Express_2011_06_03

Survivre à l’agression sexuelle

chantal.quirion@eap.on.ca C ASSELMAN

moi-même, dit-elle. Mon copain a fini par vouloir que je déménage. » Visiblement, ces souvenirs qui datent de quelques années la blessent encore. C’était pour elle, le point culminant d’un état dé- pressif. « J’ai été abusée par mon frère quand j’avais entre cinq et sept ans, mais la mé- moire des événements m’est revenue seulement vers le début de la vingtaine, probablement un mécanisme de défense, dit-elle. Mais déjà à 14 ans, j’avais réalisé que je n’étais pas heureuse. Je savais que j’étais déprimée et depuis longtemps, sans savoir nécessairement pourquoi. Quand j’ai commencé à avoir des éclairs de mé- moire ça m’a beaucoup affectée et je savais très bien que ce n’étaient pas des rêves. » Sa mère admettra éventuellement qu’étant petite, Annie lui a bel et bien rap- porté de tels événements. Elle entame donc la vingtaine accompa- gnée de ces réminiscences qui se préciseront de fois en fois, et dont la fréquence augmen- tera. Malgré le bonheur trouvé auprès d’un

Nous vous présentons ici, un deuxième témoignage d’une cliente duCentreNovas / CALACS francophone de Prescott et Russell, pensant qu’il est parfois plus facile de saisir la portée d’un tel service en lui donnant un caractère plus humain. Le Centre Novas fondé il y a cinq ans, offre du support aux femmes qui ont été victimes d’une agression à caractère sexuel, qu’il s’agisse d’un événement récent ou d’un acte commis il y a de nombreuses années. Annie, nom fictif pour la circonstance, partage ici son expérience, espérant que son histoire saura vous convaincre que toute situation peut trouver un dénoue- ment heureux. Jeune, approchant à peine la trentaine, Annie a pourtant bien des heures pénibles derrière elle. « Je n’étais même plus capable de faire la vaisselle, pas capable de prendre soin de

conjoint, la dépression prendra le dessus, l’empêchant de travailler, ruinant sa rela- tion et la plongeant dans un dédale de difficultés financières. Dans sa détresse, elle trouvera quand même la force de con- sulter son médecin de famille qui lui prescrira des médicaments. « La médicationm’a donné l’énergie et la motivation pour aller chercher de l’aide. » Ce faisant, elle sera aiguillée vers le Centre Novas. Aujourd’hui, après deux ans et demi de consultation, elle confie que c’est la meilleurechosequipouvait lui arrivermême si elle n’était pas sans crainte au départ. « J’avais peur qu’ils me disent après quelques sessions, qu’ils ne pourraient plus me voir. Je ne voulais pas venir et ensuite arrêter. Mais durant les premières sessions qui ont été très difficiles, j’ai com- prisque jen’avaispasbesoindem’inquiéter, que je pouvais prendre mon temps. Depuis que j’ai commencé j’ai fait beaucoup de progrès, plus que j’en avais fait depuis que j’étais petite fille. Avec l’abus sexuel, il y a beaucoup de problèmes d’estime de soi. J’ai pu me ramasser d’à terre ,me trouvermapetite maison, être confiante. Au début j’ai réussi à me trouver un emploi que j’aimais moyennement, puis avec la con f i ance , j ’ a i pos tu l é pour un meilleur. J’y suis depuis deux ans. Même si j’ai encore mal, je suis capable de prendre soin de moi et je suis capable de savoir quand il faut que je parle de mes émotions. Dans ma famille, on ne faisait pas ça et maintenant je suis capable d’en parler avec tout le monde dans ma vie. » Elle a surmonté la dépression, l’an- xiété aussi. Ce cheminement, c’était la porte à ouvrir sur son bonheur, son laissez-passer pour l’optimisme. « En tant que victime, souvent on croit que c’est notre faute, on a vrai- ment honte et la honte nous garde dans le silence. Avec le Centre Novas, j’ai appris que ce n’est pas moi qui devrait avoir honte, c’est moi la victime. Ça prend des gens pour te dire non t’es pas folle et oui, t’es capable. Des gens juste pour t’écouter ou poser les questions qui font qu’en y répondant tu te com- prends mieux toi-même. Après deux ans et demi, je viens maintenant aux deux ou trois semaines car je fonctionne très bien socialement. J’essaie de me faire des amis et de sortir plus souvent et j’ai un bon emploi alors que j’étais incapable de travailler. J’ai encore besoin de support parce que c’est quelque chose qui prend plusieurs années et peut-être même le reste de ma vie. Mais pour avoir eu mal pendant 25 ans, je me dis que ça prendra le temps qu’il faudra. Aujourd’hui au moins, je suis redevenue un membre de la communauté. Ma vie ce n’est pas juste cela. J’ai ma vie.»

