pas plus cher car les Marocains ont plus ou trop d’argent.
Made with FlippingBook flipbook maker