FNH N° 1029

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TRIBUNE LIBRE

FINANCES NEWS HEBDO

MERCREDI 30 JUIN 2021

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dogmes. Ce qui est paradoxal, c’est que la commission affirme en même temps que le fonctionnement traditionnel et central de l’Etat n’est plus approprié au niveau du contexte national et international marqué notamment par l’incertitude et l’interdépen- dance. La commission propose-t-elle une nouvelle doctrine organisationnelle comme elle l’af- firme, celle de la complémentarité entre un «Etat fort et une société forte» ? Quelles sont les chances de la continuité d’un Etat «sécuritaire» pas forcément fort qui poursuit et consolide sa tutelle sur les citoyens et les institutions ? Apparemment, la commission ne fréquente pas la société civile, ni les réseaux sociaux et n’a aucun contact avec des personnes qui s’appellent, à titre d’exemple, Maâti Mounjib, Souleiman Raissouni, Omar Radi, T. Bouachrine, Nacer Zefzafi, etc. La liste est très longue. Peut-on porter de la vision du développement – en toute neutralité –, garantir l’équilibre et la justice quand on est dans une posture aussi hostile à une grande majorité de la population, ceux qui refusent de porter les lunettes du Maroc officiel, exclusivement en rose ! Le développement est économique, social, culturel…L’innova- tion et l’épanouissement du capital humain ne peuvent éclore sous la mise sous tutelle absolue et l’imposition des tabous y compris à la pensée. Quelles sont les chances et les conditions pour qu’un pays qui s’appuie sur le sécu- ritaire et le contrôle (économie de rente oblige), puisse se transformer en Etat stra- tège, mobilisateur et protecteur ? Le rapport ne fournit pas d’indications, et surtout il ignore des comportements autoritaires de l’Etat. Quatre axes principaux de transforma- tion ont été sélectionnés. Il est dit qu’ils devraient être conduits selon les principes et approches promus par le référentiel de développement et la doctrine organisation- nelle. Ainsi, l’économie est appelée à évoluer «d’une économie à faible valeur ajoutée et à basse productivité, avec des niches ren- tières et protégées, à une économie diversi- fiée et compétitive». Le capital humain doit être renforcé, ce qui suppose la mise en route de réformes essentielles et urgentes, des systèmes de santé, d’éducation et d’enseignement supérieur et professionnel. Le troisième axe de transformation aborde l’inclusion et vise la participation de toutes et de tous, à la dynamique nationale de déve- loppement. Enfin, la politique des territoires – rénovée – est considérée par le quatrième axe de transformation.

La commission sou- ligne que ce qu’elle propose nécessite la mobilisation de ressources financières consé- quentes.

Les incitations sont généralement orientées et captées par les rentiers qui se trouvent au cœur du système politique Dans le sens de mettre en place des bases pour le «nouveau» modèle de développe- ment, plusieurs propositions ont été avan- cées comme : consolider les organes de régulation déjà existants en leur garantissant leur indépendance, en privilégiant la probité et l’expertise dans les nominations de leurs structures de gestion, et améliorer l’accès à l’information et la gestion de conflits. En fait, ceci a été déjà dit et censé être appliqué depuis au moins la mise en place de l’instance centrale de prévention de la corruption (2007). Ce que le public a besoin de comprendre, ce sont les raisons qui se trouvent derrière le non-fonctionnement et l’inefficacité des institutions de régulation et de lutte contre la corruption. Si la commis- sion ne s’était pas fixée des lignes rouges à ne franchir sous aucun prétexte, un examen attentif du fonctionnement des institutions aurait permis de mieux saisir les blocages et les raisons de l’inefficacité et le déficit struc- turel de gouvernance. Pour favoriser l’inves- tissement dans des activités productives, il est suggéré de revoir le cadre incitatif. Et par ailleurs, d’utiliser la commande publique comme «levier stratégique de développe- ment productif». Qu’est-ce qui garantirait que les investissements et la commande publique puissent changer d’être au service de la rente pour servir l’intérêt commun et l’économie productive ? Sans des réformes politiques sérieuses, il est très probable qu’on maintiendra au stade des vœux pieux. La commission invite les pouvoirs publics à mettre en place un service civique national pour renforcer la participation citoyenne

et l’esprit de civisme des jeunes et conso- lider leurs compétences et leur employa- bilité. Le Maroc a connu une expérience du service civil, à très grande échelle. Elle a été abandonnée depuis longtemps pour différentes raisons (finances, utilité, etc.). Plus récemment, le service militaire a été instauré sans que qu’on puisse comprendre les raisons d’une décision pareille en dehors des circuits habituels de l’Etat. Le service militaire sera-t-il poursuivi ? Quels sont les enseignements dégagés de ces différentes expériences. Quel financement sans réforme fiscale ? La commission souligne que ce qu’elle pro- pose nécessite la mobilisation de ressources financières conséquentes, ce qui requiert la mise en place d’une stratégie de finance- ment adéquate. Selon les évaluations qu’elle juge préliminaires, il a été estimé que les réformes et projets proposés, nécessiteront des financements publics additionnels de l’ordre de 4% du PIB annuellement en phase d’amorçage (2022-2025) et de l’ordre de 10% du PIB en rythme de croisière à l’hori- zon 2030.» (p.154). L’amorçage risque d’être particulièrement difficile, du fait de la situation sanitaire et de sa gestion et de ses conséquences sur l’économie. Mais aussi du surendettement où se trouve le Maroc. Il faut signaler que la principale voie qui aurait permis de dégager des ressources propres et durables a été totalement ignorée : il s’agit d’une réforme fiscale sérieuse qui éliminerait les dépenses fiscales qui enrichissent les rentiers sans véritable apport productif. Et aussi agir dans le sens de l’élargissement de l’assiette fis- cale qui retient les principes de l’équité et de la progressivité. ◆

Pour favori- ser l’investis- sement dans des activités productives, il est suggéré de revoir le cadre incita- tif.

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