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CULTURE
FINANCES NEWS HEBDO
LUNDI 28 FÉVRIER 2022
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récompensés des loyaux services qu’ils ont rendus à la patrie française… Et tant d’autres, et non des moindres. Excusez du peu ?! Albert Hitchcock (venu tourner quelques scènes de « L’homme qui en savait trop »), Henry Hathaway (pour le tournage de quelques séquences spectaculaires de « La rose noire »), Sergio Leone (pour le film « Sodome et Gomorrhe ») ne sont pas à présenter. Tous ceux que nous avons auparavant cités forment la fine fleur de la réalisation. Grâce à leur engouement pour Ouarzazate, la nouvelle Jérusalem du ciné- ma a décollé, même si son essor a parfois été perturbé par quelques mauvais vents. L’année 2014 est à marquer d’une pierre blanche : 17 tournages (long métrage, séries et téléfilms) étrangers ont été concoctés cette année-là à Ouarzazate. L’année suivante accusa une baisse de régime en 2015 (12 tournages). En 2016, 16 projets y ont été tournés, rapportant 280.041.554,81 DH. La situation se redres- sa en 2017 (quoiqu’avec seulement 16 tournages aussi, le budget investi a prati- quement doublé, passant à 497.034.626,78 DH) pour embellir en 2018 (18 productions; 731.525.450,70 DH investis). La suite sera un chemin de roses qui atteindra son point culminant en 2019, où 21 films, tous genres confondus, ont vu le jour. Cependant, 2020 est, quant à elle, à marquer d’une pierre noire : le budget investi par les produc- tions étrangères se chiffre à seulement 211.029.740,86 DH contre 796.487.164,69 DH en 2019, soit une baisse totale de 73,50%. Le cauchemar du nouveau coronavirus freinera les ardeurs des cinéastes. A cause des mesures de restriction et les sus- pensions des vols, plusieurs tournages prévus en 2020 ont été annulés, ou juste remis aux calendes grecques. Le Centre cinématographique marocain (CCM) ayant cessé de communiquer les chiffres, il nous est impossible d’en estimer les retombées financières. Pourquoi cette prédilection des pro- ductions étrangères pour le Maroc ? Un indice nous est fourni par Said Andam, directeur de la Commission du film char- gée de la promotion des tournages de films à Ouarzazate : « La région de Ouarzazate a toujours été un bastion du cinéma maro- cain tant estimé par les réalisateurs de films, en particulier étrangers. Plusieurs atouts confortent cette position de leader : la disponibilité des studios de tournages (trois studios, à savoir Oasis, Atlas et
CLA Studios fournissant une infrastructure logistique moderne); les moyens humains (figurants à diversité ethnique et artisans qualifiés, techniciens bien formés); la cli- matologie (diversité des paysages, soleil généreux et lumière exceptionnelle); des coûts de production inférieurs de 50% à ceux pratiqués aux États-Unis; mesures d’incitation et d’accompagnement (faci- lité d'importation temporaire des armes et des munitions utilisées pour les films d’action, exonération de la TVA pour tous
les biens et services acquis au Maroc, le dédouanement du matériel de tour- nage est assuré dans la journée, les visas de tournage délivrés via le Centre cinématographique marocain (CCM) sont obtenus en un temps record); pla-
«Gladiator», joyau antique; superproduction de 1,17 milliard de dirhams.
série d’agréments traduits par la diligence administrative, les facilités de douane, les exonérations fiscales, les tarifs hôteliers préférentiels (200 à 3.000 DH la nuitée et le petit déjeuner dans un palace), le faible coût de la main-d’œuvre… Résultat : la facture d’un tournage au Maroc repré- sente moins de la moitié de celle d’un tournage en Europe ou aux Etats-Unis. On comprend dès lors que les cinéastes et les producteurs n’aient d’yeux que pour ce pays. La veine des productions étrangères ne tarira pas de sitôt, au grand bonheur des comédiens marocains (2.000 à 20.000 DH par jour, selon l’importance de leur rôle), les techniciens (de 4.000 à 12.000 DH par semaine, suivant leur rang) et les figurants (150 à 300 DH par jour), sans compter les nombreux petits futés qui s’arrangent pour empocher quelques dirhams. Cela fait aussi partie des attraits du Maroc. ◆ (1) Parfois, pour les prises de vue cinématographiques, certains optaient pour une autre alternative : les hangars industriels. Ce qui n’a rien d’abaissant quand on sait que les premiers intérieurs hollywoodiens furent tournés dans des granges et dans une blanchis- serie chinoise restée légendaire. Mais c’était en 1913 ! (2) Les studios Cinedina : inaugurés en janvier 2001 pour un inves- tissement de 30 MDH et s’étendant sur 7,5 hectares. (3) 1.000 militaires avaient été engagés comme figurants pour les scènes de bataille dans «Alexandre le Grand» du réalisateur amé- ricain Oliver Stone.
teforme d’accueil (Aéroport international pour faciliter la desserte aérienne et une multitude d’unités hôtelières et structures d’accueil); structures de formation (Faculté Polydisciplinaire et Institut de formation aux métiers du cinéma) ». Le Maroc a plusieurs cordes à son arc Bien sûr, parmi ce qui attire les super- productions du monde entier au Maroc, il y a évidemment cette lumière unique qui a capturé Delacroix, infléchi le cours de l’art de Matisse et ébloui tant et tant d’artistes. On invoque souvent aussi la richesse des paysages du pays et leur variété. «Epoustouflants !». Mais ces attraits seraient-ils aussi irrésistibles s’ils ne s’agrémentaient d’arguments pragma- tiques ? Au premier chef, le loisir, accordé depuis 1995, de faire usage d’armes à feu durant les tournages. Une telle disposition, excep- tionnelle (on peut même mobiliser l’ar- mée (3) ), ne pouvait que séduire les super- productions où on aime tant faire joujou avec les pétoires, ou des films comme « Le légionnaire » avec le pétaradant Jean- Claude Van Damme. En second lieu, une
La facture d’un tournage au Maroc représente moins de la moitié de celle d’un tournage en
Europe ou aux Etats- Unis.
Emoustillé par le spectacle offert à ses yeux (les débris d’un avion de chasse qui évoquent les hautes voltiges de ce casse-cou de Michael Douglas dans « le Diamant du Nil »; les chars romains, vus dans « Gladiator », qui languissent de donner l’assaut ; les bris de l’antique Egypte, avec ses palais, sa galère et sa tête de sphinx, qui surgissent de « Cléopâtre », de Franc Roddam…), il semet, histoire deprolonger leplaisir, à chercher une sallede cinéma. Envain, car il n’y enaplus qu’une. Il en existait deux, lui dira-t-on, Sahara et Atlas . Mais lassées de vivoter éperdument, elles ont mis la clé sous la porte. Le Hollywood marocain avec un seul cinéma ! On croit rêver ! Impensable, il est vrai. Et surtout révélateur de la sinistrose qui étreint le parc des salles de cinéma. Revenons à notre visiteur
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