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ECONOMIE
FINANCES NEWS HEBDO
JEUDI 23 JUIN 2022
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◆ Il faut se focaliser sur le monde rural et les régions défavorisées où les déficits sociaux sont très importants. ◆ Le renforcement du stock stratégique de pétrole et de blé est nécessaire pour faire face aux différents aléas. ◆ Entretien avec Mohamed Amrani, économiste et professeur universitaire. «Le plus important est de ne pas sacrifier l’investissement public» Conjoncture économique
Propos recueillis par C. Jaidani
Finances News Hebdo : Après le confi- nement, le Maroc a été confronté au défi de la reprise économique. Mais la sécheresse et une conjoncture économique internationale défavo- rable ont affaibli l'effort de relance. Quelle est votre analyse ? Mohamed Amrani : Effectivement, le Maroc s'attendait à une croissance sou- tenue durant les deux ans post Covid, voire même la troisième année. Mais des contraintes majeures comme celles que vous avez citées, en l'occurrence la séche- resse et la guerre en Ukraine, ont perturbé sérieusement la relance, surtout que plu- sieurs activités n'ont pas repris totalement leur niveau normal. On note également des effets pervers sur les équilibres macroé- conomiques. Le déficit public s'est alourdi ainsi que l'inflation. Le niveau du chômage est toujours à un seuil inquiétant. Le ren- chérissement du coût de la vie a suscité une grogne sociale et a élargi les inégalités et la pauvreté. Pour le moment, le gouvernement active des mesures de soutien et d’accompagne- ment aux secteurs les plus impactés comme le transport. Les finances publiques pour- raient-elles supporter de telles charges sur une longue période ? La ministre de l’Economie et des Finances était claire à ce sujet. Elle a affirmé que l’Etat n’a pas assez de marges de manœuvre. Des arbitrages devront se faire pour s'en sortir avec le moindre d'effets collatéraux. Le plus important est de ne pas sacrifier l’investissement public, qui est un véritable moteur de croissance et un simulateur pour de nombreuses entreprises. Il est question aussi de ne pas alourdir l’endettement.
Tous les organismes marocains concernés par les prévi- sions ont été à plusieurs reprises contraints de revoir leurs hypothèses.
F.N.H. : Ne pensez-vous pas qu'au moment des crises il faut lancer les réformes, les programmes stra- tégiques et les chantiers structu- rants ? M. A. : La crise peut servir de catalyseur pour les réformes et les changements stra- tégiques. Historiquement, et partout dans le monde, toutes les crises ont été suivies par de nouvelles orientations plus innovantes parfois plus audacieuses. La crise de 1929 a bouleversé la pensée économique et a impulsé une nouvelle doctrine.
Par le passé, un tel scénario engendrait des répercussions néfastes sur le long terme et des dysfonctionnements difficiles à surmon- ter. Toutefois, force est de constater que l’économie nationale a bénéficié de certains atouts. Plusieurs secteurs ont pu atteindre leurs vitesses de croisière plus vite que prévu, notamment les métiers mondiaux du Maroc, les phosphates, le BTP. La situation aurait pu être meilleure si l'agriculture et le tourisme, deux secteurs phares de l'éco- nomie nationale, tournaient à un rythme normal.
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