Finances News Hebdo 980 ok

51

DEVELOPPEMENT DURABLE

FINANCES NEWS HEBDO

JEUDI 30 AVRIL 2020

www.fnh.ma

Avis d’expert «Le plan de relance ne doit pas occulter les questions environnementales»

◆ Sofia Harouchi, Regional Manager, Utopies

Propos recueillis par C. Abounnaim

Finances News Hebdo : Comment jugez-vous l'impact du covid-19 sur l'environnement et les émissions de CO2 ? Sofia Harouchi : La baisse des émis- sions de CO2 à laquelle nous assistons actuellement est aussi inédite que la crise qui en est à l’origine. Elle survient après les cinq années les plus chaudes jamais enregistrées. Il s’agit donc là d’un moment de répit qui arrive à point nommé, bien que le contexte ne soit évidemment pas réjouissant. Un tel ralentissement est cependant temporaire et de nature exceptionnelle; il ne répond donc pas à long terme aux objectifs de l’Accord de Paris. En effet, même avec une possible baisse de 10% des émissions de CO2 en 2020, cela n’infléchira pas suffisam- ment la courbe de l’augmentation des températures car la reprise des activités s’accompagnera d’une augmentation des émissions de CO2 par un effet de rattrapage économique. Rappelons que l’Accord de Paris, qui vise à limiter l’augmentation des températures à 1,5- 2° par rapport aux niveaux pré-indus- triels, nécessite une baisse des émis- sions de gaz à effet de serre de -2,7% à -7,6% par an entre 2020 et 2030. Notons -afin de mettre en perspective ces objectifs- qu’en 2018 et 2019, les rejets carbonés n’ont pas baissé. Une coopération internationale fragi- lisée par cette crise et le report de la prochaine COP pourraient aussi mettre à mal la poursuite de ces objectifs mondiaux. F.N.H. : Quelle leçon tirer de cette crise au niveau environne- mental ? S. H. : Cette crise a montré la capacité des nations et des gouvernements à se mobiliser dans l’urgence afin de juguler une menace imminente. Les questions du changement climatique et de la biodiversité, qui touchent particu- lièrement les pays les moins avancés, mériteraient d’être adressées avec plus de moyens et de mobilisation. Les questions environnementales sont urgentes, surtout lorsque l’on sait la relation de cause à effet entre défo- restation et émergence des virus et les

Crise sanitaire

Le climat en tire profit

centaines de milliers de décès annuels, voire millions, liés au changement cli- matique et à la pollution de l’air. J’ose espérer que la relance écono- mique post covid-19 n’occultera pas ces questions et ne créera pas d’éro- sion de l’acceptabilité des mesures environnementales ou un prétexte pour les défaire, à l’instar de la demande de moratoire du patronat français sur l’application de la loi anti-gaspillage… Au Maroc, nous n’avons pas eu jusqu’à présent de telles revendications, espé- rons que nous serons aussi exemplaires dans la poursuite de nos objectifs cli- matiques que nous le sommes dans la gestion de la crise actuelle, avec des décisions fortes et rapides. En sus des énergies renouvelables et de l’économie circulaire, la protection de la biodiver- sité doit être mise en avant. Cette crise offre aussi l’opportunité pour beaucoup d’expérimenter et peut-être d’adopter à long terme des habitudes moins inten- sives en carbone, telles que le télétravail et la digitalisation des échanges. Mon plus grand souhait est que la crise Covid-19 ne demeure pas une simple «pause» pour notre planète mais qu’elle entraîne une véritable rupture de nos usages et la transformation de nos modèles d’affaires, à la faveur d’une plus grande responsabilité environne- mentale. Nous sommes de plus en plus nombreux à aspirer à un monde d’après différent et attendons donc des gouvernements et des entreprises qu’ils agissent dans ce sens. Il est pour cela essentiel de conditionner les aides économiques aux entreprises à la poursuite d’objectifs environnementaux ambitieux, du moins pour les plus pol- luantes d’entre elles. ◆

◆ Depuis l’instauration des mesures de confinement dans plu- sieurs pays, les nuisances comme la pollution de l'air et le bruit ont significativement diminué. ◆ Le ralentissement des émissions de CO2 est cependant tem- poraire et de nature exceptionnelle; il ne répond pas à long terme aux objectifs de l’Accord de Paris.

ont commencé à enregistrer une baisse de leurs émissions de CO2 et de la pollution atmosphérique. Ces baisses spectaculaires sont directement liées à la réduction drastique des activités indus- trielles fortement dépendantes du charbon et du pétrole. De même, le coup de frein donné à la mobilité des personnes, en particulier liée au trafic aérien, semble entraîner mécanique- ment une baisse des émissions de CO2. Le Maroc a aussi tiré profit de cette situation. Le ministère de l’Energie, des Mines et de l’Envi- La pandémie du Covid-19 a montré si besoin est, qu’il est possible de diminuer la pollution de l’at- mosphère.

ronnement a donné les chiffres d’une évaluation de la qualité de l’air au niveau de la ville de Marrakech : une diminution de 55% pour le dioxyde d’azote, 70% pour le monoxyde de car- bone et 67% pour les particules en suspension. La pandémie du Covid-19 a donc montré si besoin est, qu’il est possible de diminuer la pollution de l’atmosphère. Cependant, ce conditionnement a un coût que l’humanité ne peut supporter sur le long terme. Ces mesures temporaires ne peuvent constituer une réponse durable au défi du changement climatique. D’autant que les experts environnemen- taux craignent un rebond des émissions de CO2 si les plans de relance de l’après-crise se donnent comme priorité exclu- sive le retour à la croissance, à n’importe quel prix, et à revenir, en fin de compte, à une acti- vité industrielle dont la cadence et l’empreinte carbone seraient identiques, voire supérieure à ce que nous avons connu avant la crise… ◆

D epuis des décennies, le fonctionnement écono- mique de nos sociétés, basé sur des activités polluantes, a fait que la tendance globale des émissions de gaz à effet de serre est restée déses- pérément à la hausse, en dépit des efforts de la communauté internationale de lutter contre le réchauffement climatique. Aujourd’hui, la pandémie du Coronavirus a contraint les socié- tés à opérer un mode de vie obligeant les populations à se confiner pour briser la chaîne de contamination. Du coup, c’est l’environnement qui en tire profit. En effet, les émissions de CO2, responsables du changement cli- matique, ont nettement baissé dans les premiers pays touchés par le coronavirus. Entre début février et avril 2020, les émissions de CO2 ont chuté de près d’un quart en Chine soit 200 millions de tonnes par rapport à 2019. De même, le Nord de l’Italie et les Etats-Unis Par C. Abounnaim

Avec la participation de

Made with FlippingBook flipbook maker