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ECONOMIE

JEUDI 18 ET VENDREDI 19 JUIN 2020 FINANCES NEWS HEBDO

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Justice à distance

◆ Le projet nécessite un débat profond et une concertation avec tous les intervenants. ◆ L’institutionnalisation du tribunal numé- rique doit s’inspirer des expériences réus- sies dans d’autres pays. Un grand défi législatif et juridique à relever L a crise du coro- navirus a impacté brutalement plu- sieurs secteurs. Dans la mesure pouvant assurer le dérou- lement des jugements en toute sécurité. Grâce à ce système, plus de 30.000 affaires ont été traitées depuis le 27 avril 2020. Par C. Jaidani

Le secteur de la justice est confronté à un vaste défi techno- logique, de nombreux acteurs ne maitrisant pas l’outil numérqiue.

Devant la Commission de justice, de législation et des droits de l’Homme à la Chambre des repré- sentants, Mohamed Benabdelkader, ministre de la Justice, a reconnu que le secteur a pris du retard au niveau de sa digi- talisation. Toutefois, l’ex- périence du tribunal numé- rique a donné des résultats intéressants. Le ministère, qui a préparé un projet de loi dans ce cadre permettant l’usage des moyens électroniques et dématérialisés dans les procédures judicaires, est confronté à de fortes critiques aussi bien de la classe politique, des juristes que des associa- tions de défense des droits de l’Homme. « L’institutionnalisation de la justice numérique doit

du possible, différentes activités ont maintenu leur fonctionnement total ou partiel grâce au télétravail et des systèmes d’opéra- bilité à distance. Pour certains secteurs, il est plus facile de s’adapter aux nouvelles contraintes. Ce n’est pas le cas pour la Justice où des défis légis- latifs, juridiques et logis- tiques doivent être levés. Le département de tutelle a pris des décisions radi- cales en arrêtant les audiences qui n’ont pas un caractère d’urgence et en laissant d'autres où le facteur temps est détermi- nant, à l’image de la déten- tion préventive, les affaires liées aux allocations fami- liales et les affaires en référé. La justice à dis- tance était la seule option

droits des femmes. Relatant son expérience dans le domaine du sou- tien des femmes en dif- ficulté, elle précise que plusieurs d’entre elles n’arrivent pas à défendre convenablement leurs droits dans les tribunaux à cause de leur ignorance ou analphabétisme. Il est utile de faciliter la procédure et d’assurer une assis- tance technique adéquate pour les justiciables. Les audiences à distance sont actuellement tenues exclu- sivement pour certaines affaires pénales, mais elles peuvent être élargies à d’autres branches, dans la mesure où le système de dématérialisation est maî- trisé. A noter que selon le Conseil supérieur du pou- voir judiciaire (CSPJ), le nombre d’affaires traitées durant la période du 8 au 12 juin par le système de jus- tice à distance s’est élevé 6.096 et celui des juge- ments prononcés à 2.406. Le nombre d’audiences s’élève à 344 pour 7.176 détenus concernés. ◆

s’inspirer des expériences réussies dans les autres pays, mais il faut prendre en considération les spé- cificités marocaines» , sou- ligne Nouredine Mediane, du Parti de l’Istiqlal. Y aller avec prudence Un avis conforté par Samir Aboulkacem, membre du bureau politique du Parti de l’authenticité et de la modernité (PAM), qui explique qu’ «un tel projet de loi va chambouler le paysage de la justice au Maroc. Il ne doit pas être élaboré dans la précipita- tion. Il faut recueillir l’avis de tous les intervenants sur le sujet. Certes, il y a le cas de force majeure qu’il

faut gérer intelligemment, mais il est nécessaire de mener des débats et avoir une concertation sur la question». Les militants des droits de l’Homme et les ONG insistent sur les garanties que peut assurer un tel système pour un jugement équitable préservant les droits des prévenus, de la défense ou des autres par- ties concernées. «Malgré les efforts alloués et les améliorations appor- tées, la justice maro- caine souffre de plusieurs lacunes qui perturbent souvent son fonctionne- ment. Outre l’insuffisance des ressources humaines et matérielles mobilisées, le secteur n’arrive toujours pas à proposer des ser- vices de qualité. Le digital peut apporter une nette amélioration des presta- tions s’il est maîtrisé et bien encadré. Dans le cas contraire, le risque de dégâts collatéraux n’est pas à écarter» , explique Najat Razi, ex-présidente de l’Association pour les

La crise de la Covid-19 est le catalyseur qui a poussé le gouvernement à accélérer la digitalisation du secteur de la Justice. La mise en place de différentes plate- formes numériques, comme www.mahakim.ma, a apporté une valeur ajoutée à ce projet, mais elles sont insuffisantes pour institutionnaliser une véritable justice à distance. Un important programme doit être mené pour former tous les inter- venants du secteur. Il serait utile d’installer aussi un matériel et des plateformes adaptées aux spécificités et aux besoins des juridictions marocaines. Des moyens adaptés aux spécificités marocaines

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