Comment le kif est réapparu près de Larache ? En 2005, lorsque la culture du cannabis a été interdite dans la province de Larache, les cultivateurs sont entrés dans la province de Tétouan pour planter le kif. Situation ubuesque où certains terrains, à cheval sur les deux provinces, contenaient une partie de cannabis et une autre non, de part et d’autre de la frontière. A l’époque, Larache était sous l’autorité d’un gouverneur sahraoui, du nom de Maa El Aynin, qui avait éradiqué la culture du kif dans la province. «Moi même, j’ai vu mon cannabis détruit par les autorités en 2005», nous dit un paysan du douar. En 2006, la province de Larache a été déclarée province sans cannabis. C’est le cas également pour la région de Ouezzane. Mais à partir de 2008, le kif a commencé à réapparaître dans ces régions. Les autorités ont lutté pour l’éradiquer, mais quelques tensions ont éclaté avec le makhzen, ce qui a poussé certains
dans cette zone. Ici, 100 kg de moisson (tiges de kif) donnent 1 kg de poudre de cannabis de qualité (pollen de cannabis)», explique Mohamed, un ancien cultivateur de kif, qui voit cette culture comme une malédiction. Pour étayer ses propos, il donne des chiffres : «1 hectare de terre va donner 150 kg de kif soit 1,5 kilo de cannabis; 1 gramme de cannabis dans la région est vendu, à peu près, 4 à 6 dirhams au maximum à l’intermédiaire. Finalement, un hectare dans cette région rapporte au paysan pas plus de 5.000 DH, pour 4 à 5 mois de travail». Des broutilles, effectivement. Le cultivateur n’en profite pas réellement et n’y gagne qu’un calvaire; c’est l’acheteur-revendeur qui est le grand bénéficiaire. Par ailleurs, les terres sont peu nombreuses et de petites tailles. Avec ces petits lots de terre, impossible de gagner beaucoup d’argent. D’ailleurs, avec l’arrivée du kif, les gens ont eu besoin de plus de terre et ont commencé à rogner sur celles des Eaux et Forêts et celles de la commune. Des forêts entières ont été brûlées, avec des conséquences désastreuses sur l’environnement. Pourquoi persistent-ils à planter du cannabis ? «Ils font un mauvais calcul», répond Mohamed. «Le paysan se dit : cette année, je vais bien gagner. Alors, il achète les engrais à crédit, paie les ouvriers agricoles en empruntant ou en vendant une tête de bétail. Cela se fait au détriment de sa famille et de ses enfants qui vivent péniblement et souffrent. Il achète en plus le foin La forêt est détruite par les paysans pour planter du cannabis (parcelle foncée).
douars à se mettre hors-la-loi pour replanter du kif. On jouait au chat et à la souris. «A partir de 2011, avec l’avènement du printemps arabe, de plus en plus de paysans se sont remis à planter du kif. Ils n’avaient plus peur des autorités. Lorsque que le Khlifa ou le Caïd venait dans un douar pour faire cesser la production de kif, les habitants lui faisaient face avec femmes et enfants, et montraient leur hostilité. Les autorités rebroussaient chemin. Ils ont préféré ne pas envenimer la situation en entrant dans un conflit avec les populations», rapporte Mohamed. Mais, depuis cette année, les autorités se montrent hostiles à toute tentative de culture de kif dans la province. Si on ajoute à cela le problème des gens «recherchés», la culture du kif est devenue un véritable enfer dans la région.
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