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vellement de certaines infrastructures comme le complexe Mohammed V de Casablanca, la construction de celui de Moulay Abdellah à Rabat, l’orga- nisation de cet événement a permis d’augmenter de 30% le nombre de pratiquants sportifs ayant une licence. Le phénomène a concerné plusieurs disciplines, surtout celles qui ont fait émerger des champions comme les deux frères Achik dans la boxe. Après la prouesse des Lions de l’Atlas au Qatar en 2022, on observe une forte demande d’inscription par les jeunes dans les écoles de football. F. N. H. : Mais paradoxalement, le nombre de licences dans le sport reste faible par rapport au potentiel existant ? M. E. Y. : Effectivement, le nombre de licences recensées par la Fédération royale marocaine de football (FRMF) est de 85.000. Rapporté à la population globale du Maroc, ce chiffre est insigni- fiant (2,1%). Sur l’ensemble des fédéra- tions, il ne dépasse pas 1%. Ces indica- teurs montrent que le Royaume n’est pas une nation de football, comparé à d’autres pays. Mais l’espoir est grand avec le Mondial 2030. L’organisation de cet événement suscite de l’intérêt auprès des citoyens marocains. C’est un stimulateur pour inciter les joueurs à adhérer à des clubs. Toutefois, une contrainte subsiste, qui est relative à la capacité d’accueil et les infrastruc- tures nécessaires. Ces deux facteurs sont essentiels pour que la Coupe du monde ait un effet sur la pratique spor- tive. J’insiste sur le volet infrastructures, car l’organisation d’une Coupe du monde ne signifie pas seulement se doter des stades, il faut aussi tout un écosystème dédié. Les visiteurs ont besoin d’éta- blissements de restauration avec ani- mation, des lieux de loisir, de shopping et autres. Il faut se demander aussi si la société marocaine peut accep- ter d’autres cultures. C’est vrai que le Maroc est un pays touristique, mais une certaine catégorie de la population est conservatrice et ne tolère pas cer- taines pratiques. Il est question aussi d’assurer un maximum de sécurité (tolérance zéro) pour éviter les agres- sions des visiteurs. L’enjeu est de taille et la Coupe du monde sera un tournant pour le Royaume. Il faut s’attendre à un autre Maroc par la suite.

l’organisation et les infrastructures. Il est donc important d’éviter ce qui s’est passé pour l’Afrique du Sud, la Russie ou le Brésil. L’Afrique du Sud avait fixé un budget de 225 millions de dollars. Mais ses prévisions ont été par la suite complè- tement faussées au point que l’enve- loppe a été rallongée à 2,1 milliards de dollars. Ce pays a construit de grands terrains de football nécessitant un budget d’entretien de 5 milliards de dollars. Ce sont des stades dont la capacité d’accueil atteint 80.000 spectateurs chacun; sauf que pour les matchs de championnat, seules quelques centaines de personnes y assistaient. L’Afrique du Sud ne pou- vant pas rentabiliser ce genre de pro- jets, elle était contrainte de démolir deux stades. Pour le Brésil, certains stades sont devenus des parkings pour véhicules ou des lieux pour l’organisation de spectacles. Car ils étaient construits dans des villes où les équipes locales jouaient dans des divisions inférieures et donc n’attiraient pas beaucoup de spectateurs. Ces projets ont mobilisé de gros investissements sans générer d’effet sur le football local. Le même phénomène s’est produit également en Russie. L’Etat a voulu assurer une diversification géogra- phique et il a transféré la propriété des stades aux régions. Plusieurs d’entre eux sont implantés dans des villes où il n’y pas une grande équipe qui peut attirer une grande affluence. Pour le Mondial 2030, le Maroc ne va construire que le stade de Benslimane;

les autres sont déjà construits. Chaque stade accueille les spectateurs des équipes locales comme le Wydad et le Raja pour le stade Mohammed V, le FUS et les FAR pour le complexe Moulay Abdellah, le MAS pour le stade de Fès, l’Ittihad de Tanger pour celui de Tanger, le Hassania pour le com- plexe d’Agadir, et enfin le Kawkab pour le complexe de Marrakech. F. N. H. : Peut-il y avoir un retour sur investisse- ment direct de cet événement ? M. E. Y. : Les recettes des billets, du mar- keting et de la diffusion reviennent directement à la FIFA. Entre les investissements réalisés et les reve- nus générés, il devrait y avoir un large déphasage, et c’est le cas pour les pré- cédentes éditions. C’est l’effet d’entraî- nement qui est attendu, notamment sur de nombreuses activités comme le tourisme, la restauration, l’héber- gement, l’événementiel et en général les produits de consommation. Aussi, il existe un impact sur le long terme pour l’économie nationale. Qatar a dépensé 220 milliards de dollars pour l’organisation de la Coupe du monde 2022. Le pays n’a généré en fin de compte que 17 milliards de dollars, soit 7% seulement du budget total. Sur le plan sportif, je vais vous rappeler l’exemple des Jeux méditerranéens de 1983 de Casablanca. Outre le renou-

L’organisation de la Coupe du monde a donné une forte impulsion à la construction d’infrastructures de base.

Pour la Coupe du monde 2030, le Maroc ne va construire qu’un seul stade, celui de Benslimane.

21 HORS-SÉRIE N°48 / FINANCES NEWS HEBDO

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