FNH N_ 1207

CULTURE

32

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 11 SEPTEMBRE 2025

Mostra de Venise 2025 «La Voix de Hind Rajab», un film en étendard contre l’oubli

«La Voix de Hind Rajab», choc cinématographique signé Kaouther Ben Hania, bouscule les codes à la Mostra de Venise et remporte le Lion d’argent du Grand Prix du Jury.

L

Par Ibtissam Z.

e 3 septembre 2025, au Palazzo del Cinema de Venise, le 7 ème art change de visage. Ce soir- là, la Mostra s’ouvre enfin à la reconnaissance des victimes de guerre à Gaza. C’est un bas- culement historique, porté par la première du film «La Voix de Hind Rajab», bouleversant plaidoyer signé Kaouther Ben Hania. Hollywood répond massive- ment à l’appel, avec les acteurs Joaquin Phoenix, Rooney Mara, Brad Pitt, ainsi que le réalisateur Jonathan Glazer, tous engagés en tant que producteurs exé- cutifs. Ainsi, lors de sa projection, le film déclenche une standing ovation de 24 minutes, une émotion collective rare, jamais vue dans l’histoire de la Mostra. La 82 ème édition bascule dans

une autre dimension, celle du cinéma-vérité et d’un engage- ment politique pleinement assu- mé, où l’art s’impose par sa force de persuasion. Les enregistrements de l’appel de Hind Rajab aux secours occupent une place centrale dans l’œuvre. Ils résonnent comme un cri, celui d’une enfant de six ans, piégée sous les bombes, dont la voix a traversé les lignes de front, et bientôt les écrans du monde entier. À 6 ans, Hind Rajab devient mal- gré elle le symbole d’un peuple sous oppression.

chars israéliens. Elle reste en communication pendant plus de trois heures avec la Croix-Rouge palestinienne, répétant en san- glots : «Venez me chercher, je suis toute seule…» . Quelques jours plus tard, le véhicule est retrouvé, criblé de 335 impacts de balles, avec à l’intérieur les corps de Hind et de sa famille. Ce drame s’inscrit dans une réa- lité tragique. Selon l’Unicef, plus de 17.000 enfants ont été tués à Gaza depuis octobre 2023, et lorsque la mort ne frappe pas directement, la famine s’installe pour prolonger l’horreur. Il fallait du courage et la sen- sibilité d’une femme pour faire entendre cette voix. À travers le destin tragique de Hind Rajab, Kaouther Ben Hania réussit à dire l’indicible par la fiction, où l’intime, le politique, l’humain et le cri du cœur s’entremêlent.

il y avait quelque chose de plus que sa voix. C’était la voix même de Gaza qui appelait à l’aide, et personne ne pouvait entrer. Je ne peux pas accepter un monde où un enfant appelle à l’aide et où personne ne vient à son secours », confie avec émotion Kaouther Ben Hania, en confé- rence de presse. Et d’ajouter : «Il y avait comme une urgence, une énergie élec- trique dans ce projet… J’ai dû mettre tout le reste de côté pour réaliser ce film en moins d’un an. Le cinéma, l’art, et toute forme d’expression sont essen- tiels pour donner une voix et un visage à celles et ceux que l’on réduit à des dommages colla- téraux. C’est notre devoir d’en parler». La réalisatrice tunisienne lance également un appel poignant à la communauté internationale : «J’en appelle aux dirigeants du monde : sauvez-les. Leur survie n’est pas une affaire de cha- rité ni de compassion, c’est une question de justice, d’humanité,

Une guerre contre les enfants

Le 29 janvier 2024, à Gaza, Hind se retrouve coincée dans une voiture avec six membres de sa famille, prise sous le feu des

Une force émotionnelle inouïe

 Lors de la première du film «La Voix de Hind Rajab», la réalisatrice Kaouther Ben Hania, entourée des acteurs, pose avec la photo de l’enfant palestinienne tuée à Gaza le 29 janvier 2024. Un hommage bouleversant, salué par une standing ovation de 24 minutes.

« Quand j’ai entendu pour la pre- mière fois la voix de Hind Rajab,

www.fnh.ma

Made with FlippingBook flipbook maker