ENQUÊTE CANNABIS
Villa d’un baron dans la vallée entre Ketama et Targuist. A proximité immédiate de son nid d’aigle, un champ de cannabis en terrasse pour une exposition maximale au soleil.
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L’acheteur, souvent un grossiste, se déplace chez le paysan pour le «débarrasser» de sa production. «Grâce au kif, un paysan peut également s’approvisionner chez l’épicier, à crédit. Celui-ci accepte, car il sait que son client plante du cannabis, qu’il vendra sa production et qu’il est donc sol- vable. Sans cela, il ne pourra pas subvenir à ses besoins. Même celui qui est chargé de payer l’électricité dans le douar se montre patient avec un cultivateur de kif», précise notre interlocuteur. Tout cela crée une dépendance vis-à-vis du kif,
pour nourrir les bêtes de trait. A la fin, il se retrouve avec un gain de 10.000 DH, après avoir remboursé ses crédits, pense avoir fait une bonne affaire. Il oublie la galère de ses enfants et de ses proches. Ces 10.000 dirhams, il devra vivre avec toute l’année jusqu’à la prochaine campagne où il devra encore une fois acheter les engrais, et ainsi de suite. Il se dit cette année, je vais faire une meilleure récolte qui va me rapporter plus d’argent. Si le paysan faisait le calcul à tête reposée, il abandonnerait le kif. Mais c’est la facilité qui prend le dessus», déplore notre interlocuteur.
qui est ici l’équivalent d’une monnaie : cré- dible, reconnue par tous, avec une valeur et, surtout, très liquide. C’est une vraie garantie. «Lors de l’Aïd el Kebir, on peut se procurer 2 chèvres et les payer une fois qu’on aura vendu la production de kif. Beaucoup de gens se font payer en kif», selon Mohamed. Tout cela n’aide pas à son abandon, en dépit des nombreux problèmes qu’il crée. Pourtant, certains cultivateurs ont réussi à l’abandonner. «Je connais quelqu’un qui a arrêté de planter du kif et qui s’est lancé
Le kif est ici l’équivalent d’une monnaie : cré- dible, reconnue par tous, avec une valeur et, surtout, très liquide.
La première facilité réside dans le fait que la graine est gratuite. «Lorsqu’on procède à la transformation du kif en haschish, on récupère les graines. Il y en a donc à volonté. On ne l’achète pas. Si tu veux planter du kif, je peux t’apporter une tonne de graines sans pro- blème, contrairement aux autres cultures pour lesquelles il faut acheter la graine», explique Mohamed. Une deuxième facilité réside dans la liquidité,
dans la vigne. Cela lui rapporte près de 20.000 DH par an. C’était un homme qui avait le kif «dans le sang». Maintenant, il part à Moulay Abdeslam en toute tranquillité vendre sa récolte pas moins de 10 DH le kilo. Et cela, sans projets ni aide. Il a pris la décision tout seul. Il est tranquille mainte- nant, sans paranoïa et sans problèmes avec les autorités.
un terme bien connu des financiers. Les autres cultures comme celle des fèves, ne sont pas aussi liquides que le cannabis. Pour les fèves, par exemple, il faut écouler la mar- chandise : ce qui implique le transport, aller au souk, trouver des acheteurs. Alors que pour la production de kif ou de haschich, la vente se fait souvent avant même la moisson.
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