FNH N° 1092

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CULTURE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 19 JANVIER 2023

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Exposition

◆ Les toiles de Yassine Balbzioui, exposées dans «Charades», soufflent le visiteur par la profondeur et la franchise des sentiments qui s’en dégagent. Expressionnisme de l'étrangeté L e pinceau leur a voilé la face, et y a déposé du noir, du bleu, du vert-de- gris… des teintes Par R. K. H.

l’ensemble, ils se tiennent parfois seuls, debout, dans le vide, les traits à peine per- ceptibles. Si l’on renversait les toiles d’un quart de tour, ce pourrait être des gisants. Les œuvres réalisées par Balbzioui composent un théâtre dont les protagonistes dansent un ballet de mort. Ces figures que l’on dirait d’un autre monde, troublent quiconque les fixe. Sous leurs masques, on ne sait plus s’ils rient ou pleurent. Mais une chose est sûre, l’artiste, sans grandiloquence, nous dit ce que nous sommes : des bonshommes de carnaval, silhouettes vacillantes à la recherche de repères. « Peindre est d’abord un acte physique chez Yassine, il souffre, peint à l’ancienne avec des huiles dont il faut maîtriser les mélanges, les nuances, les séchages, un talent qu’il a, et dont il est

malades, quoi ?! Les per- sonnages, tantôt avec lunettes, tantôt en cagoule, ne regardent plus rien ni per- sonne, sinon sans doute ce que fut leur existence avant qu’ils n’atterrissent là où ils sont aujourd’hui. Qui, de toute façon, pourraient-ils regarder ? Qui leur rendrait visite ? Qui leur tirerait le por- trait, immortalisant ce corps tout fripé assis sur une chaise médaillon et qui gratte ner- veusement les cordes de son ukulélé ? Yassine Balbzioui l’a fait avec cette toile, « The third song ». Et il a fait de même dans toutes les autres exposées à la MCC Gallery. Il peint les névrosés, les fous et les miséreux, ainsi que des gens plus chanceux, plus riches, saisis dans leurs gestes inconscients de travail ou d’abandon. On y trouve également des personnages à la fausse nonchalance des puissants, pas très à l’aise mais faisant comme si. Intenses et tourmentés sont- ils, mais accessibles, quand même : un espace d’intimité palpite entre eux et nous. Sur de grands fonds sombres, dont les sujets se détachent à peine, un fond de la couleur de leurs bras et de leur visage au diapason des tonalités de

devenu maître », écrit la cri- tique d’art Syham Weigant. Oui, et il invente en un coup de pinceau. Quoi ? Sa propre cosmogonie, sa propre ico- nographie; et donc sa propre lecture du monde, où tout pousse en désordre et vio-

lemment, là-dedans, comme à l’adolescence ou comme dans un cirque. Cette expo, il faut le dire, de ce trublion, est un foisonnant bordel, mais organisé façon étalage d’objets et défilé de têtes masqués. ◆

Un théâtre d’expérimentation L a charade participe, dans son énonciation, de la même sym- bolique que le conte philoso- phique. C’est un jeu initiatique structuré comme une énigme,

Le futur, le passé, et un présent hallu- ciné se mêlent ici pour créer un univers parallèle dont l’esthétique et la manière relèvent effectivement, sans aucun doute possible, du conte. À mon sens, tout le travail de Yassine Balbzioui emprunte à la fois à l’allégorie, à la mythologie et à cet exercice à la fois philosophique et ludique. Son œuvre, au travers de laquelle transparait l’univers du cirque, se trouve en équilibre instable, comme dans un exercice de funambule.

Yassine Balbzioui s’inscrit au cœur de cette notion de «sensibilité comme forme de l’expérience possible», comme l’écri- vait Gilles Deleuze. Une sensibilité à vif, à fleur de peau qui refuse l’élaboration intellectuelle, mais s’exprime dans une immédiateté, une spontanéité qui nous surprend et nous séduit, parce que, pour paraphraser Deleuze, l’œuvre de Balbzioui apparaît dans tous ses développements, comme une expérimentation. ◆ Simon Njami Essayiste camerounais, critique d’art et curateur de l'expo

un jeu de piste dont il faut franchir les différentes étapes pour parvenir au but; ce qui n’est pas sans rappeler les apho- rismes dont usent les conteurs pour nous édifier, tout en nous laissant le loisir d’accomplir, par nous-mêmes, notre part du chemin.

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