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BOURSE & FINANCES

FINANCES NEWS HEBDO JEUDI 30 AVRIL 2020

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Financement de l'économie

◆ Le secteur bancaire figure parmi toutes les initiatives prises par le Comité de veille économique pour tenter d’amortir, un tant soit peu, le choc économique. ◆ Les banques sont amenées à résoudre une équation difficile, à savoir maintenir une politique de gestion du risque aussi rigoureuse que possible dans un environnement des plus incertains, tout en continuant à financer les besoins de l’économie. Les banques sous pression D epuis les tout premiers jours de la crise sanitaire, le secteur bancaire natio- nal est mobilisé comme il Par A. Elkadiri

Pour per- mettre au sec- teur bancaire de préserver sa capacité à distribuer des crédits, Bank Al-Maghrib a mis en place une série de mesures d'assouplisse- ment portant notamment sur le provi- sionnement et le refinance- ment.

ne l’a probablement jamais été. Les banques croulent en effet sous les demandes de reports des échéances de crédits (plus de 400.000 demandes en quelques semaines selon le ministère des Finances) des entreprises et des ménages. En parallèle, elles font face à un afflux sans précédent de demandes de financement, avec déjà plus de 9.000 demandes de prêts excep- tionnels garantis par l'État à travers «Damane Oxygène» , mis en place pour soutenir les entreprises dont le chiffre d’affaires ne dépasse pas 500 millions de dirhams. Les banques sont aussi au cœur du dispositif de distribution des aides du fonds de gestion de la pandé- mie du Covid-19 pour le secteur informel et aux salariés affiliés à la CNSS en arrêt temporaire de tra- vail, mobilisant leurs guichets auto- matiques (GAB), les établissements de paiement filiales, les agences bancaires et même pour certaines, des agences mobiles. Une opération monstre et inédite qui, jusqu’à pré- sent, a plutôt bien fonctionné. Le secteur bancaire est, on le voit, de toutes les initiatives prises par le Comité de veille économique pour tenter d’amortir, un tant soit peu, le choc économique. La raison de cette omniprésence du système ban- caire est simple : telle qu’elle s’est construite depuis plusieurs décen- nies, l’économie marocaine est une économie essentiellement intermé- diée, où la banque, dotée d’une force de frappe commerciale et financière sans pareil, joue un rôle central. C’est, entre autres, ce qui explique

que l’Etat, dans une situation d’urgence comme celle que nous connaissons actuellement, n’a eu d’autres choix que de recourir à cette force de frappe pour que les mesures prises puissent atteindre, le plus efficacement possible, et avec célérité, des pans entiers de la popu- lation. Aujourd’hui, les banques sont donc en première ligne pour éteindre l’incendie causé par la crise. La res- ponsabilité est immense. Et force est de reconnaitre que, pour le moment, elles se sont plutôt bien acquittées de cette tâche, malgré quelques cri- tiques qui n’ont pas manqué de fuser de la part de certains mécontents. Hausse attendue de la sinistralité Mais si les banques font globale- ment le job, cela a un prix : la hausse du coût du risque. L’agence Moody’s vient de le rap- peler en abaissant la perspective de la note des banques marocaines, passant de stables à négatives. Dans un rapport publié ce lundi 27

avril, l’agence de notation indique que les banques marocaines seront confrontées à un affaiblissement de la qualité et de la rentabilité des prêts, alors que la pandémie de Covid-19 pèse sur certains pans de l'économie. «La détérioration liée au coronavirus s'ajoutera aux créances en souffrance élevées existant en raison des concentra- tions d'emprunteurs, de l'exposition aux petites et moyennes entreprises (PME) et à l'Afrique subsaharienne» , estime Moody’s. L’agence prévoit ainsi que les créances en souffrance du secteur augmenteront entre 9% et 11% du total des prêts en 2020, contre 8% à la fin de 2019. L’agence explique toutefois que bien que la capitalisation soit rela- tivement modeste pour les banques marocaines, elles bénéficient d'un bon accès au financement et à la liquidité, ce qui contribuera à amor- tir l'impact de la détérioration de l'économie. Les banques sont donc amenées à résoudre une équation difficile, à savoir maintenir une politique de

gestion du risque aussi rigoureuse que possible dans un environne- ment des plus incertains, tout en continuant à financer les besoins de l’économie. Tout l’enjeu est là. « Si les entreprises ne peuvent pas emprunter pour affronter cette tem- pête économique, la reprise prendra plus de temps et la capacité de production du pays subira des dom- mages à long terme», affirme un banquier. S’il est vrai que la Banque cen- trale a déjà engagé des mesures d’assouplissement, principalement sur le volet prudentiel et celui du refinancement, pour permettre aux banques de jouer pleinement leur rôle de financeur de l’économie, il reste que d’autres mesures doivent être prises pour que la machine à crédit ne se grippe pas sur le long terme. «La Banque centrale a un double défi : maintenir l'inflation à un taux raisonnable (2 à 3%) et soutenir les banques pour qu'elles continuent à financer l'économie», souligne notre banquier. «Plusieurs instruments

peuvent être actionnés : abaisser le taux directeur pour le ramener à 1,25%, continuer à acheter le papier disponible chez les banques, et refi- nancer, comme elle le fait actuel- lement, tous les crédits octroyés» , préconise notre source.

Renforcer les fonds propres

Un autre passage obligé pour les banques, selon plusieurs banquiers, est relatif à la nécessité de renflouer les fonds propres. Et cela passe, notamment, par la non distribution des dividendes. En effet, garder ces fonds contribuerait à solidifier leur assise financière, dans un contexte des plus incertains. «Les banques doivent renforcer les capitaux propres aussi bien par la non distribution des dividendes et l'injection des bénéfices dans le capital, que faire appel aux action- naires pour injecter de l'argent frais», préconise-t-on. Notons que pour l’instant, seule la BMCI a décidé de revoir, à la baisse, son dividende. ◆

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