Le mois de mai, le mois de l’inclusion communautaire C’est en 1876 que le premier établissement résidentiel ontarien pour personnes avec des déficiences intel- lectuelles, le Centre régional de la Huronie, a ouvert ses portes. Dans les années 1960, 16 centres étaient ad- ministrés par la province. Les avis médicaux de l’époque prônaient que les personnes avec des déficiences intellectuelles y soient envoyées afin de les protéger des pressions de la vie quotidienne et des jugements de la société. Les temps et les mentalités ont bien changé, et le traitement des personnes avec des déficiences intellectuelles et des handicaps physiques aussi. Il est maintenant reconnu qu’il n’est pas nécessaire ni même préférable d’isoler les personnes avec des déficiences intellectuelles. C’est donc en 1987 que le gouvernement de l’Ontario s’est engagé à fermer ces établissements. En mars 2009, les dernières institutions fermèrent leurs portes, marquant une date importante pour ceux qui prônent l’inclusion sociale et communautaire des per- sonnes ayant des besoins spéciaux. Le mois de mai est l’occasion pour les Ontariens et Ontariennes de reconnaître et de célébrer les contributions des personnes avec des déficiences intellectuelles dans nos communautés. Le groupe Convex Avec une mission fondée sur des valeurs d’inclusion, de participation et de valorisation, cet ensemble d’entreprises démontre tous les jours la contribution que peuvent faire les personnes avec des déficiences intellectuelles au développement économique de leur région. Tout en maintenant l’équilibre entre les attentes du marché de travail ordinaire et l’apport qu’une personne peut y faire, les neuf entreprises du groupe Con- vex permettent à leurs employés de jouer un rôle actif sur le marché du travail dans des milieux intégrés avec d’autres employés compétitifs. Valoris pour enfants et adultes de Prescott-Russell s’occupe de déter- miner et d’appuyer les placements d’adultes avec des déficiences in- tellectuelles, dans ce que l’organisme nomme des foyers-partage. Le but est d’offrir à ces adultes l’opportunité de vivre dans un milieu de vie normatif et enrichissant, qui favorisera le développement de leur autonomie, tout en leur offrant le niveau d’appui dont ils ont besoin. Certaines personnes ou familles ont beaucoup à offrir en ce sens et ont une chambre libre qu’elles peuvent mettre à la disposition d’un tel adulte. C’est aussi une chance pour ces personnes de créer un lien spécial avec la personne pour qui elles ouvrent leurs portes. Valoris recherche actuellement des personnes-ressources qui ont la capacité et la volonté de s’occuper d’adultes représentant des défis de placement. Ces adultes peuvent posséder plusieurs handicaps ou des traits de com- portements négatifs. Les familles ressources peuvent offrir leurs services pour des périodes de courtes durées appelées répits ou encore accueillir un adulte à long terme. Valoris est aussi à la recherche d’une personne ou d’un couple pour demeurer avec des adultes qui ont déjà une maison, mais qui ont besoin d’une présence et d’appui. Les personnes intéressées doivent être bilingues, disponibles 24 heures par jour, sept jours par semaine et doivent habiter la région de Prescott et Russell. Il ex- iste autant de possibilités qu’il existe de gens. Les placements d’adultes avec besoins spéciaux en foyers-partage

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