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CULTURE
JEUDI 25 MAI 2023 FINANCES NEWS HEBDO
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dans les années 70’s (Wanda; Easy rider; Point limite zero; Macadam à deux voies; La balade sauvage; Sugarland express). Motif repris dans les années 90’s par, bien sûr, Thelma et Louise (1991) ou encore «Un monde parfait» (1993). «Reines» s’ins- crit dans cette continuité et s’amuse avec les codes et les archétypes du genre dans un second degré assumé (braquage, barrage de police, échanges de coups de feu, course-poursuite, rencontre avec un autostoppeur, etc.). Outre ces références les plus évidentes, je citerais le «labyrinthe de pan» pour la puissance de l’imaginaire qui déborde sur le réel et le travail de Kusturica qui arrive à allier onirisme, humour et romanesque avec virtuosité. F.N.H. : Comment avez-vous pensé l’image du film ? Y. B. : Le chef opérateur de Reines est Pierre Aim. Pierre a une filmographie très éclectique (il a signé l’image de films aussi différents que «La haine» ou «Polisse»).
J’avais beaucoup aimé son travail sur le «Caire confidential», caméra à l’épaule mais stable, peaux chaudes et moites, nuits jaunes qui me rappelaient celles de mon enfance. Le format scope anamorphique s’est immédiatement imposé. D’abord, car il ancrait le film dans le western et dans la fiction, mais aussi parce qu’il permettait aux trois personnages d’exister dans le cadre sur un décor aussi étroit qu’une cabine de camion. Le film est coloré, et nous n’avons pas hésité à saturer et contraster en étalon- nage. C’était une volonté affichée de ma part. En intérieur, nous avons beaucoup travaillé sur le jaune et le vert, sans se soucier du réalisme : le film commence dans une prison verte. Mais la majorité du film est tournée en extérieur, en lumière naturelle. Et il a fallu nous adapter. Par exemple, la scène de danse était pré- vue dans un crépuscule chaud. Au final, nous avons eu de la brume et la lumière était très froide. Aujourd’hui, je suis très contente du côté irréel que donne le bleu à cette scène. Le film a imposé sa lumière. F.N.H. : Comment en êtes-vous venue à travailler avec Jozef Van Wissem qui a composé la musique du film ? Y. B. : C’est par la musique que je suis arrivée au cinéma. Je ne viens pas d’une famille particulièrement cinéphile; en revanche, nous sommes très mélomanes et tout le monde joue d’un instrument de musique. C’est en écoutant des B.O que je suis arrivée au cinéma. Ry Cooder m’a amenée à «Paris Texas», Sakamoto à «Un thé au Sahara» et Goran Bregovic au «Temps des gitans». J’écris en musique, et il était très impor- tant pour moi d’avoir la couleur de la
musique du film avant le tournage. Pour «Reines», j’avais en tête la musique entê- tante de Jozef Van Wissem dans les rues de Tanger filmées par Jim Jarmush dans «Only lovers left alive». Un son lyrique rock, avec une dimension onirique et la tonalité presque orientale que propose le luth. Jozef a immédiatement accepté de faire le film. Il a proposé plusieurs mélodies en amont du tournage sur lesquelles j’ai réé- crit le film : la tonalité était trouvée. En montage, nous avons mis du temps à trouver le thème du conte de Kandisha. Il fallait un thème qui soit lyrique, mélanco- lique et magique. Nous avons longuement discuté et Jozef m’a dit : en fait, ce qu’il faut, c’est du Satie. Et ça a marché F.N.H. : Votre film a fait sa pre- mière en clôture de la semaine de la critique à la Mostra de Venise le 9 septembre 2022 et a reçu un très bel accueil au festival de Marrakech en novembre. Que représente pour vous la sortie du film au Maroc ? Y. B. : Mostra internationale du cinéma de Venise est le plus vieux festival de cinéma du monde. Y montrer mon premier film était un moment aussi excitant que stressant. Le film a été très bien accueilli. C’était très émouvant. Depuis septembre, Reines n’arrête pas de tourner en festivals dans le monde. Plus d’une vingtaine de festivals : Venise, Marrakech, puis… de la Turquie à la Suède ,en passant par l’Alle- magne ou l’Inde où il a fait 3 festivals. Je reçois des messages enthousiastes de spectateurs indiens, c’est très touchant. La sortie marocaine, (ndlr) c’est la ren- contre du film avec son public premier, le public pour lequel le film a d’abord été pensé. ◆
Le film est coloré, et nous n’avons pas hésité à saturer et contraster en étalonnage.
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