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« Pourquoi vous infligez-vous cela ? » Une famille en court séjour

Joel a grandi au Brésil en tant qu’ETC*, enfant de collaborateurs interculturels. Il raconte dans cette interview comment il a vécu cela : Où et comment as-tu grandi ? En 1990, une année après ma nais- sance, mes parents sont partis avec moi au Brésil, pour fonder des églises dans l’Etat du Piauí. J’ai passé toute mon enfance dans ce pays et sa cul- turem’abeaucoup imprégné.Mapre- mière langue a été le portugais. Bien que j’aie toujours compris le suis- se-allemand, je n’arrivais au début pas à le parler. Comment as-tu vécu ton enfance ? Très positivement. Peu de gens ont l’occasion de grandir dans une cul- ture étrangère, d’apprendre dès la naissance une autre langue tout en s’amusant. En tant qu’enfants, nous avons pu faire plein de choses qui n’auraient pas été possibles en Suis- se. Par exemple, mes frères et moi passions souvent nos après-midis dans les arbres de notre jardin, nous allions pêcher et plein d’autres cho- ses. C’était une grande bénédiction. Il y avait naturellement aussi des ac- tivités auxquelles nous devions re- noncer, parce qu’au Brésil, nous ha- bitions au milieu du « désert ». Je me suis par exemple qualifié lors d’un séjour en Suisse à un grand concours de natation. A l’époque, ce sport était ma grande passion. Mais la compéti- tion avait lieu précisément le jour de notre vol de retour au Brésil. Je n’ai donc pas pu y participer. Cette enfance avait donc ses avan- tages et ses inconvénients. Mais j’ai appris très tôt que Dieu contrôle tou- te chose, qu’Il veut le meilleur pour

retourner, et ce en tant que mobili- sateur. Pendant que j’étais à l’école biblique au Canada, Dieu m’a mis la jeunesse à cœur. Maintenant je m’investis pour elle avec une équipe géniale. Nous avons réussi à motiver des centaines de jeunes pour le tra- vail interculturel et nous avons déjà vu les premiers fruits de notre travail. Est-ce que tu voudrais que tes en- fants grandissent comme toi ? Oui et non. Je prie que Dieu leur épargne les temps difficiles que j’ai vécus en Suisse. Mais sinon je leur souhaite une enfance telle que je l’ai vécue ! *Qu’est-ce qu’un ETC ? On appelle Enfants de Troisième Cul- ture (ETC), des enfants et jeunes qui ont grandi dans une autre culture que celle de leurs parents ou que celle qui est inscrite dans leur passe- port. Les enfants de nos collabora- teurs interculturels sont donc des ETC typiques (appelés autrefois éga- lement « enfants de missionnaires »). Les enfants de diplomates p. ex. sont également des ETC. Un ETC intègre des habitudes et des influences aussi bien de la culture du pays d’engagement que de celle du pays de ses parents. Mais ils ne sont vraiment à la maison dans aucune des deux et forment ainsi une troi- sième culture avec des éléments des deux autres, raison pour laquelle on parle de troisième culture. Les ETC ont souvent d’autres avantages et défis que les autres enfants. Ils sont à l’aise dans les cultures étrangères et s’adaptent facilement, mais res- sentent généralement un manque d’enracinement et des difficultés à trouver leur propre identité.

nous et que nous pouvons placer notre espérance en Lui. Cela surpasse tous les inconvénients. Tous les quatre ans, vous séjourniez avec ta famille une année en Suisse. Comment se passaient ces change- ments pour toi ? Enfant, je me réjouissais toujours beaucoup de revoir mes amis et ma famille dans leur pays et je trouvais cela passionnant, même si les adieux étaient chaque fois difficiles. Ce qui a été vraiment compliqué, c’était notre séjour en Suisse lorsque j’étais adolescent : l’intégration à l’école ne s’est pas bien faite et mes camarades de classe se moquaient de moi, étranger, et m’excluaient. Je n’avais pas réalisé jusque-là que des personnes pouvaient en traiter d’autres de la sorte. Ainsi, ce séjour dont je me réjouissais toujours tant est devenu une période de lutte. Après cette année, je ne savais pas si j’allais encore revenir dans mon pays d’origine. Mais un apprentissage de mécanicien sur voitures m’attendait déjà. D’une part, j’étais très recon- naissant à Dieu pour cette place, mais d’autre part, je craignais de re- venir. Heureusement, j’ai eu la chance d’avoir une bonne place et par la sui- te également deux bons employeurs qui m’ont beaucoup aidé à surmonter mes impressions négatives de la Suis- se. Aujourd’hui, je suis « fier » d’être Suisse et je reviens toujours volon- tiers. Tu travailles maintenant au Brésil depuis 2017. Pourquoi es-tu reparti ? J’ai su très vite qu’un jour je ferais quelque chose de semblable à ce que mes parents ont fait au Brésil. Dieu m’a ensuite montré que je devais y

