ENQUÊTE CANNABIS
ohamed Karmoun a 27 ans. Il est titulaire d’un master en tourisme obtenu à l’Uni- versité de Tétouan. Natif du douar Lahssan, Lors de notre séjour à Tazrout, nous avons rencontré Mohamed Karmoun, un jeune jabli épatant qui a réussi à sortir de la culture du kif pour se consacrer à son projet de gîte rural. Portrait. Exemple d’une reconversion réussie MohamedKarmoun, M
près de Moulay Abdeslam Ben M’chich, il nous raconte son histoire. «J’ai fait mon cycle primaire à Larache, et le lycée à Tétouan. J’ai commencé très jeune à cultiver le kif, dès l’âge de 15 ans. Je le faisais pendant les vacances. J’avais l’avantage d’avoir à la fois un terrain et deux bêtes de somme. Mon terrain était relativement grand, d’une dizaine d’hectares, avec son eau abondante, relativement isolée. J’avais un associé qui s’occupait de labourer les champs, et dès les vacances de juin, je prenais le relais pour, à mon tour, m’occuper du cannabis. L’argent généré me permettait de financer mes études. Cela a duré pendant 4 ans : de 2002 à 2005. Mais je n’ai eu finalement que des mésaventures avec ce kif, et je me suis mis à le détester. Je n’ai jamais vraiment réussi à dégager suffisamment de gains. La première année, j’étais associé avec un type du bled. Nous avons vendu notre récolte, et nous avons à peine dégagé un bénéfice de 2.000 DH. A peine de quoi acheter les tuyaux pour acheminer l’eau pour l’année d’après. La deuxième année, il y a eu une descente des autorités dans le douar. Nous avons réussi à sortir le kif et le cacher dans un autre douar. Mais la personne à qui nous l’avons confié l’a vendu et nous a dit qu’on le lui avait volé. Je me suis fait donc avoir. La troisième année, j’ai caché ma production dans du foin. Un Casaoui est venu à la maison et a demandé à ma mère de lui confier la récolte pour la livrer à son fils Mohamed resté à Tétouan. Ma mère, naïve, l’a cru et lui a tout remis. Le Casaoui s’est envolé !», se souvient-il, le sourire en coin.
Mohamed Karmoun
Une génération née avec le kif «Aujourd’hui, je n’en cultive plus, mais je travaille encore dans le kif. Lors de la période d’emblavement du sol, je descends avec mes bêtes de trait pour travailler les terres des autres cultivateurs, notamment dans la province de Tétouan. Je suis payé 300 DH par jour. Je fais partie de cette génération qui est née avec le kif et qui a grandi avec, alors que nos parents l’ont vu débarquer. Pendant mon enfance, mon oncle cultivait le kif. Etant gamin, on man- geait les graines de cannabis comme les pépites. C’était normal pour nous. A la différence que cette pépite faisait un peu tourner la tête (rires). On en raffolait. On connaît tout du kif, ses secrets, ses effets, ses pouvoirs, etc… C’est une plante fascinante, mais
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