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CULTURE
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JEUDI 30 JUIN 2022
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Mémoire
Poésie
Tit Mellil, plus qu’un aérodrome
◆ Jacques Prévert nous a laissé en legs son recueil, «Paroles», un bréviaire de la liberté dont il convient de s’imprégner en ces temps asservis. Gouttes de lumière. Redécouverte. «Paroles», à ivre ouvert
V ous qui entrez dans la galaxie prévertienne, livrez aux oubliettes les clinquants oripeaux qui corsetaient votre sensibilité poétique ! Ici, point de fanfreluches, point de poses ver- bales. La poésie de Prévert fait un double grand écart, en se démar- quant conjointement de la langue littérale et de la langue poétique. A l’opacité délibérée de celle-ci, Prévert oppose une parole fluide, limpide, puisée dans la jactance commune. Magistrale manière de mettre la poésie à portée de voix des sans qualités et de stigmatiser l’élitisme dans lequel s’engonçaient les poètes. Taquin invétéré, Prévert aime par- dessus tout mettre le lecteur en boîte. Souvent, il l’émoustille par un titre et engage le poème dans des sentiers qui se sont éloignés. Exemple : « La Cène ». «Ils sont à table / Ils ne mangent pas / Ils ne sont pas dans leur assiette / Et leur assiette se tient toute droite / Verticalement derrière leur tête». On s’attendait à un poème à résonance religieuse, on se retrouve specta- teur d’une «scène» absurde. Prévert multiplie les procédés ludiques : les calembours se ramassent à la pelle, les jeux de mots s’épanouissent, les associations d’idées fleurissent : « Une orange sur la table / Ta robe sur le tapis / Et toi dans mon lit / Doux présent du présent / Fraîcheur de la nuit / Chaleur de ma vie ». Novateur, Prévert a créé un monde figural : l’emboîtement. « Des draps blancs dans une armoire / Des draps rouges dans un lit / Un enfant dans sa mère / Sa mère dans les douleurs / Le père dans le couloir
◆ L’Atelier de l’observatoire et Reda Bennani, fils du défunt, en partenariat avec l’Office national des aéroports (ONDA), pré- sentent l’exposition «Tit Mellil, plus qu’un aérodrome». Cette initiative a fait l’objet d’une publication réunissant quelques ico- nographies de feu Farid Ahmed Bennani et d’autres personnes liées à l’aviation. Présentation.
C eux qui n’ont plus qua- rante ans depuis long- temps conservent dans un coin de leur mémoire comment était cet aéro- port secondaire de Casablanca, situé à l’Est de la ville : l’aérodrome de Tit Mellil. Une exposition, « Tit Mellil, plus qu’un aérodrome », revient sur l’his- toire de l’aviation civile au Maroc. Et ce, à travers les souvenirs d’un ancien aiguilleur du ciel qui a long- temps guidé les pilotes depuis la tour de contrôle : Feu Farid Ahmed Bennani. Une quarantaine de photos sélec- tionnées couvrant la période de 1948 à 1990, une dizaine de cou- pures de presse trouvées à la Bibliothèque nationale du Royaume du Maroc, une quantité de carnets de vol et de cassettes VHS sont donnés à voir jusqu’au 31 août
2022 à l’aéroport Mohammed V de Casablanca (Terminal 2 près de l’enregistrement, et à la salle d’embarquement porte F3 et F4). Et ce, dans le noble dessein d’explo- rer cette mémoire et de faire une traversée de l’histoire de ce terrain d’aviation, dont les coins et recoins ont été dessinés par l’architecte Jean-François Zevaco. De surcroît, une publication nous offre un voyage sans complai- sance à travers des iconographies, témoignages et faits relatant les moments forts de Tit Mellil : sa construction, ses pionniers et aven- turiers, sa première femme pilote (Touria Chaoui), ses instructeurs et mécaniciens aguerris, ses rallyes et meetings aériens, son club de para- chutisme, ses crashs, ses divers aéronefs. Tout resurgit par plaques. Pour notre bonheur de découvreur intempérants. ◆
/ Le couloir dans la maison / La maison dans la ville / La ville dans la nuit / La mort dans un cri / Et l’enfant dans la vie ». Images juxta- posées, séquences imbriquées les unes dans les autres, dans une gra- dation sans fin. Le culbuteur des normes formelles se double d’un fameux dénoncia- teur. Sa rhétorique plaisante et enjouée supporte des messages vigilants et profonds. On peut sans risque soutenir que Prévert est un émeutier permanent qui appelle à briser tous les fers qui enchaînent l’individu. Toute la poésie de Prévert dénonce l’asservissement de l’individu par la société. Celle-ci le ligote, le bride, le « formate ». Et lui, il courbe l’échine, se soumet, se résigne à son sort. Car, depuis longtemps, il a perdu la faculté de distinguer la voix de l’hirondelle qui entonne le chant du rassemblement (« Restez ensemble, hommes pauvres restez unis ») et la sagesse de fraterniser avec les ani- maux. Or, ceux-ci sont « l’exemple comme il faut ». ◆
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