ECONOMIE
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FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 11 SEPTEMBRE 2025
ment de genre reste donc déséqui- libré, montrant que l’égalité légale et scolaire ne s’est pas encore traduite en égalité économique. Une croissance à rendre plus inclusive Le HCP rappelle une leçon essen- tielle selon laquelle la croissance ne réduit la pauvreté que si elle est équitablement partagée. Entre 2007 et 2019, l’amélioration du niveau de vie était portée par une croissance «pro-pauvres», redis- tributive. Mais depuis la succes- sion de crises inflationnistes et de covid-19, ce lien s’est brisé. Aujourd’hui, une hausse des iné- galités suffit à annuler plusieurs années de progrès en matière de réduction de la pauvreté. C’est pourquoi le Royaume doit repenser son modèle de dévelop- pement. Rejoignant l’appel royal pour un «développement territorial intégré», le HCP appelle le Maroc à maintenir un rythme de croissance économique soutenu et inclusif. De promouvoir des politiques sociales redistributives ciblées, notamment le renforcement de la protection sociale, l'investissement dans le capital humain et le développe- ment des zones défavorisées. De plus, il faut intensifier les initiatives en faveur d'une économie verte, de la résilience climatique et de la gestion durable des ressources naturelles pour faire face aux pres- sions environnementales. Et, enfin, il s’agit de combler les déficits d'équité de genre, en transformant les acquis légaux en égalité des chances et des faits, notamment en encourageant la participation économique des femmes. La clé réside dans la capacité à conjuguer agilité institutionnelle, intelligence collective, rigueur d'exécution et redevabilité, appuyées par des données pro- bantes et ouvertes pour mesurer l'impact concret des politiques. C'est à ce prix que le Maroc pourra éradiquer la pauvreté résiduelle, prévenir son retour et bâtir un avenir où la prospérité ne sera pas l'apanage de quelques-uns, mais le socle d'un développement humain durable et véritablement partagé par tous les citoyens, sans distinction ni exclusion. ◆
Le revenu disponible par habitant a été multiplié par 2,5 en 20 ans, atteignant près de 27.000 dirhams en 2023.
Pauvreté- Inégalités - Genre Les angles morts des progrès économiques Dans sa récente note, le haut-commissariat au Plan (HCP) apporte un éclairage analytique sur la trajectoire de développement du pays entre 2000 et 2023. Par Désy M.
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désormais à 0,710. Autrement dit, le Maroc est entré dans la caté- gorie des pays à développement humain élevé. La pauvreté extrême, elle, est qua- siment éradiquée. En effet, moins de 0,3% des Marocains vivent aujourd’hui sous le seuil internatio- nal de 1,90 dollar par jour. Un suc- cès qui témoigne de l’efficacité des politiques sociales et des investis- sements dans les infrastructures et les services publics. Des fragilités bien réelles Mais ces progrès ne racontent pas toute l’histoire. Depuis 2014, le pouvoir d’achat des ménages pro- gresse beaucoup plus lentement et devient de plus en plus instable. La crise du Covid-19 a provoqué une chute brutale de 5,4% en 2020, suivie d’un rebond en 2021, puis d’un nouveau recul en 2022 sous l’effet d’une inflation élevée. Résultat : même si les revenus ont augmenté, beaucoup de familles ont vu leur niveau de vie reculer. La pauvreté, qui avait reculé jusqu’en 2019, est repartie à la hausse. Son taux est passé de 1,7% à 3,9% en seulement trois ans. Surtout, elle a changé de
visage : autrefois concentrée dans les campagnes, elle touche désor- mais de plus en plus les villes. En 2022, près de la moitié des per- sonnes vulnérables vivait en milieu urbain. Les inégalités, elles aussi, se sont creusées. L’indice de Gini, qui mesure les écarts de niveau de vie, est remonté à 40,5%, effa- çant les progrès de la décennie précédente. Plus frappant encore: les dépenses alimentaires des ménages modestes ont baissé, preuve que les plus fragiles ont dû sacrifier une partie de leurs besoins de base pour s’adapter à la hausse des prix. Sur l’égalité entre les sexes, le tableau est ambivalent. Les réalisa- tions institutionnelles et éducatives sont tangibles, avec une baisse du taux de mortalité maternelle, une quasi-parité à l’école primaire, et une représentativité politique fémi- nine en hausse avec aujourd’hui 21,4% des députés, contre moins de 1% dans les années 1990. Mais sur le marché du travail, la réalité est tout autre. Le taux d’ac- tivité des femmes stagne autour de 19%, contre près de 70% pour les hommes. L’Indice de développe-
(…) il n’y a de place, ni aujourd’hui, ni demain pour un Maroc avan- çant à deux vitesses». Tels ont été les mots du Roi Mohammed VI, dans son discours lors de la fête du Trône, le 29 juillet dernier. Ce discours a été la base de l’analyse réalisée par le HCP sur la trajec- toire économique du Maroc de 2000 à 2023. En effet, le Maroc a beaucoup changé depuis le début des années 2000. Il a amélioré ses indicateurs sociaux, renforcé son économie et atteint pour la première fois le rang des pays à développement humain élevé. Pourtant, derrière ces chiffres encourageants, le der- nier rapport du HCP dresse un constat nuancé : les inégalités per- sistent, la classe moyenne est fra- gilisée et la pauvreté fait un retour inattendu, surtout en milieu urbain. Sur le papier, la trajectoire éco- nomique est nette. Le revenu dis- ponible par habitant (RDBH) a été multiplié par 2,5 en 20 ans, attei- gnant près de 27.000 dirhams en 2023. L’espérance de vie a gagné plus de dix ans depuis 1990, la durée moyenne de scolarisation a progressé et l’Indice de dévelop- pement humain du pays s’élève
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