FNH N° 1080

18

BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 13 OCTOBRE 2022

www.fnh.ma

Stagflation, politique de relance et «Etat social» L a stagflation vers laquelle se dirigent les économies du monde, pousse les Banques centrales à durcir leurs politiques monétaires. Cette orienta- tion vers des politiques plus rigides, Par Selma SIDKI Enseignant-chercheur en économie /université Ibn Toufail

comme moyen de lutte contre la flambée des prix sur les marchés de l’énergie et des matières premières, induit l’économie mon- diale (qui souffre déjà des répercussions de la Covid 19), vers une récession lourde de conséquences. Pour répondre à ce contexte économique sombre, les gouvernements tentent de mettre en place des politiques de relance pour soutenir l'activité économique. Les interventions des gouvernements se doivent d’être urgentes, eu égard à l’ampleur de la récession vers laquelle se dirige l’éco- nomie mondiale. Les programmes de relance se basent essentiellement sur des politiques budgé- taires laxistes, à travers l’augmentation des dépenses publiques destinées à l’investis- sement et au soutien des couches défavo- risées. Or, dans un contexte marqué par des taux de déficit et d’endettement élevés, les marges de manœuvre des politiques de relance restent limitées. Dans le même sillage, le durcissement des politiques monétaires par les Banques cen- trales rend la tâche plus difficile aux politiques de relance et leurs coûts d’autant plus élevés. Cette situation exige des gouvernements des efforts budgétaires plus soutenus pour réa- liser les résultats escomptés en matière de relance économique. Les gouvernements sont également (dans ce contexte de déficits élevés), préoccupés par la réalisation de marges financières et la réduction des déficits. Cela questionne la gouvernance et l’efficience de la dépense publique parce que, eu égard à l’ampleur de la récession économique, l’arbitrage défi- cit-relance devrait se solder en faveur de la relance économique. Les déficits publics ne sont jamais un mal en soi, à condition qu’ils soient légitimés par la contribution à la croissance économique et

Le durcissement des politiques monétaires par les Banques centrales rend plus difficile les politiques de relance.

au bien-être social. La Loi de Finances pour l’année 2023 devrait être fidèle à l’essence du programme gou- vernemental, notamment en ce qui concerne l’équité sociale et l’efficience économique, et l’effort budgétaire devrait s’orienter essentiel- lement vers : 1) Un soutien au pouvoir d'achat des citoyens par le biais d'une hausse des salaires, soit par une baisse des impôts sur les revenus, ou une hausse directe des salaires, ce qui permettra aussi une relance de l'activité économique par la demande. 2) Un soutien aux couches vulnérables et pauvres par la mise en place de transferts monétaires directs et ainsi institutionnaliser cette forme d'intervention publique. Et c’est ainsi que le registre social normalisé ne devrait plus tarder à voir le jour. La note de cadrage du chef du gouvernement évoque comme axes prioritaires, pour la Loi de Finances 2023, le soutien à la crois- sance économique et la consolidation de «l’Etat social». Deux objectifs qui semblent en osmose avec le contexte économique actuel. Cependant, cette note évoque également la volonté du gouvernement de réaliser des marges financières ou, en d’autres termes, de réduire le déficit public.

La réalisation de cet objectif reste difficile dans un contexte où la dépense publique constitue une locomotive pour la reprise économique, et toute mesure restrictive doit s’effectuer en dehors des dépenses d’inves- tissement et de celles destinées au soutien au pouvoir d’achat. L’effort budgétaire est d’autant plus insistant que la politique de relance sera de neutraliser par la hausse des taux directeurs par Bank Al-Maghrib (qui se poursuivra en 2023), d’un côté parce que l’effet du multiplicateur bud- gétaire est toujours plus faible lorsque les taux d’intérêt directeur sont loin de la barre zéro, c’est-à-dire sans soutien de la politique monétaire, et d’un autre côté parce que le multiplicateur budgétaire se situe au Maroc en deça de 1, ce qui rend son action limitée par défaut. Dans ce contexte, le recours à un Policy-mix où la politique monétaire soutient l’effort budgétaire relève de la sagesse économique. L’indépendance de l’institut d’émission tire toute sa légitimité dans sa capacité à être flexible lors des crises surtout que l’orienta- tion à relever les taux par Bank Al-Maghrib n’aura qu’un effet limité sur la maîtrise de l’inflation, qui est essentiellement une infla- tion importée. ◆

Les déficits publics ne sont jamais un mal en soi, à condition qu’ils soient légitimés par la contri- bution à la croissance éco- nomique et au bien-être social.

Made with FlippingBook flipbook maker