Se retrouver dans un nouveau quotidien Les deux premiers mois de notre engagement ont été intensifs. Tout n’était pas nouveau et étranger pour nos enfants seulement, mais nous aussi, les parents, devions nous orienter et trouver notre voie. Après quelques semaines, lorsque nous avons eu des journées structurées et lorsque nos enfants ont com- mencé l’école, tout est devenu plus simple. Nos deux aînés ont été pris en charge par une aide-enseignan- te selon le modèle de l’école à la maison, ce qui était super. Lias allait au jardin d’enfants de JEM (Jeunesse en Mission). Pour lui, le démarrage a été difficile car il ne parlait au début quasiment pas l’anglais. Grâce au soutien formidable de son institutrice et à l’avantage des enfants qui apprennent une langue étrangère assez rapidement, il s’est vite senti à l’aise en classe et a pu se rendre à l’école avec joie. La création de relations a été un grand défi, en particulier pour les enfants. Quand nous allions jouer au football au parc, on trouvait toujours quelqu’un qui avait aussi envie de jouer. Pourtant, il ne s’est jamais créé de forte ami- tié. Mais cette situation a renforcé les liens entre les trois frères et nous a rapprochés en tant que famille. Parce que… Nous sommes très heureux d’avoir osé ce pas. En re- venant à la maison, nous arrivons d’autant mieux à répondre aux questions du « pourquoi ? » Parce que c’est passionnant de découvrir un nouveau pays et une nouvelle culture. Parce que nous partageons vo- lontiers notre vie avec d’autres personnes et voulons avoir part à la leur. Parce qu’un tel engagement ouvre l’horizon. Parce que ce temps nous a soudés en tant que famille. Parce que nous voulons obéir à Dieu…

Pourquoi partez-vous à l’étranger en famille et pour une année alors que vous avez tous les deux une belle place de travail et votre propre loge- ment ? Pourquoi arrachez-vous vos enfants à leur environnement habituel pour aller dans un pays dans lequel vous ne maîtrisez ni la langue, ni les usages culturels ? Ces questions nous ont souvent été posées. Oui en effet, pourquoi ? Moi non plus, je ne pouvais pas m’imaginer entre- prendre un séjour à l’étranger avec des enfants. Ce serait trop compliqué avec l’école et ensuite une vie sans amis et sans les loisirs habituels… Et pourtant un beau jour, je crois autour de mon 40 ème anniver- saire, j’ai eu l’impression que ce n’était peut-être pas si aberrant d’oser une telle aventure en famille. Dans les semaines qui ont suivi, j’ai été encouragée à oser ce pas au travers de messages, de chants et de ver- sets bibliques. Les enfants réagissent chacun à leur façon Nous avons informé très tôt nos trois enfants et les avons impliqués dans les préparatifs. Janic, notre aîné, n’était pas du tout d’accord avec nos plans. Nous ne pouvions tout de même pas lui enlever ses amis et partir au Cambodge où il ne connaissait personne ! Et pourtant avec le temps, il a réussi à s’habituer à cette idée. Au départ, Jona, notre deuxième fils, n’a pas non plus trouvé l’idée d’un séjour à l’étranger très bonne, mais il a vite accepté notre décision. Et pour notre cadet, Lias, il n’y avait pas de problème : d’après ses propres dires, il voulait juste être là où étaient maman et papa. Dans le temps de prépara- tion, nous avons beaucoup parlé du Cambodge et nous nous sommes imaginé ce que cela pouvait être d’y vivre. Les recherches sur ce pays qui nous était encore inconnu ont été passionnantes et nous nous sommes réjouis d’y aller. Nous avons également eu la possibilité de rencontrer personnellement Lukas, le fondateur de Lighthouse Battambang. Cette discus- sion, tout comme la rencontre avec Elias, collabora- teur à long terme de Lighthouse, ont définitivement balayé nos appréhensions.

Petra HAUTLE a passé une année à Lighthouse Battambang, Cambodge, avec sa famille

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