ENQUÊTE CANNABIS
Avec le kif, il n’a jamais réussi à atteindre ce chiffre de 2 millions de centimes», rapporte Mohamed. Ce qui explique que depuis peu, la culture du kif dans la région de Moulay Abdeslam tend à diminuer. Maintenant, le paysan préfère aller à Ketama (Issaguen), Bab Berred, Lkhmass, ou Béni Hmed, afin d’offrir ses services aux culti- vateurs de kif qui ont un vrai savoir-faire et de très bonnes terres. Et cela s’avère plus rentable pour lui. C’est ce que nous explique Mohamed : «Le paysan s’adonne à 2 mois de
l’ancienneté pour eux. Cela fait plus de 4 générations qu’ils le cultivent de manière intensive. L’apparition du chanvre indien dans les autres tribus plus ou moins éloignées de Ketama est récente. Dans ces régions, les gens apprennent sur le tas, et la plupart n’y gagnent que galère et peu d’argent. Ils n’ar- rivent pas à bâtir un avenir avec cette culture. Rares sont ceux qui parviennent à acheter une maison en ville, comme le font les Ketamis. Les Ketamis vivent convenablement de leur récolte, grâce à
la qualité du produit. Le haschich de Ketama est vendu à bon prix. Et surtout, les paysans de Ketama sont en position de force lors- qu’il s’agit de vendre leur production. Ils ne dépendent pas du prix proposé par l’acheteur ou le grossiste, comme à Tazrout où le paysan a besoin immédiatement d’argent pour rem- bourser ses dettes et préparer la prochaine récolte. Le Ketami, lui, n’est pas forcé de vendre. Il peut être en position de 100 Kg de haschich et les stocker, au chaud. Il a un capital conséquent, de quoi tenir jusqu’à l’an- née prochaine. Le jour où il trouve une offre
labour, à raison de 100 DH/jour, ce qui lui rapporte 6.000 DH. Arrive, ensuite, 1 mois de coupe du kif et 1 mois consacré au nettoyage de la récolte, soit 4 mois de travail. En tout, il parvient à gagner 12.000 DH. Puis il revient au douar. L’année suivante, rebelote; et il n’a ni problème avec le makhzen, ni poursuites à son encontre».
Les autres régions, en ven- dant à bas prix, cassent le mar- ché des Ketamis qui ne le voient pas d’un bon œil.
«C’est beaucoup mieux pour lui, poursuit Mohamed. Aller travailler chez les produc- teurs de kif qui savent y faire, ceux de Bab Berred et Issaguen. Travailler avec des professionnels qui engrangent 200.000 à 300.000 DH par an. Ici, il ne gagne que la galère, empoche peu d’argent et les problèmes avec les autorités en sus». Bab Berred, Issaguen, les seigneurs du kif Bab Berred. Le nom de cette ville du Rif central est devenu étroitement lié à la culture de cannabis. Elle est aujourd’hui une capitale du kif et de ses variétés. La route vers Bab Berred, qui traverse une épaisse forêt de pins, est recouverte de neige ce matin. Deux jours avant notre visite, la route était coupée en raison des fortes chutes de neige. Ce matin, la route a été rouverte, et l’artère principale de la ville est bondée de monde ce jeudi, jour de marché. De gros 4x4, des pickup, des taxis et des vans 207 de type Mercedes avancent au pas. De part et d’autre de l’artère, des jeunes adossés au mur, attendent on ne sait trop quoi, le visage renfrogné «Ils attendent un client, ou un donneur d’ordre pour une course ou une livraison, ou d’aller travailler dans un champ. Mais à cause de la neige et du gel, pas de labourage encore. Il faudra attendre des jours plus ensoleillés», nous dit un gérant de laboratoire photos, chez qui nous allons réparer notre objectif tombé en panne. Quant à Issaguen (nouveau nom de Ketama, ndlr), elle fait penser à une ville du Far West filmée par Sergio Leone. Les visages et les regards sont les mêmes. La poussière, partout, la poussière. C’est jour de marché, la cohue est indescrip- tible. Une ville qui brasse autant d’argent, aussi chaotique. La viande est proposée sur de petites étales sans protection contre les gaz d’échappement. Rien ne laisse croire que nous sommes dans la capitale mondiale du haschich. Les Ketamis n’investissent pas un dirham dans leur ville, préférant dépen- ser leur argent à Tanger, Tétouan ou Al Hoceima. Les paysans de Ketama sont des professionnels du kif. Ils ont
satisfaisante, il se débarrasse de sa production. Par ailleurs, il ne vend pas à n’importe qui, mais préfère les grossistes de grande envergure. Le problème est que les autres régions, en vendant à bas prix, cassent le marché des Ketamis qui ne le voient pas d’un bon œil. C’est la raison pour laquelle les tribus Ketamas méprisent les autres tribus qui cultivent du cannabis. elles les accusent de faire du mauvais kif, qui nuit à la réputation du haschich marocain, et de tirer le marché vers le bas. Les gens de Bab Berred et de Ketama sont persuadés que leur production est la meilleure, inégalable. Ils en tirent une grande fierté. Elle est surtout la plus rentable.
…/…
Bab Berred, perchée à près de 2.000 mètres d’altitude, sous la neige, un jour de marché.
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