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BOURSE & FINANCES
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 20 AVRIL 2023
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quer par la hausse importante et ininterrompue des crédits immobiliers à partir de 2016. Ainsi, au moment où les crédits à la consommation ont quasi- ment stagné durant la période, ceux destinés à l’immobilier ont connu une croissance impor- tante, à l’origine certes d’une hausse importante des prix des biens immobiliers, mais aucu- nement de l’inflation qui est une hausse généralisée et non sec- torielle des niveaux des prix. Par conséquent, de même que les marchés financiers, l’immo- bilier a capté en partie l'excé- dent de la croissance de la masse monétaire. Deuxième objection : le PIB, Seriously ? Passons désormais à la deu- xième composante du ratio uti- lisé, j’ai nommé le PIB. L’économie marocaine, comme nous le savons, est composée de deux grands secteurs : le formel et l’informel. Mais comme pour la plupart des pays en voie de développement ou d’émer- gence, la part de l’informel au Maroc est largement supérieure à celle que l’on retrouve dans des pays développés. Le poids de l’informel au Maroc est estimé entre 30 et 40% du PIB. Soit environ un tiers de la création de richesses ou de valeurs se fait en dehors des radars. Mais si du point de vue de la comptabilité nationale, l’in- formel est pris en compte dans le calcul du PIB, il n’en demeure pas moins vrai que la démarche se fonde sur des estimations, des enquêtes et des données diverses et éparses. Ainsi, les plus belles estimations du monde ne peuvent donner que ce qu’elles ont. Il est par consé- quent fort probable que le poids de l’informel soit sous-estimé dans le calcul du PIB marocain. Ce qui, le cas échéant, risque de remettre en cause les résul- tats obtenus par le ratio M3/ PIB, ainsi que les conclusions qui peuvent en découler. Car si notre PIB est par exemple
Évolution de la structure de la masse monétaire (M3, M2 et M3-M2)
2005
2007
2010
2013
2015
2019
2022
M3 (la masse monétaire)
480.011
651.333,7
868.502
993.067
1.100.392,7
1.331.859
1.605.149
804.638
M2 (la composante liquide)
363.758
487.986
618.857,7
727.709
1.028.741
1.296.951
M3-M2 (la composante la moins liquide)
116.253
163.347,7
249644,3
265.358
295754,7
303.118
308.198
M2 (en % de M3)
75,78%
75%
71,25%
73,27%
73,1%
77,24%
80,8%
M3-M2 (en % de M3)
24,2%
25%
28,74%
26,72%
26,87%
22,75%
19,2%
Ventilation du crédit bancaire entre 2008 et 2023
350.000
300.000
250.000
200.000
150.000
100.000
50.000
0
Crédiits immobiliers
Crédits a la consommation
réellement de 10% supérieur à sa valeur officielle, cela tirera le ratio vers le bas, ramenant ainsi le rapport entre la masse moné- taire et le PIB à des niveaux moins problématiques. Troisième objection : le tro- pisme énergétique, puis ali- mentaire de l’inflation Si le mal, soit la politique moné- taire prétendument laxiste de BAM, remonte à 2005, il a fallu quand même attendre environ 15 ans pour que cela produise ses effets. Cependant, le fait est que la dynamique inflationniste actuelle a bel et bien commencé avec la crise énergétique mon- diale, ce qui donna un caractère éminemment importé à l’inflation que nous vivons. Car comme le dit si bien l’excellent Charles Gave, l’économie c’est avant tout de l’énergie transformée. Quand les prix de l’énergie aug- mentent, tous les prix augmen- tent. Il est vrai que la hausse des prix de l’énergie à l’échelle mon- diale a été un peu trop facilement imputée au conflit en Ukraine.
Car en réalité, les raisons sont à chercher du côté des poli- tiques monétaires, pour le coup réellement laxistes, menées par les plus grandes Banques cen- trales occidentales (FED, BCE, BOE) depuis 2008, et à des niveaux plus importants durant la période Covid. Ajoutons à cela la désorganisation de la Supply Chain qui en découla, et l’explo- sion des prix et la raréfaction des semi-conducteurs. Mais le cœur de mon objec- tion réside ailleurs. Il réside au niveau du tropisme désormais alimentaire de la hausse des prix. Car, contrairement aux pro- duits de luxe et aux biens à fortes intensités technologiques dont l'élasticité de la demande est importante, la demande de biens essentiels est fondamen- talement rigide. Autrement dit, les riches ne mangent pas plus de tomates que les pauvres. Ainsi, que M1, M2 ou M3 augmentent, cela ne se traduira aucunement par une augmentation fulgurante de la demande de tomates,
de carottes ou d'oignons. Il en résulte que non, les légumes ne coûtent pas plus cher car les Marocains ont plus ou trop d’argent comme le sous-entend cette analyse. Par conséquent, si la demande est rigide et n’y est donc pour rien, le problème au niveau du marché de l’alimentaire réside davantage au niveau de l’offre. Autrement dit, au niveau de la hausse des coûts des intrants, des séquelles des précédentes sécheresses, de la multiplicité et de l’opportunisme des inter- médiaires, et enfin, au niveau de l’échec enfin constaté du Plan Maroc Vert. Pour le dire plus simplement, cette hausse, comme l’a clairement expliqué Ahmed Lahlimi, ne peut avoir pour origine que des problèmes structurels profonds. Pour conclure, je rappellerais que je maintiens en réserve d’autres objections constructives, que je garderais bien au chaud pour une future chronique. En atten- dant, je vous souhaite une bonne fin de Ramadan. ◆
La dyna- mique infla- tionniste actuelle a bel et bien commencé avec la crise énergétique mondiale.
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