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JEUDI 19 JANVIER 2023 FINANCES NEWS HEBDO
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Peinture décapante de l’Afrique du Sud Théâtre ◆ L’Institut Français, le bienheureux, reçoit «Mon pays, ma peau», une pièce féroce, piquante et triste d’illusions perdues. Vue des coulisses.
tats, sabotages, culte de force, machisme, mépris du droit, arrestations et répressions sanglantes, bavures policières et meurtres menés par de mys- térieux «escadrons de la mort à la sud-américaine» rythmèrent amèrement le quotidien de la population. L'ordre fléchissait pendant que le chaos s’ins- tallait et que les puis- sances occidentales tournoyaient au ciel tels des prédateurs qui guettent la mise à mort d’une proie. Ces années de ségréga- tion systématique ont divisé profondément l’Afrique du Sud. «Mon pays, ma peau» sonde cette difficile «réconcilia- tion nationale» post-apar- theid, en retraçant le quoti- dien de la commission Vérité et Réconciliation, dirigée par le pacifiste archevêque angli- can Desmond Tutu. Sillonnant l'Afrique du Sud et recueillant des témoignages des noirs et des blancs, des riches et des pauvres, aussi bien des familles endeuillées que des assassins sans scrupules, ladite commission s'évertuera à recenser et à apporter un éclairage bouleversant sur cer- taines zones d’ombre de l’his- toire de l’Afrique du Sud, et ce dans un but d'apaisement et de réparation. Vient ensuite Antjie Krog − interprétée ici par Romane Borhinger −, célèbre poétesse Afrikaner envoyée spéciale-
ment pour couvrir ces audi- tions. Soit. Cette journaliste n'est clairement pas tout à fait objective, puisqu’en tant que blanche, elle vient du «camp des bourreaux». Elle affronte donc les interrogations ainsi que les peurs les plus intimes et vit, elle aussi, cette néces- saire «réconciliation nationale», au plus profond de son corps et de ses convictions. Son récit quotidien des auditions, tantôt ébloui, tantôt amer, fut initia- lement consigné sous forme d’un livre sobrement intitulé « Country of my Skull » (dont la metteuse en scène Lisa Schuster a fait une adaptation fluide et subtile qu’est «Mon pays, ma peau»). Diouc Koma, quant à lui, interprète habilement et avec quelques marqueurs de ges- tuelle et de voix les proches d’Antijie ainsi que les différents personnages qui gravitent autour de cette commission. Le piètre décor (une table en bois, deux chaises d'écolier, un vieux poste de radio, un enregistreur et un micro) rap- pelle volontairement le pauvre mobilier du média et souligne son importance pour relayer les informations circulant au sein de la commission Vérité et Réconciliation… Il n’y a pas lieu, cependant, de faire la fine bouche. La pièce est intéressante, jamais las- sante. Elle nous enchantera avant d’illuminer «Mon pays, ma peau» qu’on dit par trop terne. ◆
Diouc Koma joue une pléiade de citoyens sud-africains. À ses côtés, Romane Bohringer inter- prète la poétesse et journaliste sud-africaine Antjie Krog, une femme engagée et passionnée.
avoir vu cette pièce. Qu’est- ce à dire sinon que la bles- sure est toujours béante, faute de véritable travail de deuil ? Or, celui-ci ne peut avoir lieu que si nous soulageons notre passé de la lourde chape qui pèse sur lui. En cela, «Mon pays, ma peau» est un prélude au devoir de mémoire. Plaies d'après Apartheid Nous sommes en 1995. Nelson Mandela devient le premier président noir d'Afrique du Sud, mettant fin à l'Apartheid après des décennies d'un sys- tème roué et hostile, mis en place en 1948, où la violence est un style de vie, une façon d’exprimer une colère vide et sans espoir. Ce sont tous les camps politiques, sociaux et ethniques, eux-mêmes déshé- rités et vulnérables, qui en font les frais. Guerre civile, atten-
Par R. K. H.
T elle une «hache», «Mon pays, ma peau» brise cette «mer gelée», dont parlait Kafka, sur laquelle se fracasse la mémoire d’un sombre épisode de l’histoire de l’Afrique du Sud. En neuf scènes cinglantes comme des coups de fouet, les pro- tagonistes, Romane Bohringer et Diouc Koma, descendent parmi les fantômes qui les cernent encore de leur pré- sence. Les interprètes revoient - par le menu - l’enfer vécu dans la chair, dans l’âme, dans le tréfonds des êtres. Les témoignages atroces sont si justes qu’ils résonnent en nous comme une réminiscence. Et le calvaire enduré devient le nôtre. Nous en ressentons les stigmates longtemps après
La pièce est intéressante, jamais las- sante. Elle nous enchan- tera avant d’illuminer «Mon pays, ma peau» qu’on dit par trop terne.
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